Carole Minker
À l’heure actuelle, le nerf vague revient sur le devant de la scène. De plus en plus de livres et d’articles soulignent la large palette de ses nombreuses fonctions. Et force est de constater que les études ne cessent de révéler de nouveaux bénéfices pour notre santé. Pourtant, les conseils habituellement prodigués, quoiqu’efficaces, ont leurs limites : tout le monde n’est pas à l’aise avec les exercices respiratoires ou la méditation, et certains jettent l’éponge avant d’obtenir des résultats qui tardent parfois à venir. Mais alors, comment faire ?
Avant de vous révéler un outil méconnu qui stimule le nerf vague, penchons-nous sur ce fameux nerf. Il est le principal nerf du système parasympathique (1), l’un des composants du système nerveux autonome (SNA, qui gère les fonctions automatiques du corps) ; il est chargé d’apaiser et de calmer les organes qu’il innerve, ce qui va à l’encontre des effets déclenchés par le système orthosympathique qui lui a notamment un rôle dans les situations de stress et d’alerte.
Le système nerveux autonome fonctionne de manière optimale lorsque ces deux systèmes - orthosympathique et parasympathique - s’équilibrent. Activer le nerf vague permet donc de freiner l’activité nerveuse, et prodigue détente, repos et réduction de l’inflammation. Une récente recherche montrait aussi son potentiel dans la régulation de la dépression.
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Son autre nom, « nerf pneumogastrique », révèle les nombreux organes qu’il contrôle : cœur, poumons, organes digestifs et génitaux et pharynx. C’est un élément clé de l’axe intestin-cerveau et du système immunitaire (2), et permet aux informations de circuler par le biais de l’influx nerveux des organes vers le cerveau (80% des informations véhiculées) et inversement (20% des informations).
Or nos vies modernes provoquent une sursimulation du nerf vague et donc un déséquilibre chronique du système nerveux autonome, avec le développement de troubles du sommeil, de l’anxiété, du stress, de la dépression, des maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson), des troubles digestifs et inflammatoires…
Il existe différentes façons de stimuler le nerf vague : par des techniques indirectes ou directement grâce à des dispositifs impliquant l’oreille.
Méditation, respiration, chant… sont autant de techniques bien connues pour stimuler indirectement le nerf vague. Mais que faire si cela ne vous convient pas ? Vous pourriez avoir recours à différentes techniques décrites ci-dessous.
En effet, le nerf vague forme un rameau auriculaire qui innerve le pavillon de l’oreille et le conduit auditif, il est possible d’y avoir facilement accès par ce biais. Il est en vert sur le schéma ci-dessous :

Crédit photo : "Transcutaneous auricular VNS applied to experimental pain: A paired behavioral and EEG study using thermonociceptive CO2 laser", PLos One 2021
Si la méthode traditionnelle de stimulation auriculaire des praticiens en acupuncture et en réflexologie reste les aiguilles voire les aimants, ils ont aussi recours aujourd’hui à des outils plus modernes : stylet d’acupression, laser, faisceau lumineux infrarouge (luxopuncture). En médecine ayurvédique, on préfère le massage et l’acupression : le soin Karana Purana par exemple est pratiqué pour réduire la suractivation du nerf vague et les troubles associés (on dit qu’il « calme Vata »).
Une autre technique pourrait bien vous étonner : il s’agit de la neurostimulation vagale transcutanée auriculaire (parfois raccourci en taNSV ou tNSV en français, en taVNS en anglais) , autrement dit la stimulation du nerf vague dans l’oreille par des impulsions électriques contrôlées (électrostimulation).
Nombreuses sont les études cliniques publiées très récemment (notamment depuis 2023) sur la myriade de bienfaits que peut apporter la taNSV.
Sans surprise, l'électrostimulation auriculaire est précieuse pour toutes les affections qui touchent au système nerveux :
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La stimulation de l’oreille : une longue histoire 
A partir des années 1950, le Dr français Paul Nogier (21), partant du constat de la grande innervation de l’oreille, fait le pari qu’elle pourrait être un lieu de stimulation du système nerveux autonome. Après des années de recherches et d’expérimentation, il met au point avec d’autres une cartographie de correspondances entre des points de l’oreille et différents organes ou fonctions de l’organisme. Il publie en en 1969 son Traité d’auriculothérapie et dans les années 1990 est standardisée une nomenclature de 49 points. Dans cette optique, la stimulation, par le biais de petites aiguilles aimantées (ASP) ou de lasers, de certains points ont vocation à agir sur la douleur, l’addiction, ou différents dysfonctionnements corporels. L’auriculothérapie sous cette forme (stimulation réflexe ou laser), bien que critiquée pour la fragilité de ses fondements scientifiques ou sa difficulté d’évaluation, a prouvé son efficacité par le biais d'études robustes dans certains domaines comme l’anxiété ou la douleur opératoires.
