Laëtitia Kermarrec
Le nombre de morts par choc anaphylactique – forme grave de réaction allergique alimentaire caractérisée par une chute de la pression artérielle et la fermeture des voies respiratoires –, a explosé dans de nombreux pays. Une augmentation de 72 % du nombre d’enfants admis à l’hôpital pour anaphylaxie a par exemple été recensée en Angleterre entre 2013 et 2019. La gamme des aliments provoquant ces réactions s’est également étendue…
Cette hausse extraordinaire inquiète les scientifiques, car elle ne reflète que la partie émergée de l’iceberg : une personne allergique sur quatre. Les autres expérimenteront des symptômes plus légers : démangeaisons, maux d’estomac… Maux parfois confondus avec une intolérance alimentaire, rendant les données autodéclarées possiblement faussées.
On a tous entendu parler de l’hypothèse hygiéniste, selon laquelle un excès d’hygiène rendrait le système immunitaire hyperréactif, n’étant plus habitué à rencontrer et à combattre des micro-organismes (lire p. 16-17). Théorie que certains allergologues ont tendance à réfuter ou à nuancer, faisant face à des preuves contradictoires.
Une nouvelle hypothèse soutient que les micro-organismes présents dans notre environnement moderne n’ont rien à voir avec ceux du monde extérieur dans lequel nous avons évolué. Notre microbiote ne rencontre plus les microbes qui aidaient notre système immunitaire à réagir aux substances étrangères, et il devient hypersensible.
Une autre hypothèse est celle de l’exposition à un double allergène, par le biais intestinal mais aussi cutané. Au niveau intestinal, on constate l’évolution des recommandations depuis les années 1990, avec l’apparition des allergies aux arachides chez les enfants. Il était initialement préconisé de ne plus donner cet aliment aux bébés avant trois ans, sans réelles preuves pour étayer ce conseil. De plus en plus, les experts conseillent aux parents d'exposer leurs enfants aux aliments allergènes le plus tôt possible pour éviter qu’ils ne développent des allergies alimentaires plus tard (sauf bien entendu si une allergie déjà présente est suspectée, par exemple avec un parent allergique à ceci ou celà). Du point de vue cutané, il a été constaté que quand le potentiel allergène rentre en contact avec la peau sous d’autres formes (poussière, crèmes à base d’huile d’arachide, etc.) sur une peau lésée, il risque de déclencher une réponse immunitaire. Cela est d’autant plus vrai pour un enfant souffrant d’eczéma, sensibilisé par sa peau abîmée et avec un profil atopique. Pour eux, plus que pour les autres, il est important d’introduire une gamme variée d’aliments dès le sevrage.
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Pendant des années, le traitement anti-allergies préconisé était l’éviction (absence totale de consommation de l’aliment gênant). Cette stratégie n’est pas bonne et pourrait même être néfaste. La meilleure des solutions serait l’immunothérapie, soit la consommation de toutes petites quantités d’aliments allergènes de sorte qu’elles n’engendrent pas de forte réaction allergique, mais croissantes, pour désensibiliser progressivement le système immunitaire à cet aliment.
Un autre facteur rentrant en ligne de compte serait le manque de vitamine D, en lien avec nos modes de vie moderne où nous passons plus de temps à l’intérieur qu’autrefois. Cela perturberait le développement de nos mécanismes immunorégulateurs. Mais attention, un taux trop élevé en vitamine D augmenterait aussi le risque de développer une allergie alimentaire. Il faut donc trouver le juste milieu…
Enfin, la génétique compte aussi pour beaucoup, comme le prouve la vulnérabilité aux allergies alimentaires des immigrés, en comparaison des autochtones. Finalement, ce serait donc un ensemble de facteurs qu’il faudrait considérer…
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