Élise Kuntzelmann
" C’est une affection fréquente, qui concerne près de 10 % de la population française. Le taux de récidive, s’il n’y a pas de prise en charge diététique dans la foulée, avoisine les 50 % à cinq ans. Il est donc indispensable qu’il y ait un suivi professionnel ", avertit la diététicienne-nutritionniste Sandra Gressard, autrice d’un ouvrage1 sur le sujet.
Le symptôme le plus courant lorsque l’on souffre de calculs rénaux est une douleur quasi insoutenable, foudroyante, qui irradie au niveau de la fosse lombaire, du flanc et de l’aine jusqu’à la cuisse. Il y a donc cette notion de lombalgie et d’hématurie (on peut trouver du sang dans les urines). Si l’on en a souffert une fois, on sait en général que c’est sur cette pathologie que l’on récidive.
Le calcul obstrue les conduits par lesquels passe l’urine, et cela provoque parfois de petites lésions. À force, cela peut, dans les cas extrêmes, conduire à des insuffisances rénales terminales.
Des causes complexes liées à des désordres métaboliques et nutritionnels peuvent provoquer ces calculs. Il existe aussi des origines infectieuses, génétiques ou des anomalies du pH. Certaines infections urinaires peuvent créer des lithiases ou, vice-versa, certaines lithiases peuvent créer des infections urinaires. Parfois, des malformations congénitales sont propices à la stagnation des urines au niveau des conduits urinaires, ce qui finit par entraîner la cristallisation de l’urine et donc la formation de calculs.
Dans sa pratique, Sandra Gressard constate que, dans 90 % des cas, l’origine des calculs est nutritionnelle. Et la bonne nouvelle, c’est que l’on peut agir sur son hygiène de vie. Si on a la chance de pouvoir récupérer le calcul après l’avoir éliminé par les urines, il faut le conserver à l’abri du soleil et l’apporter au laboratoire le plus vite possible pour le faire analyser. " Le calcul est vraiment la petite pépite qui conduit à sa recette de fabrication, indique Sandra Gressard. L’étude de sa composition demande un certain temps. C’est une réelle expertise en laboratoire qui permet de remonter à sa genèse. Une fois qu’il est bien décrypté, on peut corriger les troubles, donc le plus souvent d’origine nutritionnelle, grâce à des conseils diététiques précis. "
Si l’on n’a pas la chance de le récupérer et de l’analyser, il y a un travail d’imagerie médicale à mener pour apprécier sa nature en mesurant sa densité par un scanner. Il est également possible de le faire " exploser " par des méthodes un peu plus invasives, et de récupérer des fragments dans les urines. L’analyse du pH urinaire permet aussi d’en savoir plus. Et parfois, on le retire chirurgicalement et on l’analyse ensuite. Enfin, en l’absence de calcul, l’analyse du recueil urinaire des vingt-quatre heures et la recherche de cristaux dans les urines peuvent orienter vers les causes possibles de la survenue des calculs, indique la Dre Isabelle Tostivint, néphrologue à Paris.
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" Lorsque l’on souffre de calculs urinaires, il faut réaliser un recueil urinaire sur vingt-quatre heures, explique Sandra Gressard. Il permet d’avoir des données importantes sur l’alimentation de la personne durant ces vingt-quatre heures, fournit des informations sur son apport en sel, en protéines, sur le pH urinaire qui est aussi le reflet de l’alimentation. S’il est plus ou moins acide ou basique, on va essayer de le ramener le plus possible vers la neutralité. "
La densité urinaire est un autre élément intéressant. Elle renseigne sur la manière dont se passe l’hydratation sur la journée et sur la concentration de l’urine. Si l’urine est très concentrée, c’est propice à la cristallisation des éléments dans les urines. Boire davantage est dans ce cas essentiel.
Pour la thérapeute, ce bilan urinaire est un élément indispensable pour une prise en charge adéquate et la mise en place d’une alimentation thérapeutique adaptée.
À noter que le lithologue est le médecin spécialisé dans la lithiase urinaire. Il a les compétences pour expertiser la composition du calcul en question. Tous les néphrologues ne sont pas lithologues. C’est une spécialité supplémentaire.
En fonction du type de calculs – oxalate- dépendants ou calcium-dépendants –, la diététique proposée sera différente. Pour prévenir les récidives de calculs oxalate-dépendants, Sandra Gressard préconise de boire régulièrement plus de 2 l/jour, de façon à augmenter la dilution des urines sur l’ensemble des vingt-quatre heures et à adapter le volume des boissons lors des activités physiques, des moments de transpiration, etc.
Elle invite en outre à adapter l’apport et la répartition du calcium. Une part de calcium (150 à 200 mg) sera prise matin, midi et soir sous forme de produit laitier ou 33 cl d’eau Courmayeur ou un demi-comprimé (500 mg). Ces parts de calcium seront complétées chaque jour par de l’eau (2 à 3 l dont la teneur en calcium par litre est d’environ 100 mg) et par le calcium des fruits et légumes (chou chinois ou frisé, épinard, brocoli, rhubarbe, haricots blancs et rouges, amandes, sésame…).
