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La malbouffe contre-attaque !

Il y a sept ans, nous interrogions Christophe Brusset, ingénieur repenti de l’agro-alimentaire. Il signait alors le livre choc Vous êtes fous d’avaler ça , dans lequel il révélait les secrets de fabrication des produits low cost qui envahissent les grandes surfaces. Les choses ont-elles changé depuis ? Pas suffisamment. L’auteur revient donc à la charge avec son dernier livre La malbouffe contre-attaque. Au menu, toutes les astuces que les industriels ont mis en place pour continuer à vendre comme avant, et les solutions qui s’offrent à nous pour y mettre un terme.

Dimitri Jacques

Des maîtres de l’illusion

La prise de conscience du consommateur a grandi et les industriels sont en quête de respectabilité. En réalité, ils ont trop à perdre et ne font que des efforts en trompe-l’œil. Ils savent exploiter les lacunes et imprécisions de la réglementation. Il faudrait, par exemple, manger le paquet entier de biscuits bien sucrés pour atteindre les apports journaliers recommandés de telle vitamine mise en avant sur l’emballage. Une méthode très en vogue consiste à détourner l’attention des consommateurs vers un point positif (respect de l’environnement, emballage recyclé, absence de colorants, sans gluten) pour tenter de faire oublier que le produit reste dans l’ensemble mauvais. Pour l’industriel, un produit est de qualité s’il répond au cahier des charges fixé par lui-même. Pour l’auteur, il doit avant tout être sain, c’est-à-dire exempt de molécules toxiques et nutritionnellement équilibré.

Des dégâts incalculables sur la santé

Le sucre, très peu coûteux et très addictif, est placé partout où c’est possible. L’implication directe de la malbouffe dans l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires, est établie, faisant exploser les coûts de santé. Pour cela, les industriels sont rarement inquiétés et encore moins condamnés. Au contraire, ils n’hésitent pas à culpabiliser les victimes qui seraient responsables de leur état par manque de volonté. « Les obèses ne sont pas des coupables à punir mais les victimes d’un système perverti », recadre Christophe Brusset.

Les produits ultra-transformés, ce n’est pas seulement le « trop gras, trop salé, trop sucré » mais aussi les pesticides, additifs et nanoparticules, encore trop nombreux malgré quelques efforts consentis. Les additifs, que les Français consomment à hauteur de quatre kilos par an, participent à de nombreuses autres maladies de manière beaucoup plus insidieuse, à commencer par le cancer ou la destabilisation du microbiote. En 2021, l’EFSA a fait analyser 96 302 produits : 47 % contenaient des résidus de pesticides, et 2 % assez contaminés pour être impropres à la consommation ! Des chiffres probablement sous-estimés, l’agence ne recherchant que 182 pesticides alors qu’il en existe plus de 600. On trouve aussi des particules de plastique, d’encre, de solvants, et de vernis… Bon appétit !

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Des méthodes qui ont un air de déjà-vu

Ce sont les mêmes méthodes qui ont été utilisées pendant la crise sanitaire pour briser toute dissidence scientifique : attaques ad-personam, remise en cause de la légitimité, accusation de diffuser des fausses informations, campagne de dénigrement, inversion accusatoire. Peu après la parution du premier ouvrage de Christophe Brusset, l’Ania (association nationale des industries alimentaires) publiait un article sous la forme d’un « vrai ou faux » reprenant plusieurs points du livre, avec une argumentation pour le moins lacunaire. Rappelons que l’auteur, avec qui l’Ania aurait refusé tout débat médiatisé, a vécu au cœur des fraudes de l’agro-alimentaire pendant plus de vingt ans. Un site internet de lutte contre les prétendues « fake news » a même été créé, dans lequel le lobby industriel a tout loisir de redonner sa vérité au public sans être contredit. L'auteur dénonce également le classique financement de chercheurs peu regardants pour réaliser des études scientifiques de complaisance, ensuite reprises par une communication médiatique intense.

« J’espérais une main tendue de la part des industriels, mais c’est dans la figure qu’ils ont voulu me la coller. »

Faire taire les lanceurs d’alerte

On pourrait croire que la législation et les agences sanitaires nous protègent. On apprend pourtant que le législateur considère que si l’additif est présent en très faible quantité, il est permis de ne pas le déclarer. Les multinationales exercent un lobbying permanent auprès des agences sanitaires. Un rapport du CEO conclut que près d’un expert sur deux se trouve en conflit d’intérêts avec des entreprises dont ils sont censés évaluer les produits. La réglementation est, par ailleurs, toujours en retard d’une guerre sur les avancées scientifiques et technologiques.

Ceux qui sonnent le tocsin un peu trop fort finissent devant la justice. Comme cette petite association lourdement condamnée, et sa présidente poussée à la ruine pour avoir dénigré des vins cultivés en chimie de synthèse, en dépit d’analyses de résidus de pesticides réalisés par un laboratoire indépendant. Ou encore Yuka régulièrement attaquée en justice parce que les évaluations données par son application déplaisent aux industriels. Les tribunaux de commerce l’ont plusieurs fois condamnée, avec le sous-entendu : si c’est légal, c’est sans danger. Que dire alors des substances jadis autorisées et aujourd’hui interdites, comme le bisphénol A, le dioxyde de titane ou encore l’amiante ?

Plus grave encore : pour avoir révélé des pratiques de l’agriculture intensive bretonne et leur impact négatif sur l’environnement, nos consœurs Inès Léraud et Morgan Large ont été victimes de méthodes dignes de la mafia : appels anonymes, menaces de mort, effractions et dégradation de biens. Le message est clair : n’enquêtez pas sur nous.

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Vers une démocratie sanitaire ?

L’auteur exhorte chacun de nous à se remettre à cuisiner. Avec une moyenne de six heures de temps libre par jour, dont beaucoup passé devant un écran, le manque de temps libre n’est plus une excuse. Pour faire nos courses en étant bien informés, les applications smartphone Yuka, Siga ou Open food facts restent des valeurs sûres. Côté réglementation, Christophe Brusset n’y va pas de main morte : il propose ni plus ni moins d’appliquer à la malbouffe les mêmes règles que pour le tabac : mentions « nuit à votre santé » sur les emballages, interdiction d’en faire la publicité et toute communication envers les enfants ; ces taxes pourraient être reversées au développement des produits sains. Pour lui, la santé de tous les citoyens devrait être la priorité. Il se joint au concept de démocratie alimentaire, avec la volonté que les citoyens reprennent le pouvoir sur l’agriculture et la chaîne d’approvisionnement, et qu’ils participent activement aux voies d’amélioration.

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Aller plus loin :

Christophe Brusset, La malbouffe contre-attaque, éd. Flammarion, 304 pages, 19,90 €

 


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