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Probiotiques   : quelle efficacité   ?

  • Probiotiques : une efficacité sur l'eczéma, les allergies et certains troubles psychiques ?Probiotiques : une efficacité sur l'eczéma, les allergies et certains troubles psychiques ?
Article paru dans le journal nº 116

Le microbiote, c’est tout un monde. Mais parmi les différentes colonies de bactéries qui le peuplent, lesquelles sont nos ennemies, nos amies ? Pourquoi faut-il les équilibrer, et comment s’y retrouver dans l’offre de prébiotiques, cobiotiques, probiotiques, etc.? Voyage au cœur d’un écosystème qui n’en finit pas de nous étonner.

Les probiotiques sont définis comme des micro-organismes qui exercent un effet bénéfique sur la santé. Encore faut-il le prouver. Les autorités sanitaires interdisent depuis quelques années aux fabricants d’utiliser le terme probiotique sur l’emballage. La plupart de ceux que l'on trouve actuellement sur le marché sont des « cocktails » dont la précision thérapeutique et les justifications sont fluctuantes.

Un "vide réglementaire "qui oblige le consommateur à faire ses propres essais dans son coin

Les associations de consommateurs sont récemment montées au créneau et reprochent un manque de preuves d’efficacité. L’effet placebo semble évident chez beaucoup de gens. Les probiotiques souffrent peut-être d’une vulgarisation trop hâtive.

Le Canada s’est doté d’un registre qui recense tous les probiotiques disponibles par indication, avec le niveau de preuve associé. Rien de tel en Europe à ce jour. Depuis 2006, c’est l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) qui centralise les demandes de validation des allégations pour les probiotiques. Pour le Pr Joël Doré, « le processus actuel est peu incitatif pour les industriels qui développent des probiotiques et laisse un vide réglementaire qui laisse le consommateur faire ses propres essais-erreurs dans son coin ». À défaut d’avoir accès à des indications claires pour chaque type de probiotique, de nombreuses personnes les utilisent d’une manière inadaptée. Comme en première intention dans les cas de ballonnements, alors qu’il faudrait d’abord réduire les proportions de bactéries opportunistes. D’où la nécessité de consulter un professionnel de santé formé à la micronutrition.

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Les probiotiques, : des bactéries cousines pour un coup de pouce transitoire

Une fois ingérés, où vont les probiotiques et que font-ils exactement ? Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer de prime abord, ils ne viennent pas s’implanter durablement dans le microbiote résident pour remplacer les bactéries symbiotiques manquantes. Les meilleurs d’entre eux ne feront que donner un coup de pouce transitoire. Ils apportent des bactéries « cousines » qui tiennent temporairement le même rôle que les bactéries résidentes et laissent le temps à celles-ci de se réinstaller.

Lorsqu’ils parviennent dans l’intestin, les probiotiques exercent des effets régulateurs sur les cellules de la muqueuse, sur le microbiote et sur les interactions entre les deux. À ce jour, de nombreuses études ont démontré des effets ciblés sur les cellules immunitaires de l’intestin avec une régulation de la réponse inflammatoire, un renforcement de la fonction barrière intestinale et une meilleure assimilation de plusieurs nutriments essentiels.

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Choisir son probiotique : privilégier la diversité à la quantité

Bien choisir ses probiotiques, quelques conseils

Il doit permettre à un nombre suffisant de micro-organismes de traverser l’acidité de l’estomac pour arriver vivants dans les intestins. La surenchère dans le nombre d’« unités formant colonie » (UFC), affiché en milliards sur les étiquettes des probiotiques, n’apporte aucun gage d’efficacité.

En revanche, le nombre de souches (entre 5 et 10, principalement lactobacilles et bifidobacteries, avec idéalement une levure) sélectionnées pour leur aptitude à œuvrer en synergie est déterminant. L’idée est d’apporter à notre intestin ce que la nature nous offre : la diversité.

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Les probiotiques : bénéfices établis sur l’intestin et les allergies

Avant même de s’aventurer plus loin dans l’organisme, on s’attend à ce que les probiotiques apportent leurs bénéfices dans l’intestin. Et c’est le cas. L’utilisation de souches de bifidobactéries pour maintenir une fonction intestinale saine est bien documentée. Des études en double aveugle contre placebo ont montré que les souches L. plantarum et L. rhamnosus GG améliorent les principaux symptômes du syndrome de l’intestin irritable (SII) et de la rectocolite hémorragique, avec une efficacité comparable à celle du traitement standard. L’utilisation de souches de bifidobactéries, en médecine préventive, pour maintenir une fonction intestinale saine est bien documentée. Certaines souches de Bifidobacterium ont montré des résultats très prometteurs, améliorant Mici, SII, diarrhée et symptômes d’allergie.

Les enfants qui prennent des probiotiques présentent moins d’eczéma et réduisent le risque de développer des allergies respiratoires. Une méta-analyse du prestigieux réseau Cochrane a montré que les probiotiques pouvaient faire baisser l’incidence des troubles ORL et le nombre de personnes mises sous antibiotiques. Les deux souches qui reviennent le plus souvent dans les études probantes sont Lactobacillus rhamnosus GG et Lactobacillus acidophilus NCFM. Elles se sont montrées capables d’induire la production de cytokines anti-inflammatoires ainsi que l’expression des gènes des TLR, au cœur du dialogue entre les cellules immunitaires intestinales et le monde microbien.

