Laëtitia Kermarrec
Face à un danger potentiel, notre corps réagit vite : le cœur s’emballe, la tension monte, les muscles se tendent… Ces manifestations sont le fruit de l’interconnexion entre le corps et l’esprit, essentielle à nos émotions et états mentaux. Au-devant de la scène : le cerveau, premier acteur du processus, puisqu’il permet de percevoir et ressentir le risque avant de penser en conséquence.
Mais il ne fonctionne pas seul, le corps jouant aussi un rôle fondamental dans la construction de l’esprit. Il est en effet impossible de dissocier nos pensées et émotions de nos sensations corporelles : l’esprit humain ne peut exister sans son ancrage corporel.
Ce dialogue cerveau-corps est rendu possible grâce au nerf vague, dixième nerf crânien, qui relie le tronc cérébral aux viscères (cœur, poumons, système digestif…). C’est le plus long nerf de l’organisme, qui transmet aux organes des ordres moteurs et des informations sensorielles. Il régule des fonctions automatiques cruciales (humeur, apprentissage, peur ou excitation sexuelle) en agissant d’une certaine manière comme un " conduit de l’esprit ", en dehors du contrôle conscient. Il tient son nom du grec Galien, au IIIe siècle, qui, face à l’absence d’une fonction précise identifiée, lui a attribué l’adjectif " vague ". Depuis, nombre d’études ont révélé son rôle central, ouvrant la voie à des recherches sur sa stimulation pour traiter des troubles neurologiques et psychologiques (migraine, acouphènes, obésité, douleur, toxicomanie) ou pour améliorer la mémoire et la cognition.
Comment la stimulation d’un seul nerf peut avoir tant de bénéfices santé ? C’est l’origine de ce nerf qui permet de comprendre. Issu de quatre groupes de neurones dans le bulbe rachidien, à la jonction de la moelle épinière et du cerveau, il quitte ce dernier par un trou dans le crâne et se ramifie dans le tronc et la tête. Contrairement aux autres nerfs qui suivent le trajet de la colonne vertébrale, il possède des ramifications partant de groupes de neurones périphériques (ganglions) dans certaines zones du corps. Par exemple au niveau de l’artère carotide : les fibres du nerf vague suivent alors le réseau de vaisseaux sanguins jusqu’aux organes vitaux.
En plus de cette particularité, ce chef d’orchestre possède, à l’instar du cerveau, une organisation bilatérale avec des branches gauche et droite. De par l’asymétrie du corps (cœur à gauche, foie à droite…), les connexions et fonctions du nerf vague diffèrent selon les organes. De fait, son réseau d’innervation est souvent comparé à celui d’une autoroute, par la présence de bifurcations multiples.
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Cette organisation complexe nécessite une régulation fine, équivalente à celle d’un frein et d’un accélérateur, pour garder nos systèmes corporels sous contrôle (contractions de l’intestin, mobilisation du système immunitaire, modification du rythme cardiaque et de la tension artérielle…). C’est-à-dire que la fonction principale du nerf vague est d’atténuer les réactions physiologiques, après un stress ou une peur par exemple, à travers le rétablissement du rythme cardiaque, respiratoire et de la régulation sanguine. Tout comme il peut, à l’inverse, stimuler ces fonctions corporelles en relâchant sa fonction de frein.
Des chercheurs ont donc eu l’idée d’exploiter cette action apaisante du nerf vague dans des thérapies pour calmer l’épilepsie, soulager les troubles anxieux, arrêter les migraines et autres affections. La stimulation du nerf vague est intéressante car elle peut se pratiquer sans neurochirurgie, grâce à des électrodes insérées dans la poitrine du patient ou fixées à son lobe d’oreille.
Mieux encore, des pratiques d’autostimulation du nerf vague par divers exercices et massages ont été développées pour aider à traiter des maux courants (troubles digestifs, anxiété, dépression, migraines, maladies auto-immunes)¹ ² ³. Ces méthodes sont accessibles à tous (lire ci-desous).
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