Carole Minker
La taurine est un acide aminé dit « non essentiel », car elle ne doit pas obligatoirement être apportée par l’alimentation. En effet, le corps est capable de la produire (mais possiblement en quantités insuffisantes). Néanmoins, elle est indispensable pour certaines fonctions de notre organisme, notamment au niveau du cerveau, de la rétine et des muscles. Dans l’alimentation, on la trouve dans les poissons, les fruits de mer et la viande de porc, bœuf et agneau.
Longtemps, la taurine a été diabolisée pour des effets excitants nerveux qu’on lui attribuait à tort, notamment du fait de sa présence dans les boissons énergisantes. En réalité, ces effets étaient liés à la présence de caféine. Cependant, cela a valu à la taurine d’être supprimée de la formule de ces boissons, pour ensuite y être réintégrée : une bonne nouvelle, car il s’avère que cet acide aminé est un protecteur cérébral et neuronal (1, 2) (voir encadré).
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Certains mécanismes d’action mis en jeu dans la protection cérébrale (modulation des flux de calcium (3) et du flux sanguin (4), effets antioxydants et anti-inflammatoires) sont également bénéfiques pour d’autres organes et systèmes, notamment au niveau cardiovasculaire. Rappelons que les maladies cardiovasculaires restent, à l’heure actuelle, la première cause de mortalité au monde.
Une méta-analyse d’août 2024 publiée dans Nutrition Journal (5) s’est attachée à faire la revue systématique des recherches sérieuses (essais contrôlés randomisés) pour évaluer les preuves actuellement disponibles sur les effets de la taurine. Ses auteurs se sont notamment penchés sur les modifications des paramètres cardiaques et l’évaluation de la fonction cardiaque (via la classification fonctionnelle de la New York Heart Association) , le tout reflétant l’état de santé cardiaque mais aussi l’état de santé globale.
Cette méta-analyse a inclus 808 patients issus de 20 études cliniques différentes. Chez l’ensemble de ces participants, la taurine a montré une amélioration significative de tous les paramètres testés : fréquence cardiaque, pression artérielle systolique et diastolique, fraction d’éjection ventriculaire gauche… L’étude a aussi révélé que les effets obtenus sont proportionnels à la dose de taurine administrée : les doses employées variaient de 1,5 à 6 g/jour, pour des durées de supplémentation allant de 5 à 90 jours. Aucun effet indésirable significatif n’a été relevé par rapport aux groupes ne recevant pas de taurine.
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Des recherches animales récentes (14) montrent le potentiel thérapeutique que la taurine pourrait avoir dans le futur dans la prise en charge de certaines pathologies. Contre Alzheimer, la taurine limiterait les effets neurotoxiques de certaines molécules, réduirait la neuro-inflammation et soutiendrait l’activité des récepteurs GABA, essentiels à l’équilibre du système nerveux. Dans la maladie de Parkinson, elle pourrait freiner la destruction des neurones dopaminergiques, ralentissant ainsi la progression des symptômes. Son rôle protecteur est également prometteur contre les crises d’épilepsie, où elle diminue leur fréquence et leur intensité. La taurine montre aussi un potentiel intéressant pour lutter contre la dépression et l’anxiété. En modulant l’activité neuronale et en régulant les déséquilibres des neurtransmetteurs associés à ces pathologies, elle pourrait offrir un soulagement aux patients. Enfin, dans les cas d’ischémie cérébrale (AVC), elle pourrait prévenir les dommages neuronaux graves en inhibant les mécanismes de mort cellulaire. Si ces résultats se confirment dans des études cliniques humaines, la taurine pourrait ouvrir de nouvelles voies pour soigner des troubles neurologiques graves.
En analysant des sous-populations spécifiques dans l’ensemble de ces 808 patients, les chercheurs ont montré que la prise de taurine améliore considérablement la quasi-totalité des paramètres étudiés chez les patients insuffisants cardiaques, et certains des paramètres étudiés dans d’autres sous-catégories : patients en bonne santé, patients atteints d’hypertension, patients atteints d’autres maladies cardiovasculaires.
Les multiples études cliniques menées sur la taurine ont montré ses effets remarquables dans la prévention et l’amélioration de la fonction cardiaque. En allant plus loin dans l’exploration de ses bienfaits, il n’est pas étonnant de constater que la taurine exerce des effets positifs dans des aspects plus larges de la santé cardiovasculaire : prévention du syndrome métabolique (6, 7), du diabète (8) et des dysfonctionnements cérébraux qui peuvent en découler (9). Puisqu’elle semble dénuée d’effets secondaires, les personnes atteintes de tout type de maladie cardiovasculaire (y compris métabolique) peuvent bénéficier d’un ajout de taurine dans leur régime quotidien, sous forme de gélules ou de poudre, par exemple.
En dehors de ses bienfaits cardiovasculaires, la taurine est indispensable à bien d’autres niveaux : pour réduire le stress (10) et la fuite de magnésium associée : c'est ce qui explique l’existence de compléments alimentaires de taurate de magnésium et associant les bienfaits à la fois du magnésium et de la taurine, sous une forme organique facilement absorbable par l’organisme. On retrouve cette association pertinente en cas de dépression (11), de rhumatismes (12), ou pour améliorer les performances sportives (13).
En conclusion, la taurine, longtemps mal comprise et diabolisée, révèle aujourd'hui un potentiel remarquable pour notre santé, du cerveau aux muscles en passant par le système cardiovasculaire. Cet acide aminé naturel montre des bienfaits significatifs sur la fonction cardiaque, la santé mentale et la prévention de nombreuses pathologies. Soutenue par des études cliniques solides, elle se distingue par son efficacité et l'absence d'effets secondaires notables. Intégrer la taurine dans son alimentation ou via des compléments pourrait donc être une solution prometteuse pour favoriser une meilleure santé globale.
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