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Boire du lait peut-il nuire au cœur ?

Le lait a longtemps fait l’objet d’une intense promotion, en dépit de travaux qui alertent depuis des années sur les « inconvénients » d’en boire régulièrement. Si la consommation de lait est aujourd’hui en recul, elle reste ancrée dans les habitudes, alors même qu’une quantité quotidienne de seulement 300 ml (soit un grand verre) pourrait déjà induire une augmentation du risque cardiaque – chez la femme, en tout cas.

Jean-Pierre Giess

On nous vend depuis des années les produits laitiers comme indispensables pour l’apport en calcium et la préservation du capital osseux. Pourtant, dans des régions du monde où la consommation de lait était quasi inexistante – l’Afrique et l’Asie principalement – très peu de cas d’ ostéoporose ou de maladies cardiaques étaient observables avant que ne s’exerce l’influence du régime alimentaire à l’occidentale, incluant le lait. Inversement, des pays grands consommateurs de lait (les pays nordiques, notamment) présentent une prévalence plus élevée que la moyenne de dégradation osseuse et de cardiopathies. Cherchez l’erreur

Plus de lait (non fermenté), plus de risque cardiovasculaire, surtout chez la femme

Cette nouvelle étude suédoise (1) dégage une association significative entre consommation de lait non fermenté et cardiopathie ischémique (nom médical du défaut d’oxygénation du cœur, généralement dû à l’athérosclérose des coronaires). Curieusement, le phénomène semble concerner principalement les femmes, tandis que les hommes (à quantité consommée équivalente) sont moins impactés. Ce risque se manifeste, assez faiblement faut-il préciser, à partir de 300 ml de lait par jour, mais va croissant jusqu’à 800 ml par jour (quantité maximale évaluée par l’étude), volume associé à un risque augmenté de 21 %. Une association qui avait aussi été détectée par une autre étude concernant le cancer du sein.

Le lait sous forme fermentée plutôt bénéfique

Si l’incidence de la consommation de lait non fermenté sur le risque cardiovasculaire est plus faible chez les messieurs, c’est plus bas, au niveau de la prostate , que ces derniers pourraient s’inquiéter : jusqu’à 150 g/jour, l’incidence est peu significative, mais au-delà, le risque de cancer de la prostate peut croitre jusqu’à 25% avec un apport journalier de 430 g. Certaines études soulignent que le risque est un peu moindre avec le lait fermenté, d’autres ne font aucune différence. Mais une différence, il y en a bien une vis-à-vis de la sphère cardiaque, puisque plusieurs études relèvent que la consommation de lait fermenté (yogourt, fromage, kéfir…) ne semble pas avoir d’impact négatif, ni chez l’homme ni chez la femme . Au contraire, serait-on tenté de préciser, certaines études antérieures (2,3) mettant en lumière une incidence plutôt positive sur ce point, quel que soit le sexe.

Que fait la fermentation au lait ?

La fermentation du lait améliore son profil nutritionnel (minéraux, vitamines), génère des composés bioactifs nouveaux (peptides, exopolysaccharides, métabolites) ainsi que des bifidobactéries probiotiques qui offrent de nombreux bienfaits pour la santé. Ceux-ci incluent une meilleure santé digestive, cardiovasculaire et métabolique, une fonction immunitaire renforcée, ainsi qu'une potentielle prévention du cancer.

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Des études nombreuses et hétérogènes, mais une tendance

Les auteurs de l’étude suédoise constatent, en passant en revue la littérature sur le sujet, que les résultats sont hétérogènes, quelques fois même contradictoires. Rien de surprenant quand on connait la complexité du corps humain et qu’on sait que les études épidémiologiques de ce type mettent en évidence des corrélations plus ou moins fortes et non des causalités indiscutables.

Cependant, en concordance avec leurs propres résultats, une tendance se dessine tout de même par rapport au risque cardiovasculaire inhérent à la consommation de lait non fermenté : un excédant de mortalité (d’origine cardiovasculaire, mais aussi mortalité toutes causes confondues) est constaté dès à partir de 2 verres de lait quotidiennement chez les hommes , tandis que le même constat ne requiert qu’ un seul verre ou plus chez les femmes.

L’étude relève également que les concentrations sanguines d’ACE2 (une enzyme au rôle vasoconstricteur) et de marqueurs de stress oxydatif (urine 8-iso-PGF2α) et d’inflammation (interleukine 6) sont plus élevées en moyenne chez les consommateurs de lait non fermenté, mais a contrario, pas chez ceux de lait fermenté. Inversement, les niveaux circulants de FGF21 (pour fibroblast growth factor 21), une protéine sécrétée principalement par le foie et qui exerce des effets bénéfiques sur les maladies métaboliques, sont moindres dans le cadre d’une consommation de lait non fermenté par rapport au lait fermenté. Ces phénomènes sont, encore une fois, prédominants chez la femme.

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Un bon régime alimentaire et du mouvement

Ces résultats ne sont pas en contradiction avec, par exemple, le régime méditerranéen, qui certes inclut des produits laitiers, mais justement sous forme prioritairement fermentée et en quantités parcimonieuses. Considérant qu’historiquement, ces produits laitiers étaient presque exclusivement locaux et peu transformés, on peut aussi supposer que le mode de production joue un rôle sur l’impact métabolique, d’où la nécessité d’être attentif à la qualité. Combinez une telle alimentation avec la pratique régulière d’activité physique, et vous obtiendrez certainement les meilleures conditions de préservation, à la fois de vos os et de votre cœur !

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