De façon plus étonnante, la neurostimulation vagale transcutanée auriculaire est prometteuse pour soulager d’autres affections parfois inattendues :
Lors d’un Covid long, on observe un dysfonctionnement du SNA avec notamment un dérèglement chronique des signaux véhiculés par le nerf vague. Cela induit divers désordres inflammatoires et neurologiques sur le long terme, qui sont efficacement réduits par la taNSV : dépression, insomnie, anxiété, fatigue, vertiges, troubles cognitifs (attention, mémoire), brouillard mental, maux de tête, anosmie (perte de l’odorant), agueusie (perte du goût) (37-41).
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La FDA (équivalent de l’AFSSAPS aux USA) a approuvé la stimulation du nerf vague pour traiter certaines maladies comme la dépression et l’épilepsie. Cependant, les techniques utilisées jusqu’alors sont invasives car elles requièrent un implant mis en place par chirurgie, et ne sont réservées qu’à un nombre très restreint de patients (42).
La taNSV, au contraire, est un dispositif non médicamenteux et non invasif, réduisant ainsi le nombre de complications et d’effets secondaires (1). Ces derniers sont mineurs et réversibles : irritation cutanée locale, légers maux de tête ou étourdissements.
Les paramètres de la stimulation, la fréquence et la durée des séances (20 à 60 min) sont à adapter à chaque individu, et idéalement déterminés par un professionnel de santé compétent dans ce domaine. Mais l'élecrode auriculaire est souvent fournie avec des programmes pré-enregistrés (stress, acouphène, dépression, migraine, etc.) et/ou des indications de protocole typique pour telle ou telle indication. La taNSV est qualifiée de « slow-acting-therapy », c’est-à-dire que l’intensité de ses bénéfices augmente avec le temps, bien que certaines personnes puissent tout à fait être soulagées dès les premières séances.

L’appareillage, est constitué :
Les contre-indications liées à l’utilisation du TENS : enfants de moins de 6 ans, grossesse, antécédents de thrombose ou d’épilepsie, porteurs de dispositifs médicaux implantables (pacemaker, défibrillateur…), troubles cognitifs (si l’appareil est destiné à être utilisé en autonomie). Auxquelles on ajoute celles liées à l’utilisation de l’électrode de stimulation auriculaire : pathologies cardiaques avérées, pathologies auriculaires, asthme
Il faut souligner que ces contre-indications ne sont pas forcément en adéquation avec les résultats des études cliniques, car elles ne sont pas actualisées en temps réel, et seront probablement modifiées quand les preuves seront estimées comme suffisantes par les autorités de santé. Il est toujours préférable de consulter un médecin familier de ce type de traitement car lui seul décidera si la neurostimulation vagale transcutanée auriculaire est adaptée à votre situation ou non.
Grâce aux études cliniques, la tNSV soulève d’énormes espoirs pour de nombreux adultes et enfants ; de nouvelles études sont toutefois attendues pour mieux comprendre ses mécanismes d’action et déterminer la façon optimale de l’utiliser selon chaque situation.
Une étude pilote de l’Université de Vienne, publiée en janvier 2025 (43), révèle que la synchronisation de la stimulation du nerf vague dans l'oreille avec certains rythmes naturels du corps augmente considérablement son efficacité. En effet, appliquer la stimulation lors de la contraction du cœur (systole) plutôt que pendant sa relaxation (diastole) produit un effet bien plus notable sur le système parasympathique. De même, la stimulation pendant l'inspiration, plutôt que pendant l'expiration, améliore significativement les résultats bénéfiques. « Cela pourrait aider à améliorer le succès des traitements des maladies chroniques, en particulier pour ceux qui n'avaient pas répondu à cette thérapie auparavant pour des raisons encore inexpliquées », déclare Eugenijus Kaniusas, l'un des responsables de la recherche. En attendant des études cliniques plus larges pour approfondir ces découvertes prometteuses ou le développement de programmes de stimulation ajustés à nos fréquences cardiaques, on peut d’ores et déjà tenter de synchroniser ses inspirations avec les impulsions électriques du dispositif !