Nathalie Rigoulet
Nous avons à de nombreuses reprises mis en lumière l’importance de la respiration dans notre magazine. Le livre de Samuel Ganes, Spirothérapie1 a guidé cet article afin de revenir sur les innombrables bienfaits d’une respiration contrôlée et consciente. Samuel Ganes est formateur, il enseigne le yoga et la méditation, il est thérapeute ayurvédique, sophrologue et a conceptualisé en 2015 la spirothérapie, une thérapie qui regroupe plus de cinquante techniques respiratoires différentes. Samuel Ganes est également l’auteur de plusieurs ouvrages de bien-être2.
Les latinistes auront sans doute deviné le sens du mot spirothérapie. Spirare signifie souffler, et l’on trouve la racine spiro dans les mots " respirer ", " inspirer ", " expirer ", etc. La spirothérapie est donc une méthode qui contribue, à travers la respiration, à prendre soin de soi et des autres.
Respirer est si naturel et inconscient depuis notre naissance qu’une grande majorité de la population n’y prête pas attention… et pourtant ! La respiration constitue une fonction bien particulière. Tout comme les pulsations cardiaques, elle est automatique mais, contrairement à ces dernières, nous avons la possibilité d’agir volontairement sur son rythme ; on peut par exemple retenir son souffle pour nager sous l’eau.
En intervenant sur le contrôle automatique de la respiration, nous sommes capables de doser subtilement notre souffle pour produire des mots, des intonations ou des phrases. Cette particularité est permise par un double système de contrôle :
• le système nerveux autonome (orthosympathique et parasympathique) ou végétatif, qui gère les processus physiologiques inconscients, responsables des fonctions non soumises au contrôle volontaire ;
• le système nerveux somatique, qui correspond, pour simplifier, au contrôle moteur et à la perception consciente de l’environnement. Il est sous notre contrôle volontaire.
Nous pouvons cependant, en modifiant notre fréquence respiratoire, influencer notre système nerveux autonome. La respiration est la seule fonction végétative sur laquelle on peut agir : nous pouvons contrôler notre souffle et en prendre pleinement conscience. Cette capacité extraordinaire nous offre la possibilité, quel que soit notre âge, d’améliorer notre respiration et d’agir sur notre santé.
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À l’expiration, le système nerveux parasympathique est stimulé, ce qui déclenche la sécrétion d’hormones (ocytocine, endorphines, mélatonine) qui procurent détente et relâchement.
Ce fait explique pourquoi les pranayamas proposent de doubler le temps d’expiration par rapport à l’inspiration. Le profond et long soupir que nous faisons tous naturellement dans des moments de grande tension ou de stress libère lui aussi des endorphines bienfaitrices.
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Au même titre que le foie, les reins, les intestins et la peau, les poumons sont des émonctoires, ces fameux organes qui éliminent les déchets du corps. La respiration interne permet le transport et l’expulsion du CO₂, des toxines et du gras hors du corps. 78 à 84 % du gras éliminé passe par l’expiration, et 16 à 22 % par la sueur, les urines, les selles et les autres liquides corporels. L’expiration a un rôle majeur dans la détoxification de l’organisme3.
La respiration interne transporte le dioxyde d’oxygène (O₂) des alvéoles pulmonaires jusqu’aux cellules, qui produisent grâce à lui toute l’énergie nécessaire à l’organisme. Autre point tout aussi important, la respiration permet de maintenir à l’équilibre le pH sanguin. Un excès de CO₂ rend le sang acide, provoquant en cascade l’augmentation des inflammations avec un impact délétère sur le fonctionnement de nos cellules. Pas de miracle toutefois, cet équilibre pouvant être mis à mal en raison de pathologies, de stress, de mauvaise alimentation, d’insomnies, de l’âge, etc.

Comme nous l’avons évoqué, respiration et pH sanguin sont intimement liés. Les techniques de respiration profonde agissent également, par l’intermédiaire du sang, sur le système nerveux autonome (orthosympathique et parasympathique).
Elles permettent la baisse de CO₂ et l’augmentation de l’O₂ dans le sang grâce aux capteurs des corpuscules jugulaire et carotidien, très sensibles aux variations de concentration des éléments chimiques dans le sang, qui désamorcent le système orthosympathique et stimulent le système parasympathique. Résultat ? On constate un ralentissement du rythme cardiaque, une détente musculaire et mentale, une relaxation des sphincters, etc.
