Carole Minker
De plus en plus de preuves viennent étayer la thèse de l’impact non négligeable du mode de vie sur la maladie d’Alzheimer (MA). Dans ce contexte, la première étude clinique randomisée et contrôlée, avec un protocole intensif et transdisciplinaire proposé à des personnes atteintes de la MA, a été publiée en juin 2024 dans la revue Alzheimer’s Research & Therapy (1). Le but était de déterminer si des changements intensifs du mode de vie étaient capables d’apporter des bénéfices réduisant significativement la progression des troubles cognitifs (apprentissage, langage) ou de la démence précoce chez des personnes qui avaient eu préalablement un diagnostic de MA.
Il existe plusieurs facteurs de risque, modifiables pour certains, qui contribueraient à environ 40% de l’ensemble des cas de démence (dont les malades d’Alzheimer) en les déclenchant ou les aggravant. Parmi ceux-ci, citons l’hypertension, le tabac, le diabète de type 2, l’obésité, la dépression, le régime alimentaire déséquilibré, la sédentarité, le stress émotionnel et l’isolement social. Les mécanismes d’action impliqués dans la MA seraient notamment l’inflammation chronique, le stress oxydant, la résistance à l’insuline, le raccourcissement des télomères et l’hyperactivité du système sympathique, parmi d’autres.
Une grande étude menée à Chicago (2) sur des individus âgés de 65 ans au minimum avait déjà montré que le fait de manger beaucoup de légumes réduisait le risque de MA de 38%, et que ceux qui consommaient des sources d’omégas 3 au moins une fois par semaine voyaient leur risque diminuer de 60%.
Dans l’étude en question, plusieurs changements étaient proposés aux 51 participants atteints de MA, dont l’âge moyen était de 73,5 ans :
L’alimentation était à dominante végétale, riche en aliments complets, peu ou pas transformés, riche en sucres complexes, fibres, vitamines et minéraux (fruits, légumes, céréales complètes, légumineuses, produits dérivés du soja, graines et oléagineux), pauvre en gras trans, édulcorants, sucres raffinés et additifs alimentaires. Les calories étaient réparties comme suit : 14 à 18% de lipides, 16 à 18% de protéines, et 63 à 68% de sucres principalement complexes. L’apport calorique n’était pas restreint, et les personnes ayant des besoins caloriques élevés bénéficiaient de portions supplémentaires.
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Les participants devaient pratiquer au moins 30 minutes d’exercice de type aérobie (comme la marche) par jour, et des exercices légers et personnalisés de musculation au moins trois fois par semaine, accompagnés d’un professionnel.
Pour augmenter leur sensation de relaxation, leur concentration et leurs facultés de conscience, il était demandé aux participants de pratiquer une heure par jour de méditation (y compris des séances en ligne), postures de yoga faciles, relaxation progressive, exercices de respiration et de visualisation. Ils avaient aussi la possibilité d’utiliser des lunettes clignotantes de la fréquence des ondes thêta (soit 7,83 Hz) accompagnées d’une musique apaisante pour les aider à méditer et à dormir.
Les participants et leurs conjoints participaient à un groupe de soutien supervisé par un professionnel de la santé mentale à raison de 3 séances d’une heure par semaine. Le but était de leur apporter un soutien émotionnel, un esprit de communauté et d’améliorer leurs capacités de communication. Pendant ces séances, il leur était demandé de pratiquer des exercices de mémoire.
Sur la base d’études scientifiques menées sur la MA, l’équipe de recherche a mis en place la supplémentation suivante quotidienne :
- Omégas 3 et curcumine pour leurs vertus anti-inflammatoires et antioxydantes
- Multivitamines et minéraux (sans fer) pour améliorer les capacités cognitives et les troubles du comportement observés dans la MA
- Coenzyme Q10 pour réduire les dommages à nos mitochondries
- Vitamine C pour protéger du déclin cognitif
- Vitamine B12 pour ralentir l’évolution de la MA
- L-thréonate de magnésium pour réduire les facteurs de risque de la MA
- Hydne hérisson (champignon appelé crinière de lion) pour améliorer significativement les fonctions cognitives
- Probiotiques pour soutenir le microbiote qui a un lien fort avec le cerveau
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Après les 20 semaines de prise en charge, une amélioration des fonctions cognitives a été objectivée par quatre tests de performance intellectuelle, alors que les résultats avaient empiré dans le groupe contrôle n’ayant pas suivi le programme.
Leur ratio Aβ42/40 (qui reflète les dépôts amyloïdes dans le cerveau (3), l’une des causes possibles de la MA) avait également diminué de façon significative, alors qu’il avait augmenté dans le groupe contrôle, et la santé de leur microbiote était également meilleure.
En conclusion, cette étude prouve que des changements fondamentaux du mode de vie peuvent améliorer considérablement, en 20 semaines, les fonctions cognitives chez les personnes atteintes de maladie d'Alzheimer.
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