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"La gemmothérapie est d’abord une médecine énergétique", Philippe Adrianne

Spécialiste mondial de la médecine des bourgeons, herboriste, auteur et enseignant, Philippe Andrianne est la mémoire vivante des travaux du médecin Pol Henry qui a développé la gemmothérapie dans les années 1960. Il nous reçoit dans les Ardennes belges pour nous parler de ces incroyables réservoirs de santé poussant sur les arbres.

Lucile de la Reberdiere

Alternative Santé. La gemmothérapie reste peu connue du grand public. Est-elle ancienne ?

Philippe Adrianne. Oui. À l’époque médiévale, on utilisait déjà certains bourgeons comme celui du peuplier, le fameux Unguento populeo. Mais la véritable gemmothérapie a été fondée dans les années 1960-1970 par le Dr Pol Henry à partir de « l’embryon végétal » : le bourgeon, la jeune pousse, la zone où les tissus sont dits « totipotents », en perpétuelle multiplication. Ces cellules indifférenciées contiennent tout le potentiel génétique et énergétique de l’arbre. Le bourgeon concentre toutes ces propriétés, mais également des vertus qui lui sont propres, ce que l’on ne retrouve pas en phytothérapie classique. Par exemple, l’écorce de chêne est bonne pour les diarrhées. Le bourgeon l’est aussi, mais il est en outre polyendocrinien, ce que l’écorce n’est pas.

Sur quoi portaient les analyses du Dr Henry ?

Il a réalisé des diagnostics biochimiques permettant de déterminer de nombreuses problématiques sanguines. Il a identifié, par exemple, qu’une inflammation produit toujours beaucoup d’alpha-globulines, et que le bourgeon de cassis peut diminuer ce taux par son action anti-inflammatoire. Il a utilisé notamment des tests de floculation, pertinents à l’époque. Le Dr Henry a pu prouver scientifiquement l’action des bourgeons par des examens sanguins.

Il y aurait donc des correspondances entre les structures chimiques humaines et végétales ?

Au cours de l’évolution, l’être humain a intégré tout ce qui l’a précédé au niveau animal. En anatomie comparée, on trouve ainsi des traces de branchies de poisson dans l’oreille humaine, dans la forme de la chaîne des osselets. De même, en tant qu’embryon, le fœtus passe par différents stades animaux, mais aussi par celui du végétal. On observe le « stade bourgeon » trois ou quatre jours après la fécondation, avec la présence visible de suçoirs dans la paroi de l’utérus et une forme d’embryon extrêmement simple, identique au bourgeon. Enfin, notre corps comporte ce que l’on appelle un système nerveux végétatif. Cet aspect se retrouve dans la nature.

Concrètement, sous quelles formes peut-on utiliser la gemmothérapie ?

Le mode de préparation a été inscrit à la pharmacopée sur la base des recherches du Dr Henry. Dans les années 1990, on a pu concevoir des formes plus concentrées à l’aide de macérats glycérinés, beaucoup plus pratiques. Quand vous aviez 150 gouttes par jour à prendre auparavant, vous n’en avez plus que 15. Le macérat mère est un complément alimentaire contenant un mélange d’eau, d’alcool et de glycérine aux dosages précis. Un fabricant qui ne respecte pas ces volumes ne peut pas prétendre vendre un macérât-mère.

Est-il possible de récolter soi-même des bourgeons ?

En théorie, chacun peut récolter des bourgeons frais, acheter de l’alcool, de la glycérine et de l’eau, faire son extraction et son macérât. Il suffit d’une presse et d’un petit matériel. Il existe cependant certaines subtilités que tout le monde ne connaît pas… Les bourgeons se récoltent à 80 % à l’état sauvage, mais on trouve aussi une production humaine. Ici, nous cultivons deux hectares de cassis, ailleurs il y a des cultures de romarin et de noyer, et on commence à voir des cultures de figuier. Mais on ne cultive que ce qui est nécessaire pour l’approvisionnement, lorsque la nature ne nous fournit pas assez. Techniquement, il est impossible de prendre tous les bourgeons d’un arbre : nous n’en récoltons qu’un centième environ. Sachant que cela ne détruit pas la nature, mais favorise au contraire la ramification de la plante. Sur le noyer, par exemple, la récolte stimule les rameaux périphériques, la « mise en noix » et la fabrication de nouveaux bourgeons dans les deux ans.

Quels sont les dosages à respecter pour obtenir un véritable macérât-mère ?

C’est un mélange de trois solvants simultanés dans lequel on fait macérer le bourgeon, dans la proportion de 20 % d’eau, 30 % d’alcool et 50 % de glycérine. Certains fabricants utilisent plus ou moins d’alcool, d’autres remplacent la glycérine par du miel. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de norme de fabrication pour les macérâts-mères. Chacun fabrique un peu dans son coin, comme il a envie. De plus, beaucoup ne font pas d’analyse de leurs bourgeons.

Pourquoi une analyse des bourgeons est-elle essentielle ?

