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Phagothérapie : vers des cocktails personnalisés ?

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’INSERM, de l’AP-HP et de l’Université Paris Cité ont mis au point un nouvel outil simple et efficace permettant de recommander le meilleur cocktail de phages possible pour un patient donné.

La rédaction

La phagothérapie, qui consiste à utiliser des virus (appelés bactériophages ou phages) pour lutter contre les infections bactériennes, est tombée dans l’oubli avec l’arrivée des antibiotiques dans les années 1930. Mais alors que l’augmentation de la résistance aux antibiotiques rend de plus en plus difficile le traitement des infections bactériennes (certaines bactéries de plus en plus résistantes, comme Escherichia coli, se transformant désormais en « superbactéries »), la phagothérapie suscite à nouveau l’intérêt des médecins et des scientifiques. Elle reste toutefois complexe à mettre en œuvre en raison de la grande diversité et de la spécificité des phages.

Pourquoi l’antibiorésistance relance l’intérêt pour les phages ?

Alors que seuls quelques pays d’Europe de l'Est, comme la Géorgie, continuent d’utiliser la phagothérapie, quelques pays occidentaux, dont la France, autorisent l’usage encadré de certains phages à certains patients en cas d’échecs de tous les traitements précédents. Toutefois, explique Baptiste Gaborieau, chercheur au laboratoire IAME (Université Paris Cité-Inserm) et co-premier auteur d’une nouvelle étude sur le sujet : « Depuis 20 ans, après avoir été promue par l'OMS (2) et avec le lancement récent d'essais cliniques, y compris en Europe, la phagothérapie suscite à nouveau l'intérêt. »

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L’intelligence artificielle au service d’une phagothérapie personnalisée

Chaque phage ne pouvant s’attaquer qu’à certaines souches bactériennes, l’un des défis de la phagothérapie est de savoir quel phage sera le plus efficace pour traiter une infection donnée. C’est pourquoi des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’INSERM, de l’AP-HP et de l’Université Paris Cité ont mis au point un nouvel outil simple et efficace permettant de recommander le meilleur cocktail de phages possible pour un patient donné. C'est en quelque sorte l'équivalent, pour la phagothérapie, d'un antibiogramme pour la prescription d'antibiotiques ou d'un aromatogramme

Pour ce faire, ils ont développé et entraîné un modèle d’intelligence artificielle capable de faire une sélection personnalisée de phages en se basant uniquement sur le génome des bactéries ciblées. Les résultats de ces travaux, publiés le 31 octobre 2024 dans la revue Nature Microbiology, ouvrent la voie à des phagothérapies plus personnalisées pour traiter les infections bactériennes résistantes aux antibiotiques.

En étudiant plus en détail les interactions entre bactéries et phages, ils ont tenté de voir s’il était possible de prédire l’efficacité d’un phage sur une souche bactérienne donnée. Durant deux années, ils ont ainsi analysé les données liées aux interactions entre 403 souches différentes d’Escherichia coli et 96 phages (soit 350 000 interactions) et réussi à identifier quel phage pourrait être efficace sur telle ou telle bactérie.

Cette analyse a permis de concevoir un programme d’intelligence artificielle jugé « optimisé et efficace » qui s’appuie sur l’analyse du génome bactérien.

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Une efficacité de prédiction de 85 à 90 % facilement transposable à l’hôpital

Après plus de deux ans de développement et d’entraînement, ce modèle d’intelligence artificielle a pu prédire correctement l’efficacité des phages pour traiter les bactéries E. coli dans 85 % des cas. Un résultat qui a dépassé les attentes des chercheurs qui ont alors décidé d’aller plus loin dans leurs recherches en les poursuivant sur une nouvelle collection de souches bactériennes E. coli responsables de pneumonies.

Pour chacune de ces souches, ils ont sélectionné un « cocktail sur mesure » de trois phages. Dans 90 % des cas, les phages spécifiquement choisis par l’intelligence artificielle sont parvenus à détruire les bactéries. Jugée « facilement transposable aux laboratoires hospitaliers », cette méthode de cocktails de phages personnalisés ouvre la voie à de futurs traitements par phages en cas de diagnostic d’infection par Escherichia coli hautement résistant aux antibiotiques.

Facilement adaptable à d’autres scénarios et familles bactériennes, ce modèle d’intelligence artificielle pourrait proposer, à l’avenir, d’autres traitements innovants et personnalisés par phagothérapie pour traiter maladies ou infections.

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