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"Les activités physiques ne sont pas réservées aux personnes en pleine santé ! "

Les activités physiques adaptées (APA) sont destinées aux personnes qui, pour des raisons multiples, ne sont pas en capacité de pratiquer une activité physique classique. Pierre Louis Bernard, spécialiste des APA nous aide à mieux cerner ces activités encore trop peu connues.

Nathalie Rigoulet

Vous êtes enseignant à l’université de Montpellier et spécialisé en Activités physiques adaptées (APA). Pouvez-vous  nous expliquer en quoi consistent les APA ?

L’Activité physique adaptée est le domaine scientifique et professionnel de l’activité physique s’adressant à toute personne n’ayant pas, ou ne pouvant pas pratiquer, une activité physique ou sportive dans des conditions ordinaires. Et à toute persone qui prsente des besoins spécifiques de sant, de participation sociale ou d’inclusion du fait d’une maladie, d’une limitation fonctionnelle, d’une déficience, d’une vulnérabilité, d’une situation de handicap, d’exclusion, d’une inactivité ou d’une sédentarit.1

Pouvez-vous nous éclairer sur les champs concernés ?

Dans les années 1990, les gros dossiers étaient la déficience motrice et la déficience intellectuelle ainsi que l’insuffisance respiratoire. Les nouveaux besoins de santé ont conduit à l’émergence de nouveaux secteurs liés à des problématiques telles que la surcharge pondérale, l’autisme, les déficiences sensorielles ou le vieillissement. Les APA proposent des dispositifs d’éducation, de préventions, de promotion de la santé mais également d’autonomie, de performance, d’inclusion et de participation sociale. Les formations APA se sont multipliées dans les universités. Aujourd’hui une trentaine d’UFR ont une valence APA en France, chacune avec ses spécificités.

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Comment vous êtes-vous intéressé aux APA ?

Je suis rentré à l’université de Montpellier au milieu des années 1980. C’était la première université en France à créer une maîtrise en Activités physiques adaptées autrefois appelée Sport et handicap. J’ai toujours été intéressé par l’enseignement, la santé et le handicap. Certaines universités et enseignants un peu visionnaires avaient imaginé une autre voie qui n’était ni l’enseignement en milieu scolaire ni l’entraînement sportif mais l’activité physique adaptée. Le Québec était initiateur en la matière, les APA sont nées là-bas en 1973 autour de Clermont Simard, un Canadien qui a posé les bases des APA. Après mon doctorat ès Sciences du mouvement humain et handicap moteur pendant lequel j’ai été intégré dans une unité Inserm, je suis parti à Nice où j’ai monté la formation APA à l’université. Je suis revenu en 2002 à Montpellier et me suis spécialisé dans les problématiques du vieillissement (gériatrie, gérontologie) et j’ai participé au développement de nouveaux diplômes en lien avec les APA.

Rendre accessibles à tous les activités physiques pose la question de l’équité, est-ce vraiment la réalité ?

Cette question met le doigt sur une réalité à la fois institutionnelle et sociale. Le professionnel en APA travaille en général dans deux types d’environnements institutionnel et social. Il rencontre un public spécifique : déficient, en perte d’autonomie, handicapé, malade chronique… dans des établissements spécialisés, centres, cliniques, CHU, instituts, SSR (Soins de suite et de réadaptation) dans lesquels il travaille. Ce peut être aussi dans des associations ou à domicile, si le professionnel donne des cours particuliers ou intervient, par exemple, auprès des communes. Les communes ont conscience que la population vieillissante est de plus en plus nombreuse et en demande d’activités, elles proposent donc, via les CCAS ou les associations, des activités adaptées.

Le personnel encadrant est-il formé à l’Université ?

Le terme APA n’est pas la propriété des formations universitaires. Il est aussi utilisé par des professionnels de l’activité et surtout du sport qui ont créé des diplômes sur le handicap. Les professionnels « enseignants en APA » sont ceux qui ont été formés à l’université, les autres ont des formations de qualité, comme le brevet d’État pour le handicap moteur, et sport adapté pour le handicap comportemental et mental. À ces formations Jeunesse et sport se sont également ajoutées les formations des fédérations.

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En pratique, que doit faire une personne qui souhaiterait trouver des APA ?

