Nathalie Rigoulet
La sarcopénie, ou dystrophie musculaire liée à l’âge, est une maladie musculaire complexe qui affecte entre 10 % et 16 % des personnes âgées de plus de 50 ans et 30 % à 60 % des plus de 70 ans. Elle se caractérise par une perte excessive de la masse musculaire, de la force et de la fonction musculaire (1). Malgré les multiples études qui visent à comprendre les mécanismes physiologiques qui sous-tendent cette pathologie, la sarcopénie conserve une part de mystère.
Le muscle est un tissu vivant constitué de 20 % de protéines, et 1 à 2 % de la masse musculaire se renouvelle quotidiennement. Le muscle est donc soumis à un phénomène de destruction (protéolyse) et de construction (protéosynthèse) qui permet de dégrader les protéines usées et d’en élaborer de nouvelles. Ces phénomènes se produisent de manière équilibrée. Lorsque nous vieillissons, l’équilibre est rompu, laissant place à une destruction un peu supérieure à la construction. Résultat, la masse musculaire diminue peu à peu. Dès 30 ans, s’immisce une dégénérescence du tissu musculaire, de 3 à 8 % par décennie. À 70 ans, nous avons perdu la moitié de notre masse musculaire au profit du tissu adipeux. Si cette diminution est normale, on parle de sarcopénie lorsqu’elle s’accompagne de perturbations telles la baisse de la force musculaire et/ou des performances physiques.
Les laboratoires de l’Inrae, l’unité mixte de recherche (UMR) Unité de nutrition humaine à Clermont-Ferrand et l’UMR CarMeN à Lyon, ainsi que les centres de recherche en nutrition humaine d’Auvergne et de Rhône-Alpes s’intéressent depuis une trentaine d’années à la sarcopénie et à la dépendance de la personne âgée. Ces labos ont mis en évidence une origine multifactorielle de la sarcopénie : sédentarité, malnutrition, dénutrition, pertes de capacité de récupération musculaire et diminution de l’absorption des protéines alimentaires au cours du vieillissement(2).
Mais d’autres facteurs interviennent : l’altération de la commande nerveuse de la contraction musculaire, la diminution du taux de certaines hormones dites anabolisantes qui retentit de manière négative sur la synthèse protéique, des apports nutritionnels insuffisants, notamment en protéines. Une inflammation chronique et le stress oxydatif en lien avec une dysfonction des mitochondries (indispensables aux réactions énergétiques de la cellule) est également évoqué, tout particulièrement chez les personnes âgées sédentaires.
Différents tests simples tels que la mesure de la force de préhension au moyen d’un dynamomètre, la vitesse de marche ou le temps pris pour se lever d’une chaise donnent des informations précieuses et guident vers un diagnostic de sarcopénie qu’il s’agit de confirmer par une évaluation de la masse musculaire. Divers outils permettent de dépister certains critères de fragilité. Le questionnaire Sarc-F est la première étape du diagnostic. Si le score obtenu aux cinq questions du questionnaire Sarc-F est supérieur à 4, une présence de sarcopénie est à supposer qui devra être confirmée par d’autres étapes diagnostiques.
Ce test diagnostique avec précision l’absence de maladie mais sa valeur prédictive n’est que de 42 %, ce qui signifie qu’une personne qui obtient un score supérieur à 4 a 42 % de risque d’être sarcopénique et doit en référer à son médecin qui lui fera passer des tests complémentaires.
L’évaluation de la force de préhension avec un dynamomètre vient appuyer le premier test. En cas de force musculaire faible, d’autres tests sont préconisés. Celui du " get up and go " (en français : " Levez-vous et marchez ") pour lequel la personne est chronométrée entre le moment où elle se lève de sa position assise sur une chaise et marche 3 mètres et celui où elle revient s’asseoir. Un temps de plus de trente secondes indique une mobilité réduite. D’autres tests tels que le SPPB (Short Physical Performance Battery) qui rassemble des tests d’équilibre, de vitesse de marche et de lever de chaise, évaluent la performance physique et complètent le diagnostic.
Il est reconnu que l’action combinée de l’exercice physique et de la nutrition permet de limiter et de retarder la sarcopénie.
La pratique régulière de l’exercice physique est considérée comme étant le meilleur moyen de préserver la masse et la fonction musculaires au cours du vieillissement. Deux types d’activité physique sont recommandés, adaptés aux besoins et à l’âge des individus.
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Voici quelques conseils que vous pouvez mettre en œuvre si vous êtes en bonne santé.
Des exercices cardio-respiratoires tels que marche, marche nordique, natation, travaux ménagers, montée d’escalier, jardinage, course à pied… trente min/jour d’activité physique d’intensité modérée (avec un faible essoufflement) ou bien quinze min/jour si l’intensité est élevée (essoufflement élevé).
Pour le renforcement musculaire, sont conseillés marche, gymnastique aquatique ou d’entretien, vélo, jardinage, musculation, etc., qui sollicitent jambes, hanches, dos, abdomen, poitrine, épaules et bras, au moins 2 j/semaine, si possible non consécutifs. Travaillez l’équilibre avec le vélo, la danse, le yoga, des exercices d’équilibre sur une jambe ou sur la pointe des pieds, au moins 2 j/sem.
Pour clore la boucle, vous pouvez travailler les assouplissements avec du yoga, du taï chi, du Pilates, au moins 2 j/sem pendant dix min. Si vous avez plus de 65 ans et des problèmes de mobilité, il est recommandé de pratiquer une activité physique au moins 3 j/sem pour améliorer l’équilibre et éviter les chutes.
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Trop souvent ignorée, la sarcopénie est un véritable problème de santé publique. Elle affecte la qualité de vie, elle augmente les complications infectieuses, les besoins de soins de réadaptation et les risques d’ostéoporose, de chutes, d’invalidité, de durée moyenne de séjour d’hospitalisation et de décès ainsi que les coûts d’hospitalisation. Dépister, être attentif aux signaux d’alerte, bien manger et faire de l’activité physique sont les meilleures des préventions.
Les spécialistes s’accordent sur le fait que les seniors ont besoin de 1 g à 1,2 g/kilo de poids/jour de protéines, voire plus si une pathologie est associée. Un senior de 60 kg a donc besoin de 60 à 72 g de protéines chaque jour. Par exemple, il y a 18 à 20 g de protéines dans 100 g de viande, de poisson, 2 gros œufs, 4 yaourts, 180 g de fromage blanc, 150 g de pâtes cuites + 150 g de haricots rouges, 250 g de semoule cuite + 100 g de pois chiches. Certaines expérimentations menées dans des services gériatriques de pointe suggèrent qu’il est plus efficace de concentrer l’apport en protéines sur un repas(3), par exemple 80 % au déjeuner, mais il n’est pas aisé de mettre cette stratégie en place chez soi dans la vie de tous les jours.
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Une complémentation en L-citrulline et en leucine, deux acides aminés, permet d’augmenter la masse, la force et la fonction musculaires. Rapprochez-vous de votre pharmacien afin de vous procurer des acides aminés de qualité qui contiennent 100 % d’acides aminés.
Si la vitamine D n’a pas montré d’efficacité sur la sarcopénie en tant que telle, elle agit sur la réduction du nombre de chutes liées à la faiblesse musculaire chez les personnes de plus de 65 ans. Il est conseillé chez les personnes âgées de consommer 800 à 1 000 UI de vitamine D3 par jour, à associer avec le calcium en prévention de l’ostéoporose.
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