Élise Kuntzelmann
Les nombreux courriers d’abonnés le confirment : les problèmes de ronflements gâchent les nuits de nombreuses personnes, qu’il s’agisse de l’individu émetteur du bruit ou de la personne tentant de dormir à son côté. Lorsque ces ronflements s’apparentent à des troubles de la respiration liés à des apnées du sommeil, cela mérite de s’y attarder car les conséquences peuvent parfois être graves.
Les apnées du sommeil représentant en effet le plus gros facteur de risque cardio-vasculaire. "Il faut savoir que 5 à 7 % de la population française est concernée par ce syndrome", souligne Frédéric Le Guillou, pneumologue et président de l’association Santé respiratoire France2. "Cela signifie que, théoriquement, six millions de personnes devraient être traitées. Or, plus de deux tiers d’entre elles ne sont pas diagnostiquées. "
L’apnée du sommeil se caractérise par la survenue de pauses respiratoires (des interruptions de la respiration) de plus de dix secondes pendant le sommeil. On constate une baisse du tonus de la langue, du pharynx et des muscles de la gorge. Cela induit une obstruction complète des voies aériennes supérieures et une chute du taux d’oxygène dans le sang.
Frédéric Le Guillou : " Le cerveau a horreur de ces chutes d’oxygène et il peut alors y avoir un micro-éveil d’une fraction de seconde. Les personnes ne vont pas forcément se réveiller mais cela fragmente leur sommeil. Ce sommeil n’est pas réparateur et cela entraîne de nombreuses modifications de régulations hormonales qui se font normalement la nuit. "
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En cas de suspicion d’apnée du sommeil, on procède à une polygraphie ventilatoire nocturne. Différents types de capteurs sont mis en place. Tout d’abord, un capteur de ronflements est posé au niveau du creux sus-sternal [au-dessus du sternum, NDLR].
Il renseigne sur la position du dormeur. Des sangles thoraciques abdominales sont ensuite disposées afin de différencier les types d’apnées. Un oxymètre de pouls mis au bout du doigt mesure l’état d’oxygénation du corps et la fréquence cardiaque. Et puis de petites lunettes nasales recueillent des données en lien avec la pression nasale. Tout ceci peut se faire chez soi, en ambulatoire.
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À cela s’ajoute le fait que ces personnes vont davantage uriner la nuit. " J’attire l’attention sur le fait qu’un homme de plus de 50 ans qui va souvent uriner la nuit n’a pas forcément un souci de prostate, fait remarquer Frédéric Le Guillou. C’est la dérégulation hormonale due à l’apnée qui génère une sécrétion plus importante d’hormone diurétique. Lorsque l’apnée est traitée, cela disparaît. "
’apnée du sommeil peut engendrer des sueurs la nuit et des maux de tête le matin au réveil. Concernant les signes diurnes, fatigue, somnolence, irritabilité, troubles de concentration et de mémoire sont observés. Chez les enfants, cela peut causer une hyperactivité, de l’énervement, de l’excitation et des difficultés à se concentrer. Des enfants qui ne faisaient plus pipi au lit peuvent se remette à souffrir d’énurésie.
" Ces symptômes, que les malades ne présentent pas forcément tous à la fois, doivent faire penser à des troubles respiratoires du sommeil. L’apnée du sommeil, plus gros facteur de risque cardio-vasculaire connu, multiplie par trois le risque d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral, de trouble du rythme et d’hypertension. Si l’on a déjà une hypertension, que l’on est obèse, c’est une vraie bombe à retardement ", avertit le pneumologue. Et d’ajouter que ce syndrome provoque de la somnolence en journée qui peut être responsable d’accidentologie. Cela nécessite donc d’être vigilant et de se donner les moyens de poser un diagnostic (lire encadré). Une fois le diagnostic posé, place au soin.
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Catherine Thibault est orthophoniste spécialiste de la sphère orofaciale et de l’oralité, et autrice d’un ouvrage dédié à la langue3. Elle souligne l’importance de la position reculée de la langue, de la baisse du tonus de la langue, du pharynx et de l’ensemble des muscles localisés dans la gorge dans l’obstruction des voies aériennes supérieures et donc dans l’émergence d’apnées du sommeil.
