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Soigner le corps autant que l’esprit est une évidence à retrouver d’urgence

Dans un ouvrage co-écrit avec Dimitri Jacques, la naturopathe Maud Gabriel témoigne de son combat contre l’anorexie. Contrairement à ce que le corps médical lui a asséné durant vingt-cinq années de souffrance, l’origine du problème n’était pas sa tête mais le monde bactérien peuplant ses entrailles.

Élise Kuntzelmann

Pouvez-vous retracer les grandes étapes de l’épreuve que vous avez traversée ?

Je me suis dès le plus jeune âge sentie un peu singulière, renfermée sur moi-même. Le médecin de famille avait noté " troubles du spectre autistique ". Je ressentais déjà un inconfort digestif permanent. À 11 ans, suite à une violente gastro-entérite, j’ai mis en place des restrictions alimentaires. J’ai voulu faire perdurer cet état de mieux-être provisoire que l’on peut éprouver lorsque l’on a le ventre vide. Le diagnostic d’anorexie mentale restrictive fut posé et l’option médicale retenue ne peut être qualifiée de soins. Je subissais en boucle ce traitement : internement en soins psychiatriques et contrat de poids. Une fois le poids obtenu après des jours de gavage par de la nourriture industrielle, déclarée guérie, je rentrais chez moi et maigrissais, jusqu’au prochain séjour hospitalier. Il me semblait qu’aucune issue positive n’était à espérer. C’est d’ailleurs ce que la soi-disant médecine toute puissante, qui m’avait étiquetée " cas désespéré ", me laissait entendre.

À quoi ressemblait votre vie ?

J’étais dans une bulle de mal-être, comme si la vie passait autour de moi mais pas par moi. Je me souviens de la manifestation régulière d’une petite voix typique chez les personnes anorexiques, qui pousse à se faire du mal, à se priver de nourriture. Pour m’oublier un peu plus, je m’abreuvais de travail jusqu’à tomber dans une forme de burn-out conduisant à des hospitalisations en psychiatrie. Ceci était lié à une dépression résistante, associée à une anorexie mentale restrictive et de l’hyperactivité. Je n’habitais ni mon corps ni ma tête, la souffrance avait pris possession de ma personne.

Quels ont été les traitements médicamenteux proposés ?

Il m’a été prescrit nombre d’anxiolytiques, antidépresseurs, somnifères et antiépileptiques, sans que l’anorexie ne soit mise en sommeil. J’ai souffert de tous les effets secondaires possibles. Je me sentais soit complètement droguée, soit je passais par des phases d’excitabilité. Tous ces médicaments ont bien entendu contribué à m’abîmer le système digestif.

Comment avez-vous trouvé une solution à vos maux ?

Il y a neuf ans de cela, mes troubles digestifs chroniques sont devenus aigus au point de prendre le pas sur la douleur psychique. Cela m’a amenée à me documenter et j’ai appris au fil des lectures que l’alimentation pouvait aggraver ou atténuer l’inflammation intestinale. Souffrant alors de diarrhées terribles, j’ai commencé à faire des liens entre le contenu de notre assiette et la santé. En quête de solutions, je suis allée voir un diététicien. L’anorexie était passée au second plan. Mes intestins étaient si douloureux que j’étais prête à tout essayer, à commencer par le régime sans gluten et sans laitage proposé par le diététicien. Il n’a pas fallu une semaine pour que les effets se fassent sentir. Mon brouillard mental avait disparu. J’avais les idées claires. Tout ne s’est pas résorbé d’un coup mais l’impulsion était lancée ! L’ultime étape, qui s’est révélée assez compliquée, a été le sevrage des psychotropes.

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Que retenez-vous de ce vécu douloureux ?

J’ai souffert pendant vingt-cinq ans avant de trouver des solutions par moi-même. Ce vécu douloureux fait partie de moi. Sublimer mon parcours en venant en aide à d’autres personnes dans la douleur m’est essentiel. En 2013, j’ai entrepris des études de naturopathie, de phytothérapie et de micronutrition. Depuis mon installation en cabinet, je reçois surtout des personnes avec des troubles digestifs ou des douleurs chroniques. C’est autour de cette thématique que je spécialise mon accompagnement. S’il m’est possible de soulager, ne serait-ce que d’une journée de souffrance, une seule personne, j’aurais déjà rempli ma mission.

