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Omégas 3 et oxydation : vos compléments sont-ils réellement bons pour vous ?

Les omégas 3 sont réputés pour leurs bienfaits sur la santé cardiovasculaire et cérébrale. Il vous est probablement déjà arrivé d’en prendre, parfois en cures très longues. Mais saviez-vous que leur oxydation peut non seulement réduire leurs effets positifs, mais aussi devenir nocive ? Quelles sont les répercussions sur votre santé de l’ingestion de DHA oxydé ? Comment bien les choisir et quelles solutions pour préserver leurs qualité ? Découvrez comment éviter les dangers des acides gras oxydés dans vos compléments alimentaires.

Carole Minker

Notre corps a besoin d’acides gras pour constituer ses cellules ; en effet, la paroi qui englobe chaque cellule est constituée d’une double couche de graisses, qui comprennent des acides gras (AG). La fluidité de cette membrane est cruciale pour que la cellule fonctionne de façon optimale, et cette fluidité est conditionnée par le degré d’insaturité (c’est-à-dire le nombre de doubles liaisons) qu’elle contient : avec beaucoup d’acides gras polyinsaturés à longue chaine, ou AGP-ILC (type DHA, EPA, etc.), elle est fluide ; avec beaucoup d’acides gras saturés, elle est plus rigide. Les acides gras saturés (beurre, fromage, viande…) ne contiennent aucune double liaison : ils sont donc plus stables, mais n’ont pas les mêmes fonctions dans l’organisme.

Acides gras polyinsaturés (AGPILC) : que se passe-t-il quand ils s’oxydent ?

Les AGPILC sont bien connus pour leurs bienfaits sur la santé cardiovasculaire ou psychique. Cela notamment du fait qu’ils servent aussi de matière première à notre corps pour fabriquer des molécules trente fois plus anti-inflammatoires : les résolvines, mais aussi les protectines et les marésines . Mais les AGPILC peuvent subir une cascade différente de transformations par des oxydations alternatives, notamment par l’oxygène de l’air : il s’agit de la peroxydation lipidique. Ce processus donne naissance, en bout de course, à de petites molécules oxydées comme par exemple la p-anisidine, le malondialdéhyde (MDA), le carboxyéthylpyrrole (CEP) ou le 4-hydroxy-2-nonenal (4-HNE) (1, 2). Dans une huile, on peut quantifier ces composants, mais aussi les lipides peroxydés : ces valeurs sont importantes pour estimer le taux d’oxydation global.

Pourquoi et comment les acides gras de vos compléments s’oxydent-ils ?

Lorsque les AGPILC sont exposés à l’oxygène de l’air sans protection (c’est-à-dire sans antioxydants), ils subissent inévitablement l’oxydation que nous venons de décrire, d’autant plus marquée que le temps de contact est long. Pour fabriquer des compléments alimentaires d’EPA ou DHA, on utilise des sources marines qui en sont riches : animales (sardines, maquereaux, krill) ou végétales (diverses algues).

Une fois extraits de leur matrice (la chair du poisson, les fibres des algues), ces AGPILC sont mis à nu et donc très sensibles à l’oxydation, car sans aucune protection. Les vitamines antioxydantes D et E naturellement présentes dans ces sources naturelles ne suffisent souvent pas à les protéger.

Extrêmement fragiles au contact de l’air, ces AGPILC peuvent subir une oxydation à tout moment, surtout lorsqu’aucune précaution particulière n’est mise en œuvre : de leur extraction à leur ingestion, en passant par la fabrication des produits finis (capsules, solutions buvables…) et leur stockage, mais aussi leur formulation (absence ou présence de composés antioxydants).

Il est donc crucial de consommer des produits dont les AGPILC ne sont pas déjà oxydés au moment de leur achat, afin qu’ils gardent leurs propriétés physicochimiques originelles, et procurent des bénéfices dans votre organisme. Il est possible de savoir si le produit que vous achetez contient peu ou beaucoup d’AGPILC oxydés : l’indice TOTOX.

