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Démence  : et si c’était le microbiote… cérébral ?

Le cerveau a longtemps été considéré comme stérile en raison de la présence d’une membrane – la barrière hématoencéphalique – qui l’entoure et filtre les micro-organismes pathogènes. En réalité, le cerveau abriterait un grand nombre de micro-organismes diversifiés. Des travaux récents suggèrent que certains d’entre eux favoriseraient la neurodégénérescence.

Véronique Molénat

Vous pensiez que le cerveau est un organe si fragile qu’il ne peut entrer en contact avec des microbes sans développer une pathologie ? Détrompez-vous ! Même en bonne santé, il regorgerait de bacteries.

En 2023, des chercheurs écossais ont analysé, post mortem, 79 échantillons de cerveaux d’Américains et de Britanniques. Certains souffraient de maladie d’Alzheimer, d’autres non. Les résultats, présentés dans une pré-bublication, montrent que l’ensemble des tissus prélevés, malades et sains, contient une grande diversité de micro-organismes (1). Ainsi, en moyenne, 100 000 espèces différentes de bactéries, de champignons et de virus ont été retrouvées dans chaque échantillon.

Un bouillon de culture dans le cerveau

L’hypothèse de la présence de microbes dans le cerveau ne date pas d’hier. Dans les années 1990, des chercheurs avaient montré qu'on trouvait souvent dans le cerveau des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer le virus de l’herpès. Une autre équipe avait identifié la présence de Porphyromonas gingivalis, la bactérie responsable de la gingivite, dans le cerveau de personnes souffrant de démence. Mais ces résultats avaient été accueillis avec scepticisme.

En 2010, ces doutes se sont dissipés quand des chercheurs sont parvenus à montrer que les fameuses " plaques amyloïdes ", ces protéines toxiques caractéristiques de la maladie d’Alzheimer, étaient en partie synthétisées en réaction à la présence de certains agents pathogènes, et que leur fonction était de piéger ces microbes. Aujourd’hui, on sait que les protéines alpha-synucléines en cause dans la maladie de Parkinson sont également synthétisées en réaction à des microbes.

L’afflux de micro-organismes pathogènes s’intensifierait en cas d’affaiblissement du système immunitaire lié à l’âge qui favorise la pénétration d’un plus grand nombre de micro-organismes. Des pathogènes humains, tels les bactéries Staphylococcus ou Streptococcus et les champignons Cryptococcus et Candida, sont surreprésentés dans le cerveau des personnes atteintes d’Alzheimer. Selon The Alzheimer’s Pathobiome Initiative qui a compilé 86 cas cliniques de personnes souffrant de démence, la bactérie Borrelia burgdorferi, responsable de la maladie de Lyme, est aussi retrouvée chez des personnes souffrant de cette pathologie.

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Il semblerait d’ailleurs que ce soit moins des pathogènes individuels que la composition globale du microbiote qui est en cause dans la démence. L’analyse post mortem du tissu cérébral de 32 personnes dont la moitié souffrait d’Alzheimer a montré que des combinaisons différentes de microbes étaient associées à différents stades de la maladie, certaines interactions entre espèces distinctes pouvant exercer une pression supplémentaire (2).

Comment les microbes pénètrent-ils dans le cerveau ?

Plusieurs hypothèses existent : en se servant des cellules immunitaires comme cheval de Troie, en utilisant leurs enzymes pour se faufiler dans les brèches de l’enveloppe protectrice du cerveau ou en empruntant les nerfs du nez et de la bouche, ou encore le nerf vague reliant l’intestin au cerveau.

Ces découvertes ouvrent la porte à la prévention et au traitement des neurodégénérescences par les antimicrobiens. On sait par exemple que des personnes traitées contre l’herpès ou contre le zona (un virus qui se cache dans le cerveau) présentent un moindre risque de démence. Quant à savoir quel rôle protecteur le microbiote joue dans le cerveau, il faudra encore attendre. La recherche commence à peine…

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