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Les bifidobactéries sont impliquées dans la maturation puis l’homéostasie du système immunitaire. Majoritaires chez le nourrisson, plus encore lorsqu’il est nourri au sein, elles diminuent ensuite avec l’âge. La souche B. lactis a montré une amélioration de la réponse immunitaire innée chez l’adulte, d’autant plus lorsqu’elle est incluse dans des formulations probiotiques. Les lactobacilles ont fait leurs preuves contre les pathogènes intestinaux, dans la diarrhée du voyageur, en accompagnement des antibiotiques, pour moduler la réponse inflammatoire dans les allergies ou encore dans les infections gynécologiques.

On commence à identifier quelles souches de lactobacilles et de bifidobactéries sont utiles dans des domaines particuliers. C’est le cas de L. paracasei sur la rhinite allergique, B. breve sur la mémoire et les fonctions cognitives chez les personnes âgées, B. longum sur le stress quotidien chez les personnes saines. Les associations efficaces se dessinent également : B. bifidum, L. casei et L. acidophilus sur les fonctions cognitives dans l’Alzheimer débutant, L reuteri + B. bifidum sur la résistance à l’insuline, ou encore L. rhamnosus, plantarum et fermentum sur la qualité du sommeil et de l’humeur.

Psychobiotiques, les bactéries qui prennent soin du cerveau

Certaines souches probiotiques sont capables, en modifiant le microbiote, d’agir sur les fonctions cérébrales et de modifier le comportement. Des synergies de souches innovantes, appelées psychobiotiques, ont montré des résultats prometteurs sur Alzheimer, Parkinson et même l’autisme. Bien qu’aucune recommandation clinique bien définie n’ait encore pu être formulée pour un produit particulier, la littérature scientifique est encourageante.

Une revue des études observationnelles menées depuis 2016 jusqu’à aujourd’hui confirme un avantage modeste des probiotiques pour réduire les symptômes de la dépression par rapport au placebo. En traitement concomitant à certains antidépresseurs, des psychobiotiques accompagnés de prébiotiques améliorent l’humeur générale et les symptômes cliniques de dépression. L’imagerie cérébrale pendant l’exécution d’une tâche sollicitant la mémoire a montré que l’hippocampe gauche était moins activé chez les personnes sous probiotiques. Cette aire du cerveau est habituellement suractivée chez les personnes dépressives.

Enfin, nous savons que la dépression chronique non traitée fait le lit de la dégénérescence cérébrale. Des études suggèrent une protection de certains probiotiques contre les mécanismes qui y conduisent.

Un essai clinique d’envergure, fruit de la collaboration entre le CHU de Besançon, la fondation FondaMental et la start-up Gynov, est en cours sur des patients adultes présentant une dépression chronique résistante aux traitements standards. Il s’appuie sur une association de glutamine, curcumine et Lactobacillus rhamnosus GG, « déjà validée sur un modèle animal et qui fait aussi bien qu’un antidépresseur » précise le Pr Joël Doré. Les résultats sont attendus pour fin 2024.

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Epilepsie, BPCO, maladies du foie : les nouveaux domaines d’application des probiotiques

Une synergie de huit souches probiotiques dosées à cent milliards d’unités a démontré, dans des études cliniques randomisées contre placebo :

  • une réduction de moitié des crises chez les patients souffrant d’épilepsie résistante aux médicaments
  • une amélioration de la capacité fonctionnelle chez des patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)
  • une diminution voire une prévention des troubles intestinaux dus au traitement du sida et à certaines chimiothérapies
  • la prévention des complications des maladies du foie, en particulier l’encéphalopathie hépatique.
Ce sont toutes des pathologies pour lesquelles une dysbiose intestinale constitue un facteur aggravant.

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Des mutations génétiques défavorables à un bon microbiote

L’inefficacité des probiotiques chez certaines personnes et la persistance de troubles digestifs pourraient s’expliquer par leur incapacité à produire un mucus intestinal de qualité. Celui-ci permet à la fois de repousser les micro-organismes opportunistes et d’offrir un support aux bactéries résidentes. En cause, une mutation défavorable du gène FUT2, nécessaire à produire le fucose qui stabilise le mucus. Résultats : les bonnes bactéries n’ont pas envie de rester.

Les probiotiques, dans l’impossibilité de faire leur travail, pourraient même contribuer au désordre. Des tests biologiques permettent de savoir si l’on est concerné par cette mutation. Des médecins suggèrent un dépistage systématique chez les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici). Pour les non-porteurs du gène, une supplémentation en 2’fucosyl-lactose est possible.

Des probiotiques parfois dangereux

Probiotiques parfois dangereux

Les probiotiques ne sont pas sans risque. Les levures de type S. boulardii (contenues notamment dans l’Ultra-levure) peuvent par exemple causer des infections fongiques chez les personnes immunodéprimées. Plus grave, la pancréatite aiguë pour laquelle une contre-indication est aujourd’hui formelle.

Une étude parue dans The Lancet a montré que non seulement les probiotiques n’ont pas diminué le risque de complications infectieuses mais ils l’ont même augmenté, avec une mortalité accrue par rapport au placebo.

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