Les bienfaits des fibres sont de mieux en mieux documentés, mais peut-être encore trop peu connus du grand public. Sans quoi, ce dernier serait probablement plus attentif à en consommer suffisamment . Elles sont évidemment indispensables à un bon transit, mais elles protègent aussi du stress , de la diverticulose , de l’ AVC ou encore de Parkinson , et permettent, globalement, de vivre plus longtemps . Pourquoi les fibres sont-elles si importantes ? Parce qu’elles sont le point de départ de la « chaîne alimentaire » destinée à nourrir nos bactéries intestinales, au sujet desquelles la recherche ne cesse de découvrir de nouvelles vertus pour la santé.
Cette chaîne débute avec les bactéries capables de dégrader la cellulose, principal constituant de la paroi cellulaire des plantes. Mais, à l’image d’un muscle qui s’atrophie lorsqu’il n’est pas sollicité, il semblerait que notre capacité à digérer la cellulose faiblit elle aussi lorsque notre régime alimentaire n’en apporte pas suffisamment . Ce qui est le cas dans les pays industrialisés.
Avant l’ère industrielle, les fibres constituaient une partie essentielle du régime alimentaire de nos aïeux, comme nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, et des sociétés primitives. De nos jours, tout un faisceau d’études (1) en différents endroits du globe montrent que si les fibres conservent une bonne place dans l’alimentation en milieu rural , leur part est en net recul chez les populations urbaines , conduisant ces dernières à présenter une biodiversité microbienne intestinale moindre . Et c’est un problème, puisque cette perte contribue à l’accroissement de la prévalence des maladies métaboliques.
Pour les auteurs de cette nouvelle étude (2) israélienne, la différence entre « ruraux » et « urbains » résiderait principalement dans une sous-représentation chez les seconds des souches cellulolytiques (qui décomposent la cellulose), dont la principale, chez l’homme, semble être l’espèce Ruminococcus. Cette dernière est à l’origine des cellulosomes, des complexes d’enzymes qui se fixent à la cellulose et la dégradent en fibres digestibles puis en sucres, qui serviront à nourrir les autres lignées bactériennes du microbiote. De ce fait, l’espèce Ruminococcus se place au sommet de la cascade de dégradation des fibres permettant d’ entretenir un microbiote sain.
Le constat actuel que l’ espèce Ruminococcus décline, voire fait défaut, parmi les populations urbaines « occidentalisées », est donc préoccupant, considérant le rôle central du microbiote intestinal pour la santé. Les comportements alimentaires dans les espaces urbains étant toujours plus orientés vers la facilité et la rapidité (ce qui sous-entend des aliments pauvres en fibres), le salut pourrait-il venir d’une supplémentation en fibres prébiotiques ?
C’est ce que suggère, au moins partiellement, une récente étude (3) britannique qui a soumis une petite cohorte de jumeaux, âgés de 73 ans en moyenne, à une supplémentation en fructo-oligosaccharides (FOS) et en inuline, contre placebo. Les FOS et l’inuline sont des fibres végétales bon marché, très bien tolérées, dont les bénéfices sur la santé sont déjà largement documentés.
Après douze semaines de consommation quotidienne de 3,5 mg de FOS et de 3,4 mg d’inuline, les participants supplémentés présentaient un changement significatif de leur microbiome (mieux pourvu en bonnes bactéries comme Bifidobacterium) et montraient une meilleure fonction cérébrale, y compris à un test pour la détection précoce d’Alzheimer ! Sans doute une piste à creuser pour tous ces pans de la population en situation de carence en fibres…
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