Élise Kuntzelmann
" Il n’y a aucune définition officielle de la maladie de Willis-Ekbom ou jambes sans repos, parce que cette pathologie n’est pas reconnue. " Voilà comment Ronald Mary, auteur de livres dans les domaines de la santé et du développement personnel, qualifie le syndrome des jambes sans repos, aussi appelé impatiences. Pour cet ancien journaliste, souffrant lui-même de cette pathologie, il s’agit pour l’instant d’une maladie orpheline car l’on n’en connaît toujours pas la source.
" Ce que l’on peut dire aujourd’hui, c’est que l’on a manifestement affaire à un problème localisé dans le système nerveux central, explique-t-il. Lequel problème pourrait se résumer à un déficit de fabrication de dopamine, ce neurotransmetteur permettant la communication au sein du système nerveux. Si la dopamine ne joue plus son rôle correctement, les messages circulent moins bien. Le système nerveux central semble alors avoir une espèce d’autonomie et envoie des ordres aberrants à certaines parties du corps, en particulier les jambes. "
Ces ordres aberrants qui partent donc principalement dans les jambes, entraînent des ressentis non ordinaires, un peu partout dans le corps. " D’abord, ce fut comme la caresse d’un vent léger sur le visage, mais “dans” les jambes ; ou comme une onde liquide qui cajolait mes os, provoquant moult frissons ; voire une sensation proche de l’étreinte de l’angoisse, qui se situe généralement et normalement plutôt au niveau du plexus solaire, tendu, décrit Ronald Mary dans son ouvrage (Le syndrome des jambes sans repos, de Ronald Mary et Marianne Houart-Bugnicourt, éd. Dangles).
Après quelques semaines/mois, ce fut peu à peu la tempête et le tumulte : fourmillements, démangeaisons venant de l’intérieur des membres (jambes et parfois dessus des bras) ; agrémentés quelquefois de douleurs manifestement musculaires, comme si j’avais fait un peu trop de sport […]. Cela pouvait aller jusqu’à des ressentis de brûlures très étranges. Aujourd’hui encore (mais plus rarement), la chaleur naît à la surface de l’os de la cuisse (le fémur), puis augmente en intensité jusqu’à venir s’imprimer sur ma peau, à l’extérieur – soit le contraire d’une brûlure habituelle. "
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Ronald Mary décrit là le stade 1 de la maladie, soit une sévérité légère. Mais l’échelle internationale de sévérité de la maladie, disponible sur le site de l’association France Ekbom², en décrit quatre : léger, moyen, sévère, très sévère. " J’ai fini par atteindre le stade “très sévère”. Et une fois ce niveau atteint, il est très difficile de descendre car c’est une maladie qui s’installe ", se remémore-t-il.
Si la pathologie est d’abord désignée par le terme de syndrome des jambes sans repos, elle a fini par être qualifiée de maladie de Willis-Ekbom (MWE) à l’occasion d’un congrès, il y a une quinzaine d’années. Car si la maladie touche effectivement les jambes, les ressentis sont aussi dans les bras, le torse, etc.
Ressentis qui peuvent aller jusqu’à la douleur si la personne souffrante ne fait rien, autrement dit ne bouge pas ou ne touche pas la zone concernée. " Au bout d’un moment, cela devient douloureux, raconte Ronald Mary. On est donc vraiment obligé de se lever et de marcher tant que c’est là, sinon cela recommence. " Et puis, ces désagréments se manifestent à des moments où ils dérangent le plus, c’est-à-dire au moment de l’endormissement, vers 22 heures ou 23 heures. Cela peut aller jusqu’à réveiller durant la nuit, vers minuit, 1 heure ou 2 heures du matin.
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Si, en soi, la pathologie n’est pas grave, puisqu’elle n’entraîne pas de lésions par exemple, elle touche cependant la quasi-totalité du fonctionnement de l’organisme. La personne concernée finit par être épuisée.
" La plupart du temps, lorsque les personnes se plaignent, cela commence par “je n’arrive plus à bien dormir donc je suis stressé” ", poursuit Ronald Mary. Cela conduit parfois à de la dépression et à la prise de médicaments pour dormir ou pour apaiser une angoisse. L’origine de la maladie étant mal connue, il n’existe, à ce jour, pas de médicament dédié. Les médecins prescrivent le plus souvent un médicament pour une pathologie approchante, dont les symptômes ressemblent le plus à ceux exprimés par le patient. Les deux maladies les plus proches sont l’épilepsie et la maladie de Parkinson, à cause des tremblements et des problèmes liés à la dopamine dans le cerveau.
