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« L’analyse psycho-organique concilie psychanalyse et thérapies corporelles »

Analyste psycho-organique depuis une douzaine d’années, Audrey Demaison nous présente cette discipline méconnue de la psychothérapie qui a pour avantage d’associer le travail réflexif de la psychanalyse avec celui des thérapies plus corporelles. Passionnée par cette discipline qui lui a permis d’obtenir des résultats très intéressants avec des patients ayant réalisé auparavant dix à vingt ans de divan sans effets probants, elle nous raconte comment l’analyse psycho-organique lui permet de concilier travail du corps, du cœur et de l’esprit pour n’oublier aucune dimension du patient.

Sabrina Debusquat

L’analyse psycho-organique compte actuellement environ cinq-cent praticiens en France. Elle existe depuis 1975 et est reconnue par l'Association européenne de psychothérapie, mais reste assez méconnue du grand public et de certains professionnels eux-mêmes. En quoi se différencie-t-elle d’une analyse classique ?

L’analyse psycho-organique est une sorte d’heureux mariage entre la psychanalyse freudienne et jungienne, et la thérapie corporelle et humaniste. Le couple formé par Paul et Joëlle Boyesen qui a mis au point la méthode en 1975 trouvait dommage de scinder la tête et le corps et a donc inventé cette discipline qui tire sa richesse des différents courants qu’elle mélange. Concrètement, elle ne traite pas que la tête, mais aussi le cœur et le corps. C’est le traitement de ces trois niveaux – la tête, le cœur, le corps – qui la différencie vraiment des autres thérapies. Il ne s’agit pas, comme avec la psychanalyse, d’être uniquement dans la tête, dans l’analyse, ou d’être uniquement dans le corps comme avec l’analyse reichienne. En analyse psycho-organique, nous allons réaliser une analyse « classique », mais qui se permet également d’utiliser des thérapies corporelles proches de la bioénergie ou du rêve éveillé. Ainsi, on sollicite le corps et son expression émotionnelle pour ensuite pouvoir en parler, mettre des mots dessus. C’est cette vision large que permet l’analyse psycho-organique et qui rend chaque séance extrêmement différente d’un patient à l’autre. L’idée est de travailler à travers le corps et l’émotionnel, mais de ne pas s’arrêter là.

Les thérapies corporelles, émotionnelles et énergétiques développées dans les années 1970 et 1980 sont très utiles, et elles ont inspiré les inventeurs de l’analyse psycho-organique, mais l’analyse psycho-organique considère que s’il est bon d’exprimer les émotions enfouies, ce n’est pas suffisant. Il faut ensuite, à partir de cela, élaborer, faire un travail d’analyse pour intégrer, « métaboliser » toutes ces consciences-là à l’intérieur de soi. Il ne s’agit pas simplement de libérer les émotions, mais aussi de les intégrer, de leur donner du sens et de pouvoir avancer avec ça.

En ce sens, est-ce que l’analyse psycho-organique se rapproche ou utilise des outils comme ceux de la kinésiologie ? Jusqu’à quel point intègre-t-elle le corps ?

Non, nous n’utilisons pas des outils comme la kinésiologie, tout simplement car notre approche du corps n’a rien de médical ou physiologique au sens strict du terme (squelette, muscles, etc.). Nous partons du corps dit « énergétique ». Par exemple avec cette idée des « encapsulations », c’est-à-dire d’observer ce qui se passe dans le corps quand l’esprit énonce une phrase. À travers une phrase nous analysons le « corps du verbe ». Par exemple, quand quelqu’un me dit « J’en ai assez », je regarde comment le corps est pris là-dedans, dans cette phrase. Est-ce un discours un peu vide d’émotion, vide « de corps » ? Cette phrase s’accompagne-t-elle d’une envie de se lever et de crier, de taper ? C’est avec ce corps-là que je travaille. Ce corps-émotion qui s’est construit au fur et à mesure des années et qui fait que ce « J’en ai assez » pour l’un sera quelque chose qui ne pourra jamais être dit et que le corps va retenir en se crispant, là où d’autres vont en permanence dire la même phrase mais mollement, parce qu’il est autorisé de se plaindre, et alors ça n’aura pas du tout le même sens, la même résonance et donc ce ne sera pas traité pareil.

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Vous arrive-t-il d’utiliser des outils comme l’EMDR ?

Non plus, car nous n’utilisons pas de protocole précis. Le praticien va avoir à disposition de nombreux outils dans sa boîte à outils, mais il n’est jamais pris dans une vision restrictive. C’est justement cela qui fait que, selon moi, l’analyse psycho-organique est la thérapeutique la plus complète, elle est à la fois psychanalytique, émotionnelle et corporelle, mais aussi humaniste. Elle me permet de développer tout mon art de thérapeute sans m’enfermer ni me limiter par un protocole.

Ainsi, selon la façon dont un propos résonne dans ce corps émotionnel, je vais piocher dans ma boîte à outils de thérapeute pour proposer une thérapie très personnalisée. Certains vont avoir besoin de taper dans des coussins ou de crier pour faire sortir une émotion, et nous la digérons ensuite avec la parole. Pour d’autres, cela va beaucoup plus ressembler à une thérapie classique avec simplement quelques travaux d’écriture ou de dessin de soi. À partir de ce que je vois de la personne, de son besoin du moment, je vais cheminer avec elle en n’étant ni directive ni non directive.

Quand et comment avez-vous découvert cette discipline ?

Dès le début de ma carrière. J’ai toujours travaillé en analyse psycho-organique et ce notamment parce que dès la faculté de psychologie je me suis aperçue que c’était ce lien corps-esprit qui m’intéressait. Les approches classiques proposées en institutions ou autre me paraissaient bien trop limitées et ne m’attiraient pas. Je me suis donc formée à l’EFAPO, l’École française d’analyse psycho-organique, et je me suis également formée à la CNV (communication non violente) ou encore à la bioénergie.

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de patients qui ont obtenu des résultats intéressants avec cette approche ?


L’analyse psycho-organique fonctionne par exemple très bien sur les personnes qui sont dans le mental. Quand elles arrivent dans notre cabinet, elles nous disent « J’ai compris beaucoup de choses », et elles ont globalement raison. Elles ont compris, oui, mais elles n’engèrent pas. C’est-à-dire qu’elles ne mettent pas en pratique ce qu’elles sont profondément. Je vais donc les aider à aller chercher à l’intérieur d’elles ce qui n’a pas été réalisé, exprimé, et à s’approprier ce qu’elles disent, ce qu’elles ressentent, en se connectant à leurs émotions, à leur corps. J’ai souvent vu des gens qui avaient effectué dix ans, vingt ans de psychanalyse et qui avaient compris plein de choses avec leur tête mais qui étaient toujours en souffrance, et grâce au travail effectué en quelques années d’analyse psycho-organique, ils repartaient enfin alignés. Ils avaient réussi à descendre au fond d’eux-mêmes pour exprimer pleinement à l’extérieur ce qu’ils étaient à l’intérieur.

 


 

Pour aller plus loin :

Société Française des Analystes Psycho-Organiques : www.psy-apo.fr

École française d'analyse psycho organique : www.efapo.fr

Site de l'Association Européenne de Psychothérapie : www.europsyche.org

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