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On notera également le lien entre l’inspiration et la mémoire, via le bulbe et le cortex olfactifs, en direction de zones cérébrales telles que l’hippocampe et l’amygdale qui sont impliquées dans les mécanismes de la mémoire. Les respirations diaphragmatiques stimulent aussi le nerf vague qui, en libérant certaines hormones (sérotonine, gaba, etc.) permet apaisement mental, réduction des rythmes cardiaque et respiratoire, gestion du stress, meilleure digestion, etc. Mais la liste des bienfaits est encore longue.
Une respiration ample augmente la tonicité et l’assouplissement du diaphragme, des muscles intercostaux et des tissus pulmonaires, elle vient masser les viscères améliorant ainsi la digestion. Un meilleur apport d’oxygène au niveau des intestins bonifie la qualité du microbiote et évite un déséquilibre de la flore intestinale.
Et pour parfaire cette liste déjà conséquente, l’hypothalamus et l’amygdale, qui font partie du système limbique et jouent un rôle déterminant dans nos émotions et nos comportements, sont en interaction continuelle avec les systèmes nerveux et respiratoire. Ces interactions ne sont pas à sens unique. Si une bonne expiration favorise le relâchement émotionnel, une émotion négative accélère la respiration et expose à un cercle vicieux néfaste pour l’organisme et l’état émotionnel.
Pratiquer les respirations permet de briser ce cercle vicieux. Samuel Ganes aime à expliquer combien " les respirations contrôlées et conscientes sont une pratique possible pour tous, y compris les personnes à mobilité réduite. Il s’agit de rentrer dans un cercle vertueux en faisant dans un premier temps des respirations lentes et conscientes, en augmentant la durée de l’expiration qui va permettre d’éliminer plus de toxines et de diminuer l’acidité du corps, renforcer le métabolisme et atteindre un état émotionnel et mental plus apaisé ".
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Samuel Ganes explore des techniques de respiration qui remontent à l’âge védique, une époque où la respiration tenait toute sa place. Entre 2000 ans avant J.-C. et 600 après J.-C., sont écrits des textes hindouistes majeurs en sanscrit dans lesquels sont normalisées les méthodes de respiration. Les trois stades d’inspiration, expiration et rétention poumons pleins et poumons vides sont décrits pendant cette période, témoignant de la fonction purifiante de la respiration.
La notion de prana selon l’ayurvéda, qui peut être traduite par " élan du souffle " ou " énergie vitale ", est centrale pour une bonne santé globale. Si le prana ne circule pas harmonieusement dans l’organisme, c’est la porte ouverte aux déséquilibres. La bonne circulation du prana, comme le qi de la médecine chinoise, dépend de multiples facteurs (sommeil, alimentation, pollution, états émotionnels, stress, respiration, etc.). La respiration tient une place très importante dans l’état de santé spirituel, physique et mental. Les postures de yoga, la méditation et les méthodes respiratoires permettent de renforcer, diriger et contrôler le prana.
Toutes les méthodes du souffle, contemporaines comprises, tirent leurs enseignements des méthodes respiratoires appelées pranayamas. L’art respiratoire se diffuse dans le taoïsme de la culture chinoise, l’Égypte ancienne, les territoires hellénistes (Grèce), traverse les époques et les continents jusqu’au Moyen Âge, période où les pratiques religieuses véhiculent les techniques respiratoires qui contribuent à l’alchimie de l’âme et au lien avec le divin.
À la fin des années 1960, le mouvement hippie diffuse et ouvre au public les thérapies s’appuyant sur la respiration, relayées par le mouvement New Age. Les techniques de respiration sont enfin sorties de la sphère ésotérico-baba-cool (voire des dérives sectaires) avec la médecine moderne qui s’intéresse aux techniques de la respiration consciente et contrôlée (cohérence cardiaque, Wim Hof, Buteyko, etc.), reconnaissant le lien entre respiration, rythme cardiaque, cerveau, systèmes nerveux, carotidien, immunitaire, intestinal, etc. et ses multiples vertus.

