Jean-Pierre Giess
L’oxyde nitrique (NO), ou monoxyde d’azote, composé d’un atome d’oxygène et d’un atome d’azote, est omniprésent dans l’organisme sous forme gazeuse. Soluble dans l’eau, il peut traverser librement les membranes cellulaires, et c’est heureux car il est impliqué dans une grande variété de processus physiologiques : vasodilatation, neurotransmission, immunité, reproduction, inflammation, apoptose, régulation de la transcription génique… Mais sa durée de vie courte (de l’ordre de quelques secondes) limite souvent sa disponibilité, et par conséquent ses effets physiologiques.
Le NO peut aussi bien favoriser qu’inhiber différents processus essentiels comme l’inflammation, la croissance de nouveaux vaisseaux (angiogenèse), le stress oxydatif… Qu’il fasse l’un ou l’autre semble dépendre de sa concentration et de la durée d’exposition dans le corps. La plupart du temps, trop peu de NO favorise les processus inflammatoires et oxydants. Des conditions métaboliques dégradées (diabète, maladies cardiovasculaires…) seraient par exemple associées à une moindre synthèse de NO par le corps. C’est pourquoi un apport externe pourrait s’envisager pour promouvoir les fonctions cellulaires et, le cas échéant, accompagner ou traiter différentes conditions pathologiques (voir ci-dessous). Toute la difficulté est d’apporter la bonne dose au bon moment, car se complémenter en concentrations trop élevées pourrait favoriser le stress oxydatif au niveau cellulaire, avec une kyrielle d’effets sur le corps (problèmes de neurotransmission, entretien de tumeurs cancéreuses) difficiles à anticiper.
Le monoxyde d’azote est produit dans l’organisme à partir de l’acide aminé arginine et d’une enzyme spécifique (oxyde nitrique synthase) par plusieurs types de cellules : nerveuses, immunitaires et endothéliales principalement. Mais sa synthèse baisse avec l’âge et avec l’apparition des maladies chroniques. De surcroît, sa structure chimique très simple rend le NO hautement réactif ; il peut facilement évoluer en divers produits de réaction (nitrites, nitrates, dérivés de protéines nitrosées…). Heureusement, ceux-ci peuvent aussi bien jouer le rôle de « réservoirs circulants » et être à tout moment réduits à nouveau en NO dans les tissus corporels cibles.
Les effets de l’oxyde nitrique dans le corps sont trop nombreux à citer, mais les plus connus concernent la sphère cardiovasculaire, l’inflammation et la neurotransmission.
L’implication du NO dans la bonne santé du système circulatoire est primordiale. Celui-ci provoque le relâchement des muscles lisses entourant les vaisseaux sanguins (vasodilatation), permettant une meilleure circulation sanguine, ainsi qu’un abaissement de la tension. Il prévient, ce faisant, les dommages aux vaisseaux sanguins, s’opposant à la rigidification et au risque de caillot qui les accompagnent. Le bien connu Viagra (sildénafil), prescrit contre la dysfonction érectile, fonctionne d’ailleurs en ralentissant la dégradation de l’oxyde nitrique dans les artères pulmonaires, favorisant ainsi la dilatation des vaisseaux, notamment au niveau des corps caverneux du pénis.
Le NO joue également un rôle antithrombotique : il tend à inhiber l’activation des plaquettes, donc l’agrégation plaquettaire, participant là aussi à la fluidité de la circulation sanguine. Mais il semble que cette action antithrombotique soit contrariée par le stress oxydatif qui favoriserait la conversion du NO en nitrite et en nitrate qui, eux, n’ont aucun intérêt pour la circulation sanguine. Le NO limiterait aussi, en concentrations élevées, l’oxydation du LDL-cholestérol et préviendrait ainsi l’athérosclérose. Enfin, le NO semble jouer un rôle central dans la régulation de la fonction cardiaque via le système nerveux sympathique.
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Le NO possède d’importantes propriétés anti-inflammatoires : dans ce cas de figure, ce sont principalement les cellules immunitaires qui se chargent de sa synthèse massive, sous l’impulsion des cytokines pro-inflammatoires et de la prolifération bactérienne. Les concentrations élevées en NO qui en résultent s’avèrent toxiques pour de nombreux pathogènes, altérant notamment leur respiration et leur réplication.
L’oxyde nitrique est un médiateur dans de nombreux processus neuronaux, impliquant à la fois les flux et les concentrations de calcium au sein des neurones et la libération de neurotransmetteurs tels que l’acétylcholine, le GABA, le glutamate ou encore la substance P. Le NO faciliterait ainsi, globalement, la transmission nerveuse au niveau des synapses et des épines dendritiques.
Disposer de suffisamment d’oxyde nitrique dans ses tissus corporels est important pour tout le monde, mais plus encore pour les organismes particulièrement sollicités comme ceux des sportifs. Chez ces derniers, le NO favoriserait l’oxygénation des muscles, les performances ainsi que la récupération. Ces propriétés seraient dues à l’optimisation de la circulation sanguine, mais aussi à l’influence positive du NO sur les mitochondries, un tableau qui, globalement, rend plus aisée la distribution de l’oxygène, de l’eau et des nutriments vers les tissus.
Mais comment promouvoir la production de NO dans son organisme ? Certaines études indiquent qu’une supplémentation en L-arginine, principal précurseur du NO, peut augmenter la synthèse de ce dernier et être bénéfique aux cellules endothéliales. D’autres travaux ont suggéré que la L-citrulline se substitue avantageusement à la L-arginine grâce à son meilleur taux de transformation en NO.Il n’est pas rare que des sportifs consomment régulièrement de la citrulline, jusqu’à plusieurs grammes par jour, pour favoriser la prise de masse, renforcer l’endurance et améliorer la récupération.
Cependant, la recommandation de tel ou tel dosage pour la population générale reste relativement aléatoire, car ce dernier dépend grandement de la situation individuelle. D’après une étude conduite par le comité scientifique norvégien pour la sécurité des aliments en 2016, des dosages quotidiens allant jusqu’à 15 mg de citrulline semblent néanmoins bien tolérés par l’organisme et sans danger chez les adultes en bonne santé.
En l’état actuel des connaissances, et étant donné la difficulté à trouver le dosage opportun propre à chaque personne, le plus sage pour la personne lambda semble être de donner la priorité à un apport supplémentaire de nitrate par la voie de l’ alimentation et de laisser le corps réguler la transformation de ce dernier en NO en fonction de ses besoins et de ses capacités enzymatiques.
Dans cette optique, divers travaux montrent que le nitrate apporté par l’alimentation tend à délivrer les mêmes bénéfices que ceux attendus du NO lui-même, à savoir : vasodilatation et augmentation du flux sanguin, abaissement de la pression sanguine et de l’hypertension, amélioration de la fonction endothéliale et parallèlement de l’efficacité contractile des muscles, réduction de la rigidité artérielle, inhibition de l’agrégation plaquettaire, augmentation de l’efficacité mitochondriale, amélioration du syndrome métabolique et du diabète de type 2, principalement.
En outre, les agrumes et l’ail contribuent à une meilleure transformation des nitrates en oxyde nitrique.
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