Parce que c’est la teneur en flavonoïdes qui explique l’action des bourgeons. Une étude sur les produits de divers fabricants, ici, en Belgique, a mis en évidence des variations de flavonoïdes de 1 à 100. Dans une jeune pousse d’airelle, si vous décelez beaucoup de catéchines, c’est très mauvais : cela veut dire que vous avez pris une trop grande pousse. Concernant le bourgeon de peuplier, on sait que son action provient de la pinocembrine et la chrysine, des flavonoïdes dont plusieurs publications scientifiques ont validé les vertus antivirales et antibiotiques. Or il y a des qualités de bourgeons différentes, des méthodes de récolte et de fabrication différentes, du soi-disant « concentré » qui n’en est pas… C’est un sacré bazar.

C’est donc le taux de flavonoïdes qui fait toute l’efficacité d’un traitement ?

Pas seulement. En gemmothérapie, comme en médecine chinoise ou ayurvédique, on s’intéresse aussi à l’association des plantes. Avant, pour traiter le foie, on avait tendance à associer plusieurs végétaux bons pour cet organe. Alors que réunir des plantes complémentaires, qui vont mutuellement se tempérer et favoriser leurs actions, est plus justifié sur un plan thérapeutique. La gemmothérapie emploie donc des bourgeons complémentaires qui agiront dans une même direction. C’est l’homéostasie qui fera la différence, en choisissant pour le corps comment utiliser l’énergie vitale de l’arbre transmise par le biais des bourgeons.

La gemmothérapie s’appuie-t-elle sur une forme d’intelligence des arbres ?

Le Dr Henry a nommé ce principe la « phytosociologie » des plantes. On sait que les arbres communiquent et coopèrent au niveau des racines, des feuilles ou par des substances odorantes. Dans la nature, les végétaux poussent ensemble, par exemple le peuplier avec l’aulne. En gemmothérapie, ces deux bourgeons seront associés pour leur compatibilité phytosociologique. Voilà pourquoi ces complexes fonctionnent très bien : ce lien aux arbres, nous l’explorons à travers la sylvothérapie, par des exercices énergétiques spécifiques en forêt.

Cette pratique peut-elle agir sur nos maladies modernes comme le cancer ?

En prévention, certainement, car on augmente l’énergie vitale de la personne, surtout avec le cassis, le séquoia et le chêne. Face à certains cancers provoqués par des émotions, des perturbateurs endocriniens, des métaux lourds ou une cause externe, le bourgeon ne fera que détoxiquer l’organisme, ce qui est, dans tous les cas, nécessaire pour traiter un cancer. La gemmothérapie aide ainsi très bien à supporter une chimiothérapie. Les bourgeons de bouleau sont particulièrement conseillés dans ce cadre, parce que leur acide bétulinique stimule l’apoptose, l’auto-destruction des cellules, notamment cancéreuses.

Quelles autres pathologies la gemmothérapie peut-elle traiter ?

Elle est indiquée sur tous les problèmes de dégénérescence hépathiques, que les hépatites soient médicamenteuses ou alcooliques dépendantes. Également sur les affections chroniques, les colites, la maladie de Crohn, les allergies, les troubles du sommeil et de la ménopause ou l’hypertension – pour laquelle on compte une grosse dizaine de bourgeons. Cet hiver, le cassis aidera à chasser la fatigue, tout comme le complexe d’aulne et de peuplier. Ce dernier agit comme un antibiotique naturel, testé in vitro sur l’inhibition des bactéries. On peut travailler préventivement pour toute la famille : il n’est pas difficile d’avoir des enfants en bonne santé avec la gemmothérapie !

Alors pourquoi ne connaît-elle pas le même succès que d’autres pratiques phytothérapeutiques ?

La gemmothérapie est une médecine énergétique avant d’être une médecine de principes actifs. Pour moi, elle représente le top de la phytothérapie, avec le gros avantage qu’elle ne comporte aucun danger d’utilisation ni risque de surdosage, contrairement à l’aromathérapie. D’ailleurs un jour, un bouchon s’est ouvert et un enfant a tout avalé, sans conséquence sur sa santé. Si la gemmothérapie est encore confidentielle, connue des médecins naturopathes et homéopathes vraiment intéressés, elle devrait suivre le même chemin que les élixirs floraux. Car ce que l’on peut faire avec les bourgeons est fabuleux !

À propos de Philippe Andrianne : licencié en sciences botaniques de l’université de Liège, Philippe Andrianne a acquis son expertise des plantes dans un laboratoire d’homéopathie puis dans une firme de compléments alimentaires, avant de fonder son propre laboratoire – qu’il revend en 2013. Actuellement conseiller scientifique des laboratoires Alphagem, il mène des travaux de recherche sur les bienfaits des bourgeons, mais aussi de l’argile. Installé en Belgique, où il exerce la fonction d’herboriste, il enseigne et donne régulièrement des conférences en Europe. Il est le fondateur de l’Association internationale de gemmothérapie (AIG), dépositaire des recherches du Dr Pol Henry. Il est également l'auteur de nombreux ouvrages dont le Traité de gemmothérapie, La théarapeuthique par les bourgeons et La gemmothérapie, médecine des bourgeons.

En savoir plus :

  • Plus d'informations sur les produits sur www.herbalgem.com
  • L'association internationale de gemmothérapie organise, le 24 février 2019, le 1er congrès international de gemmothérapie à Mont-Saint-Guibert, en Belgique, en présence de nombreux médecins, biochimistes, pharmaciens et acupuncteurs. Renseignements par e-mail à info@feh.be ou sur http://aigemmotherapie.org
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