Quels conseils donneriez-vous à une personne ayant un parcours similaire au vôtre ?

Je lui dirais d’accepter le diagnostic et de déjouer le pronostic. Nous sommes parfois dans une position d’attente d’une solution médicale. Or, il faut essayer de rester maître de ses actions, de croire en soi, d’oser. Tant que l’on n’a pas exploré toutes les pistes, on ne peut pas s’avouer vaincu. Dans l’anorexie, on parle souvent d’une petite étincelle qui arriverait par magie et déclencherait le processus de guérison. Selon moi, on peut rester toute sa vie à attendre ce déclic…

Quel est aujourd’hui votre rapport à la médecine allopathique ?

Il m’a d’abord été difficile d’envisager que le corps médical n’ait pas réponse à tout et que le patient soit le principal acteur de sa santé. Notre alimentation, notre hygiène de vie influent sur notre état. Répondre à un symptôme par un médicament sans prendre en considération l’ensemble des paramètres ayant conduit la personne à manifester ce symptôme nie la complexité de l’humain. Je ne suis pas hostile à la médecine allopathique mais à la pratique qu’en font des soignants rigides. Cette pratique devrait intégrer une meilleure écoute des patients et la recherche de solutions personnalisées. Soigner le corps autant que l’esprit est une évidence à retrouver d’urgence.

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Votre témoignage est accompagné de l’éclairage scientifique de Dimitri Jacques, psychonutritionniste…

Le but n’était pas une quelconque thérapie mais de dépasser mon expérience. Durant mon processus de reconstruction, j’ai toujours gardé en tête l’idée d’apporter aux personnes souffrant des mêmes troubles que moi des solutions pratiques et efficaces qui auraient pu m’être salvatrices à l’époque. C’est au cours de ma formation de phytothérapie que je suis tombée sur les travaux de Dimitri Jacques. Je lui ai écrit sans vraiment y croire. Il m’a recontactée et l’idée du livre s’est concrétisée. Encore une fois, il suffit d’oser !

Pouvez-vous nous éclairer sur le rôle du microbiote intestinal dans la santé mentale ?

L’axe intestin-cerveau est une autoroute bidirectionnelle. La communication se fait par la circulation sanguine, les voies endocrines, les voies nerveuses et le système immunitaire. Un stress mal géré, un état infectieux, une alimentation non adaptée viennent perturber l’écosystème digestif, créer une inflammation et rendre l’intestin poreux. C’est le syndrome de l’intestin qui fuit, favorisé par les aliments riches en gluten et les produits laitiers. Les conséquences sont une activation du système immunitaire, la majoration d’un état inflammatoire, une moindre assimilation des nutriments au profit d’éléments pathogènes qui verront leur pénétration facilitée à travers la barrière intestinale. Le déficit en nutriments ralentit alors la production de neurotransmetteurs. Ceci se répercute sur les connexions neuronales qui nécessitent aussi un bon statut en acides gras pour que les neurotransmetteurs puissent propager leur message. Sans cela, les pensées sont perturbées, ce qui retentit à nouveau sur l’intestin, et le cercle vicieux commence.

Vous insistez beaucoup sur le fait que l’axe intestin-cerveau fonctionne dans les deux sens…

Il est admis que l’intestin constitue notre deuxième cerveau. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il y a huit fois plus de messages allant de l’intestin au cerveau qu’inversement ! 60 % de la population souffre de troubles digestifs : les aliments mal tolérés, le stress, l’état infectieux perturbent l’intestin, et cela se répercute sur l’état psychique et vice versa. Les faits sont connus mais ne sortent malheureusement pas de notre sphère de médecine alternative et complémentaire.

 

Pour aller plus loin :

www.en-maud-naturo.fr ;

chaîne YouTube : en-maud-naturo’

Parle à mon ventre, ma tête est malade, de Maud Gabriel et Dimitri Jacques, éd. Grancher, 2022, 15 €.

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