" Les médecins nous traitent pour une maladie que nous n’avons pas, avec des médicaments qui viennent bousculer l’organisme et nous pourrir la santé, regrette Ronald Mary. Avec le temps, il y a un risque non négligeable d’hypermédicalisation. En plus des symptômes propres à la maladie, on peut se retrouver à gérer les effets secondaires de médicaments non adaptés. "
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S’il semble ainsi que chaque malade doive trouver les remèdes qui lui conviennent, certaines solutions sont bénéfiques à tous les souffrants. La marche, par exemple, est essentielle. Elle entraîne la libération de dopamine – molécule dont le manque est potentiellement à l’origine de ce trouble –, et limite donc sa carence. Marcher entre 3 et 5 kilomètres par jour est indispensable. Le mieux étant de le faire en conscience avec pour objectif de détendre ses jambes. Ensuite, l’alimentation est un point central. Un organisme surchargé par des toxines provenant de l’alimentation sera beaucoup plus touché et plus en difficulté pour lutter. Il est donc conseillé d’évacuer tous les excitants, tels que café ou thé.
Tabac, alcool, sucre et certains médicaments (antihistaminiques, antidépresseurs, antipsychotiques, etc.), sont à limiter voire à proscrire. L’idéal est de se recentrer sur les légumes et les fruits issus de l’agriculture biologique. " Il est préférable de privilégier le bio car il n’est pas impossible que le syndrome soit associé à certains métaux toxiques présents dans l’eau et les aliments, suggère Ronald Mary. Du point de vue des protéines, on va préférer les viandes maigres et les sous-produits animaux comme les œufs, le fromage ou le beurre. Je me suis aperçu qu’en suivant ces quelques recommandations, j’avais de moins en moins de manifestations aléatoires du syndrome. "
Pour Ronald Mary, le pois mascate (Mucuna pruriens) s’est révélé très efficace. Cette plante, que l’on trouve dans les régions tropicales de l’Inde et de l’Afrique, stimule la production de dopamine, de même que la rhodiole ou le tribule terrestre. Aubépine, bacopa, camomille, eschscholtzia, griffonia, houblon, hydrocotyle, lavande, mélisse, millepertuis, passiflore peuvent aussi être prises pour leurs vertus apaisantes, calmantes et sédatives.
En homéopathie, si Zincum metallicum a une influence positive sur Ronald Mary, il cite aussi dans son ouvrage : Arsenicum album, Causticum, Kalium carbonicum, Lycopodium, Magnesia carbonica, Phosphorus, Rhus toxicodendron, Sepia officinalis, Tarentula hispana et les sels de Schüssler.

" Au-delà des grandes tendances que je viens de vous décrire, il n’y a pas de recette miracle. Je trouve très important d’entreprendre une démarche personnelle, d’apprendre à se connaître. Même cette maladie-là peut être source d’évolution personnelle. Essayez de la voir comme une chance d’améliorer des choses dans son existence pour vivre les symptômes de manière supportable ", propose Ronald Mary. Dans ce contexte, les méthodes de relaxation requérant une forme d’intériorisation sont les bienvenues.
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La sophrologue Katia Gérôme commence à apprendre aux " sophronisés " à évacuer leurs tensions, à se décontracter mentalement, musculairement : " Ce syndrome retarde l’endormissement et provoque des microréveils. Il est compliqué de s’endormir lorsque l’on est dans cet état-là. Souvent, cela engendre un stress. Dès le début des séances, je mets en place ce que l’on appelle des “irter”. C’est un acronyme mnémotechnique pour désigner l’inspiration, la rétention (de l’air), la tension (contraction d’une partie du corps), l’expiration et le relâchement (de la contraction). " L’idée, même si on l’applique à toutes les parties du corps, est d’insister sur les jambes, très sollicitées dans le syndrome. Il s’agit d’une technique de sophrologie utilisée pour les personnes stressées, angoissées parce que cela se localise souvent dans certaines parties du corps. On apprend à se détendre, à relâcher.