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En cas de calculs calcium-dépendants, elle recommande de réduire ses apports en protéines à une portion par jour, de diminuer la quantité de sel consommée et d’augmenter les apports liquidiens afin qu’ils soient supérieurs à 2 l. Il est aussi nécessaire de calibrer sa consommation de calcium à 900 mg maximum par jour, grâce à la consommation de trois produits laitiers, d’une eau offrant un apport en calcium de 100 mg/l et de végétaux. Si l’on est carencé, prendre une supplémentation en vitamine D est important. Enfin, il est utile d’augmenter sa consommation d’aliments riches en citrates, potassium et magnésium (carotte, betterave, courgette, céréales complètes, légumes secs, citron, noisettes, etc.), ce qui revient à manger des fruits et des légumes à chaque repas.
Il s’agit là de recommandations pour les origines de calculs les plus fréquents. Il existe d’autres cas détaillés dans l’ouvrage de Sandra Gressard.
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Les apports en calcium doivent être répartis sur la journée et suffisants (entre 800 et 1 000 mg/j). On le trouve notamment dans les produits laitiers, certaines eaux et dans des aliments comme les légumes. Éviter les récidives passe par le rééquilibrage des deux forces essentielles : pro-lithogène et anti-lithogène. Cela sans éliminer ni l’oxalate ni le calcium.
« Il ne s’agit pas que d’histoires d’oxalates, mais de voyage du calcium dans le corps et de fabrication par le corps de l’oxalate à partir de protéines présentes en grande quantité. En aucun cas, il ne faut incriminer l’oxalate de votre cacao si vous mangez trois carrés de chocolat noir », clarifie la Dre Tostivint.
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La diététicienne-nutritionniste a lancé une application nutritionnelle gratuite : Reinbow-Your happy kidney². Elle permet au patient de quantifier à l’instant T où il en est de ses consommations alimentaires en sel, potassium, phosphore, liquide, protéines, etc. " J’ai aussi développé une plateforme de téléconseil diététique éducative, Emanutrition Consulte3, ajoute-t-elle. Cela permet au patient de prendre rendez-vous avec ma collaboratrice ou avec moi pour une consultation diététique adaptée. Ces échanges, qui se font en visio, sont nombreux car il y a très peu de ressources professionnelles qualifiées, donc nous sommes, ma collègue et moi, mobilisées dans la France entière et à l’étranger. "
S’il n’y avait qu’un message à faire passer sur le sujet, ce serait, pour la néphrologue-lithologue Isabelle Tostivint, rédactrice du protocole de coopération avec les diététiciennes-nutritionnistes, que les calculs rénaux ne sont jamais le résultat d’une cause unique. " C’est toujours plurifactoriel. Il y a toujours une composante de cristallisation, c’est-à-dire d’un peu, beaucoup, passionnément de quelque chose qui va cristalliser. Comme lorsque vous mettez une cuillère à soupe de sel dans un bol d’eau, que vous mélangez et que cela se dissout. Si vous ajoutez une cuillère, cela ne se dissout plus. Cela signifie que l’on a dépassé le seuil de cristallisation qui est le seuil de saturation où il n’y a plus assez d’eau pour que le chlorure de sodium reste en solution. "
Ensuite, l’alimentation joue un rôle en augmentant la force pro-calculs par trop de sel, de gras, de sucre, de protéines mal réparties. Et l’alimentation est aussi déficitaire en tous les composants qui sont anti-lithogènes, anti-cristallisation. Elle est pauvre en calcium, ou en tout cas, il n’est pas toujours bien réparti. Elle est pauvre en potassium, en magnésium et en d’autres éléments inhibiteurs de cristallisation.
" Les calculs urinaires sont révélateurs d’un important déséquilibre. Ils sont très liés aux désordres nutritionnels que subit l’homme moderne. Et il existe les calculs génétiques, les calculs d’infection, les calculs anatomiques et, parfois, c’est mélangé. Je résumerais tout cela en disant : “Montrez-moi votre calcul, je vous dirai comment manger pour prévenir les récidives” ", conclut-elle.
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Si la personne ne boit pas assez, il faut augmenter l’hydratation. Selon les résultats du recueil urinaire sur 24 heures, l’apport en protéines (viande, poisson, œuf…) peut être diminué. L’apport en calcium doit être réparti sur la journée, avec des repas variés, équilibrés, comportant assez de fruits et légumes. Ces fibres contiennent du magnésium et du potassium, éléments protecteurs devant la récidive de calculs.
La vitamine D intervient dans le métabolisme du calcium. S’il y a une carence, le calcium ingéré sera mal utilisé par l’organisme. Il est donc nécessaire de rechercher une éventuelle carence. À cela s’ajoute la pratique d’une activité physique régulière qui est très protectrice.
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L’association Lunne, présidée par la Dre Isabelle Tostivint, propose une bibliothèque de documentation scientifique avec un fonds dédié à la lithiase urinaire pour le patient et le professionnel de santé : lunne.fr (adhésion 10 €/an)