Saviez-vous que l’air que nous inhalons à chaque inspiration est constitué à 78 % de diazote (N2), 21 % de dioxygène (O2), 0,04 % de dioxyde de carbone (CO2) et 0,96 % de méthane, argon, néon, krypton et xénon ? Et le plus intéressant est sans doute d’identifier que tout est rejeté à l’expiration sauf pour le dioxygène.
En effet, seuls 4 % des 21 % de dioxygène inhalé sont utilisés et transformés en dioxyde de carbone, le reste est rejeté par l’organisme. Si ce processus est commun à tous les êtres humains, notre fréquence respiratoire – c’est-à-dire le nombre de cycles (inspiration + expiration) par minute – varie quant à elle en fonction de l’âge et de pathologies existantes.
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Samuel Ganes nous propose de commencer par des respirations simples. Précisons que dans la majorité des techniques expliquées dans son livre, il faut respirer par le nez afin que l’air emprunte tout le chemin : cils des muqueuses nasales, méats (cavités nasales), sinus, pharynx.
En respirant par la bouche, la filtration est incomplète et l’excitation cérébrale est moindre. Pour les respirations de l’initiation ci-dessous, il s’agira également de respirer par le nez.
Les techniques de respiration modernes l’ont remise au goût du jour, elle est connue sous le nom de respiration carrée. C’est la méthode préliminaire, parfait échauffement respiratoire et introduction à la respiration consciente.
Bienfaits : réduction du stress, amélioration de la concentration, baisse de la tension artérielle et gestion des émotions.
Contre-indications : en cas d’hypertension sévère, évitez les rétentions poumons pleins trop longues, et en cas de problème cardio-vasculaire grave, supprimez les rétentions poumons vides ou faites-les sur une durée très courte.
Posture : assis en tailleur, à genoux ou en lotus, installez-vous confortablement (vous pouvez utiliser un coussin, une brique ou un banc de méditation). Bassin et dos droits, yeux fermés, épaules roulées légèrement vers l’arrière, poitrine ouverte, tête droite dans le prolongement de la colonne, mains posées sur les cuisses.
Pratique :
À pratiquer juste après Sama vritti, la règle est simple : la phase d’expiration est deux fois plus longue que la phase d’inspiration.
Bienfaits : permet de rejeter le carbone et les toxines au travers de l’expiration, l’état de relaxation.
Contre-indications : en cas d’hypertension sévère, évitez les rétentions poumons pleins trop longues, et en cas de problème cardio-vasculaire grave, supprimez les rétentions poumons vides ou faites-les sur une durée très courte.
Posture : assis en tailleur, à genoux ou en lotus, installez-vous confortablement (vous pouvez utiliser un coussin, une brique ou un banc de méditation). Bassin et dos droits, yeux fermés, épaules roulées légèrement vers l’arrière, poitrine ouverte, tête droite dans le prolongement de la colonne, mains posées sur les cuisses.
Pratique :
Pour cette respiration, expirations et inspirations se font en alternance par les narines droite et gauche.
Bienfaits : rééquilibrer les deux hémisphères du cerveau (hémisphère droit relié à la narine gauche, hémisphère gauche à la narine droite). Le sommeil profond est le seul moment où l’activité des deux hémisphères est égale. Cette respiration alternée tente de reproduire cet état, procurant sérénité et endormissement.
Contre-indications : pas de réelle contre-indication, mais respiration difficile en cas de déviation de la cloison nasale ou de nez bouché.
Posture : assis en tailleur, à genoux ou en lotus, installez-vous confortablement (vous pouvez utiliser un coussin, une brique ou un banc de méditation). Bassin et dos droits, yeux fermés, épaules roulées légèrement vers l’arrière, poitrine ouverte, tête droite dans le prolongement de la colonne, mains posées sur les cuiss. La main gauche est dans ce cas posée sur la cuisse gauche et la main droite sur le visage.
Pratique :
Héritée des techniques de méditation, cette respiration représente une des bases de la pratique Vipassana ou méditation de pleine conscience.
Bienfaits : harmonie, calme, apaisement, pleine conscience.
Posture : assis en tailleur, à genoux ou en lotus, installez-vous confortablement (vous pouvez utiliser un coussin, une brique ou un banc de méditation). Bassin et dos droits, yeux fermés, épaules roulées légèrement vers l’arrière, poitrine ouverte, tête droite dans le prolongement de la colonne, mains posées sur les cuisses.
Pratique :