Jean-Pierre Giess
La vitamine D est couramment mise en avant, notamment à l’automne, pour pallier le manque d’ensoleillement. En effet, la carence en vitamine D est, on le sait, associé à un nombre impressionnant de problèmes de santé : ostéoporose, sarcopénie, troubles cognitifs, cardiovasculaires, etc. De ce fait, de nombreuses personnes ont pris le parti de se complémenter durant les mois d'automne et d'hiver, et parfois même toute l'année.
En conséquence de quoi, on observe de nombreux discours alarmistes sur les risques de l'autocomplémentation et de surdosage, encourageant à préférer les formes médicamenteuses ultra-dosées (des ampoules de 50 000 à 100 000 U.I) dans le cadre d’une prescription médicale – dont la recherche indique pourtant qu’elles semblent moins efficaces que des prises moindres, mais plus régulières (notamment devant le risque de chute et de fracture).
Les risques sont liés au fait que la vitamine D étant liposoluble, elle ne peut pas être évacuée naturellement et rapidement par l'organisme en cas d'excès, à la différence des vitamines hydrosolubles comme la vitamine C. En très fort excès, on parlera d'hypervitaminose D, voire d'intoxication à la vitamine D.
Mais même en deçà de ces seuils critiques, la question se pose de savoir si une complémentation régulière génère des risques au long cours, en particulier cardiovasculaires ou rénaux. En effet la vitamine D facilite l’absorption du calcium et du phosphate or l'augmentation de ces minéraux dans le sang peut théoriquement d'une part augmenter le travail des reins (chargés de leur élimination) et d'autre part favoriser leur accumulation sur la paroi des vaisseaux sanguins. Cette calcification des vaisseaux favorise leur rigidification (athérosclérose). C'est pourquoi les chercheurs allemands ont voulu voir, au-delà de la théorie, si on constatait bien un lien entre complémentation et risques rénaux ou cardiovasculaires.
[lireaussi:1888]
Certes, différentes études relatent une concomitance entre des taux sanguins de vitamine D « élevés » (au-delà des 50 nmol/L recommandés par les autorités, mais rarement atteints en population générale) et des taux également plus élevés de calcium. Cette nouvelle étude allemande (1), portant sur plus de 445 000 individus issus de la banque de données UK Biobank, confirme d’ailleurs cette corrélation. Mais pour autant, elle ne constate pas d’effets négatifs, ni sur les reins, ni sur le système circulatoire, chez les participants présentant des taux sanguins de vitamine D supérieurs à 50, voire 100 nmol/L.
Un niveau encore très éloigné, soit dit en passant, des 300 nmol/L évalués par une étude de 2017 (2), qui concluait qu’un tel taux, extrêmement rare et correspondant à une prise quotidienne de 15 000 IU/jour, restait sûr.
On estime généralement que les réels cas d’intoxication à la vitamine D, c’est-à-dire quand celle-ci devient toxique pour l’organisme (perte de poids, nausées, polyurie, vomissement, hypercalcémie importante, insuffisance rénale...) interviennent à partir de 375 nmol/L, et de prises de l'ordre de 50 000 U.I/jour pendant plusieurs mois.
[lireaussi:6499]
Les auteurs de l’étude allemande considèrent quant à eux qu’une complémentation en vitamine D dans une fourchette de 400 à 4 000 IU/jour peut être considérée comme sûre pour la population générale. Un surdosage ne représenterait un danger pour la santé que dans le cadre de doses extrêmement élevées régulières , comme chez ce Britannique (3) qui aurait pris jusqu’à 150 000 IU quotidiennement (avec toute une flopée d’autres compléments).
En France, en 2015, l’étude Esteban a estimé qu’un bon tiers de la population adulte était encore en situation de carence légère à prononcée, àmoins de 50 nmol/L. Aussi, compte tenu des conséquences reconnues d’une telle carence sur les risques de cancer, de maladies cardiovasculaires, de diabète, de maladies auto-immunes ou encore de dépression, une supplémentation est souvent bénéfique. Idéalement, sur la base d’un dosage sanguin préalable afin de savoir d’où l’on part.
[lireaussi:9260]