Il se calcule en prenant compte l’indice de peroxydation et la quantité de p-anisidine (3-7). Plus il est bas, mieux c’est : visez une valeur inférieure à 3. Tous les fabricants ne le précisent pas : soit car ils ne le cherchent pas, soit parce qu’ils ont décidé de ne pas le mettre – la mention n’est pas (encore ?) obligatoire. Actuellement, peu de laboratoires l’indiquent, mais la tendance est heureusement croissante.

Acides gras oxydés : quels risques pour votre santé ?

Les conséquences connues sur la santé ne sont pas exhaustives, car nous n’en sommes qu’au début des investigations. Cependant, il est avéré que les produits d’oxydation du DHA exacerbent significativement le stress oxydant et l’inflammation (8). Les chercheurs ont montré notamment que le carboxyéthylpyrrole (CEP), seul ou lorsqu’il se lie à des protéines ou des lipides dans le corps, est impliqué dans l’apparition et l’évolution de maladies impliquant une inflammation chronique(9) et le processus d’angiogenèse (fabrication de nouveaux vaisseaux), parmi lesquelles :

  • Athérosclérose
  • Thrombose
  • Hyperlipidémie
  • Dégénérescence maculaire
  • Progression tumorale

Autrement dit, de molécules aussi essentielles que bienfaitrices pour l’organisme, les oméga-3 à longue chaine, peuvent devenir très problématiques pour l’organisme si on les consomme oxydés. Ceci est probablement d’autant plus vrai pour les personnes souffrant déjà de pathologies favorisées par ou favorisant le stress oxydatif : diabète, DMLA, VIH et autres infections au long cours, pathologies neurodégénératives…. L’impact délétère des acides gras oxydés est notamment déjà documenté dans le domaine de la santé cérébrale.

Si le DHA intact (non oxydé) réduit effectivement les risques de maladie neurodégénérative de type maladie d’Alzheimer (10), il est très sensible au stress oxydant et à la peroxydation lipidique qui augmentent au fil de l’évolution de la maladie. Il a notamment été montré que les taux de HNE étaient élevés dans les cerveaux des malades, et que les dérivés oxydés du DHA jouent effectivement un rôle dans la progression de la maladie. Seul 1% de DHA oxydé contribue par exemple à inverser l’action protectrice du DHA et à accélérer le processus pathologique (11).

Le degré d’oxydation des AGPILC pourrait d’ailleurs expliquer les résultats d’études parfois contradictoires des oméga-3 sur la santé, selon qu’ils soient oxydés (avant ingestion ou dans l’organisme) ou non (12). Il est donc essentiel de faire très attention à la qualité des AGPILC que l’on ingère.

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Comment éviter l’oxydation des acides gras dans vos compléments alimentaires ?

Un apport d’ antioxydants aux huiles de poissons ou d’algues riches en DHA et EPA permet d’en réduire efficacement l’oxydation (sous réserve que ces AGPILC ne soit pas déjà oxydés avant !). Citons notamment la vitamine E, l’extrait de romarin ou l’extrait de thé vert (13, 14). Certaines marques proposent dans leurs formules des compléments déjà enrichis en antioxydants pour favoriser leur stabilité, mais certaines huiles riches en omégas 3 en contiennent déjà naturellement en petites quantités, comme les xanthines dans l’huile de krill . Préférez les capsules aux solutions buvables en bouteilles, pour préserver au maximum les AGPILC de l’oxydation par l’air.

Cependant, même si vous consommez des AGPILC dont vous savez que l’indice TOTOX est bas (avec ou sans antioxydants dans les capsules), ces lipides sont malgré tout à risque d’oxydation dans votre corps si vous présentez un stress oxydant (ce qui n’est pas rare !). Vous pouvez évaluer ce dernier grâce à des bilans de stress oxydant ; si ce bilan est positif, il vous faudra d’abord réduire ce stress oxydant avant d’envisager la prise d’AGPILC, ou tout du moins les combiner avec un ou des antioxydant(s) puissant(s) comme l’astaxanthine par exemple. La consommation régulière de fruits rouges, thé vert, épices et condiments riches en polyphénols (15) pourra contribuer à solidifier ce bouclier antioxydant.

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