Le plus simple est de se rapprocher de sa commune car de plus en plus de communes organisent ces activités. Par exemple, au lieu de recruter un éducateur sportif qui s’occupe du foot le mercredi et des animations au sein des écoles, ils se tournent vers un professionnel qui est formé en APA. Côté annuaire, c’est plus flou. J’ai été à l’initiative, il y a quelques années, du projet 3APS (Acteurs en action pour activités physiques et santé). Ce projet régional financé par l’ARS était censé recenser les acteurs et les actions sur le territoire régional. Ça s’est multiplié dans les autres régions mais malheureusement ce projet n’a pas connu le développement souhaité. Chaque région fait à sa manière. Le plus simple est de contacter sa ville et de demander l’inventaire des associations qui sont sur la commune ou qui interviennent sur la commune. Certains centres accueillent des personnes de l’extérieur. Ils ont des partenariats, par exemple avec des clubs qui peuvent profiter en soirée des installations sportives. Une personne en fauteuil roulant qui aurait envie de pratiquer dans un lieu sécurisé et adapté, avec un encadrement et des entraîneurs formés, peut adhérer à un club handisport et venir pratiquer à son rythme sans aucune obligation de faire de la compétition, bien entendu.

Une personne qui désire faire une activité adaptée à domicile se rapproche-t-elle aussi de sa commune ?

C’est une possibilité, mais aujourd’hui les jeunes diplômés font tout pour se faire connaître via les Foires aux associations dans les communes, les Salons tels que le Salon du vieillissement, les forums, les réseaux sociaux, les sites Internet, etc. qui leur permettent de se faire connaître et de se présenter.

Un médecin peut-il prescrire des séances d’APA ?

En décembre 2016, il y a eu un décret, puis un décret d’application en mars 2017 sur la prescription médicale de l’activité physique. Donc depuis mars 2017 les médecins peuvent prescrire, ils incitent à pratiquer, la difficulté reste qu’ils ne savent pas toujours vers qui orienter les patients. Et qui dit prescription ne dit pas remboursement ! Il n’y a aucun remboursement à l’heure qu’il est… c’est donc une grande limite. Mais c’est une étape car les médecins qui, précisons-le, n’ont quasiment aucune connaissance sur les bienfaits de l’activité physique via leur formation universitaire, peuvent s’ouvrir sur des prescriptions autres que les médicaments. Le non-remboursement est un probème… Les mutuelles essaient progressivement de prendre le relais proposant des forfaits où l’activité physique peut en partie être remboursée, les Caisses de retraite expérimentent la faisabilité sous forme de forfaits. Par exemple après un cancer, il existe un forfait de 180 euros par personne par an. Ça ne couvre pas une pratique régulière encadrée par des professionnels formés mais c’est déjà une incitation intéressante.

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Nous sommes loin de l’équité car ce sont toujours les personnes qui ont les moyens ou qui ont une mutuelle qui sont gagnants !

Oui, en effet. À ce jour beaucoup de personnes n’ont pas accès aux APA, parce qu’elles sont parfois trop éloignées des professionnels et des lieux qui les proposent même si de plus en plus de lieux (CHU, cliniques, etc.) considèrent les activités physiques comme une stratégie d’accompagnement de soins très intéressante, et font appel aux professionnels formés dans ce secteur. Il reste un travail à faire pour mailler le territoire et pour que des professionnels puissent intervenir au plus près de la personne à un coût mineur. Quantité d’applications proposant des séances d’activités existent mais elles ne sont pas adaptées à tout le monde et ne remplacent pas un suivi professionnel en présentiel.

Sources :

 

Biographie :

Pierre Louis Bernard est maître de conférence, habilité à diriger des recherches à l’UFR Staps de Montpellier, et gérontologue. Il est responsable du diplôme de licence Activités physiques adaptées et santé, et du master Activités physiques et vieillissement (Gesappa) ainsi que du diplôme universitaire (DU), Prévention de la perte d’autonomie et de la chute de la personne âgée : la méthode PEM-ES. Investi dans de nombreux programmes de recherches, de réseaux et d’associations telle que l’Association francophone en activité physique adaptée, il a écrit de nombreux articles dans des revues scientifiques, des communications dans des congrès et colloques, et collaboré à l’écriture de plusieurs ouvrages.

Pour allez plus loin :

Activité physique. Prévention et traitement des maladies chroniques. Dossier de presse. Expertise collective, Inserm, 2019.

Ordonnances : activités physiques. 90 prescriptions. A. M. Foucault, M. Vergnault, A. Landry. L. Lhuissier, D. Chapelot, éd. Maloine, 2020.

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