Elle dit préférer laisser aux médecins l’aspect un peu négatif et mécanique du problème d’apnée du sommeil. " De mon côté, je préfère insister sur le côté un peu plus ludique en passant par de la rééducation oromyofaciale, qui, soit dit en passant, est remboursée. Bien sûr, dans tous les cas, la première chose à faire avant de venir me voir est de passer par la case médicale. Ce n’est pas parce que l’on ronfle que l’on a forcément un syndrome d’apnée obstructive du sommeil. Tout cela nécessite des examens et de rencontrer un médecin. "
Ensuite, Catherine Thibault voit ses patients quatre fois d’une manière régulière, puis à leur demande. L’idéal étant une douzaine de séances sur une année. " L’être humain a besoin d’être accompagné avant de pouvoir pratiquer lui-même des exercices au quotidien. Ce n’est pas parce que l’on va faire dix claquements de langue que l’on va améliorer les choses. Cela s’inscrit dans un contexte plus global. "
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Le duo langue-nez est primordial dès le plus jeune âge. L’idée est donc de travailler sur ce duo et d’apprendre à bien ventiler. Catherine Thibault : " Lorsqu’on a une mauvaise ventilation naso-nasale4 dans la journée, il y a de fortes chances que la nuit, ce ne soit pas correct non plus. On ne respire très souvent pas bien et le problème est davantage associé au nez. Respirer par le nez est la condition la plus importante. Pour cela, il doit être désobstrué. La première chose est donc d’apprendre à nettoyer son nez et à se moucher narine après narine. "
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Pour apprendre à bien respirer, l’orthophoniste propose un exercice qui se pratique assis, les pieds à plat.
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" La langue est composée de 17 muscles, c’est une superpuissance. C’est le muscle le plus puissant du corps après le grand fessier, explique Catherine Thibault. Il est extrêmement bénéfique de prendre conscience que la langue peut se muscler. Et puis la langue est importante dans nos vies. Elle est présente quand on mange, parle ou embrasse. " Si cette langue est plutôt basse, c’est souvent le signe d’un relâchement, parfois à l’origine d’apnées.
Certains exercices visent à augmenter le contrôle moteur des lèvres et de la langue et à obtenir une bonne position de la langue au repos. Le clic lingual, par exemple, tonifie la pointe de la langue et ses bords latéraux, qui doivent coller au palais et s’en détacher comme une ventouse dans un mouvement vertical. Il est aussi important d’intégrer la bonne position de la langue au repos : en respirant par le nez au repos, les narines s’ouvrent, la bouche est fermée, les mâchoires ne sont pas crispées et la langue est au palais sans tension, la pointe et les bords latéraux reposent derrière les incisives du haut sur les papilles palatines, les petites bosses.
" Petit à petit, on va donc adopter cette bonne position linguale de repos. Cela permettra, avant de s’endormir, de mieux positionner sa langue. Le mieux étant, en plus, de dormir sur le côté, note Catherine Thibault. Je dois dire que cette rééducation oromyofaciale n’a pas tout de suite été mise en avant par l’ensemble du corps médical. On trouvait que porter un masque la nuit facilitait les choses. On constate malheureusement que de nombreuses personnes ne le supportent pas. "
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Dans les autres traitements plus invasifs figurent effectivement la PPC ou ventilation nasale nocturne en pression positive continue. L’objectif est de maintenir les voies aériennes ouvertes en soufflant de l’air. Ceci passe par le port d’un masque la nuit. L’orthèse d’avancée mandibulaire est un autre traitement possible. Il repose sur un système qui se place dans la bouche et tracte le maxillaire inférieur vers l’avant et donc ouvre les voies aériennes.
Avant de s’engager dans un périple médical et thérapeutique, rappelons quelques préconisations : perdre du poids (pour les personnes en surpoids ou obèses), ne pas consommer trop d’alcool car cela entraîne une baisse du tonus musculaire et une sécheresse, et enfin arrêter de fumer car le tabac favorise le ronflement et la résistance à l’écoulement de l’air. Un beau programme.
Certains des patients venant consulter la sophrologue Katia Gérôme le font pour mieux dormir, ou pour accepter le port du masque dans le cadre de la PPC (appareil de pression positive continue), ou encore pour cause de stress. La respiration tient une grande place dans les séances.
« On travaille à muscler le système respiratoire, ce qui ne va pas annuler les symptômes mais aider la personne à avoir moins d’interruptions de respiration durant son sommeil », indique-t-elle. Cela va dégager le système respiratoire et aider la personne à se calmer avant de s’endormir. Si la personne se réveille la nuit en panique – ce qui arrive parfois après une interruption de la respiration –, les exercices de sophrologie doivent lui permettre de se rendormir plus sereinement.
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