" Pour traiter ce syndrome des jambes sans repos, il y en a pour une dizaine de séances environ, prévient la sophrologue. On va travailler sur différents aspects. Une fois que l’on a évacué les tensions, on va apprendre à la personne à installer le calme à l’intérieur d’elle, afin qu’elle soit zen pour accepter la suite. On va alors renforcer les capacités d’attention, de concentration. Le but étant de détourner l’attention vers des choses plus positives. Cela apaise. Et puis on active aussi la vitalité. J’ai constaté que les personnes souffrant de ce syndrome vivent souvent très mal leurs journées. À force de mal dormir, elles ne se sentent pas bien. Elles ont une somnolence diurne ou une altération des capacités physiques, mentales ou émotionnelles. Donc, il faut travailler la concentration, l’attention, le positif et sur le fait de dynamiser la personne. "
Katia Gérôme aime voir et expliquer la sophrologie comme un jardin dans lequel on va d’abord enlever les mauvaises herbes et ensuite, une fois que l’on a une belle terre, planter et apprendre à la personne à prendre de la distance vis-à-vis des sensations désagréables, en l’occurrence liées à ce syndrome : " Quand la personne est plus calme, qu’on lui a appris à travailler sur les tensions, sur le calme et sur le positif, cela sera beaucoup plus facile de mettre de côté ces sensations-là et de ne plus focaliser son attention dessus. Ensuite, on va enseigner à la personne la façon de pérenniser cet apprentissage pour pouvoir s’en servir lors des moments plus difficiles. "
À vivre paisiblement le repos, le sommeil. Maintenant qu’elle a tout en elle, il n’y a plus aucune raison pour qu’elle n’arrive pas à s’endormir. Si jamais il devait encore y avoir des séquelles de ce syndrome, elle arrivera à le gérer beaucoup plus facilement.
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Sur son blog*, la sophrologue Katia Gérôme recense seize remèdes de grand-mère pour soulager le syndrome des jambes sans repos. Elle rappelle par exemple que terminer sa douche en se rinçant les jambes à l’eau froide permet de stimuler la circulation (alterner les compresses chaudes et froides si l’on n’a pas la possibilité de prendre une douche).
Stimuler son système veineux grâce à des massages, faire des étirements des jambes pour les détendre avant de dormir, en étant assis sur le lit ou sur une chaise ; prendre l’habitude de se coucher et de se lever chaque jour à la même heure ou encore dormir avec une couverture lestée, qui aide à réduire les sensations d’inconfort et à apaiser les nerfs irrités, font partie des autres astuces proposées.
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Chacun est différent, chacun va réagir en fonction de ses forces et de ses faiblesses. Connaître son propre organisme est déterminant. Se prendre en main avec l’aide du médecin homéopathe peut permettre de booster son organisme, en fonction de son propre état, de son âge, de ce que l’on fait dans la journée, de ce qui peut être carencé chez chacun. " Cela n’interdit pas de faire de l’acupuncture, de la sophrologie, du yoga et de la méditation, mais voyez d’abord un bon médecin pour pouvoir poser le diagnostic. Il pourra aussi réaliser certains dosages, notamment de la dopamine et d’autres éléments comme le fer qui pourraient être en déséquilibre dans le corps. Cette maladie n’est pas une fatalité ", conclut Ronald Mary.
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Le symptôme majeur permettant le diagnostic du syndrome s’exprime le soir au moment du coucher. Après quelques minutes en position allongée, le malade a les jambes qui commencent à bouger ou à frissonner. Ces différents ressentis :
« Je pense que cette description des symptômes devrait alerter le médecin, avertit Ronald Mary. Lequel médecin devrait adresser le patient à un neurologue. Ce dernier proposera très certainement une radio ou une IRM. Mais ces examens ne révéleront rien et le patient se verra dire “C’est dans la tête” ».
Un point positif tout de même est que les médecins, en particulier les plus jeunes, seraient selon Ronald Mary de plus en plus conscients de l’existence de ce syndrome.
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L’association France Ekbom*, qui compte aujourd’hui plus de 2 000 adhérents, a été créée pour aider les malades atteints de la maladie de Willis-Ekbom. Elle a mis en place un système de correspondants régionaux, bénévoles dont la mission consiste à redonner à d’autres ce qu’ils ont eux-mêmes reçu, à savoir : écoute, conseils, aide, etc.
Dans ses missions, l’association s’occupe aussi de soutenir des projets de recherche visant, entre autres, à promouvoir de nouvelles stratégies thérapeutiques. En 2022, elle indique ainsi avoir soutenu des recherches portant sur le microbiote et la translocation bactérienne dans le syndrome des jambes sans repos… À suivre.

Le syndrome des jambes sans repos, de Ronald Mary et Marianne Houart-Bugnicourt, éd. Dangles.