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Bisphénol A : à quand son abandon pur et simple ?

  • Le PBA est ithéoriquement interdit dans les contenants alimentaires depuis 2015Le PBA est ithéoriquement interdit dans les contenants alimentaires depuis 2015
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L’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) propose de revoir à la baisse, à nouveau, la dose journalière tolérable (DJT) de Bisphénol A (BPA) dans l’alimentation selon sa toute dernière évaluation, encore ouverte à la consultation publique. Une démarche louable mais qui pose la question de son interdiction pure et simple.

L’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a publié sa dernière réévaluation sur le Bisphénol A (BPA) et ses effets sur les organismes. Ce projet d’avis scientifique, conçu par le panel dédié aux contenants alimentaires, devrait être validé courant 2022 après avoir pris connaissance et intégré, ou pas, les commentaires du public. Ceux-ci peuvent être déposés avant le 22 février 2022 (1).

La dernière réévaluation de l’agence européenne de sécurité de l’alimentation, concernant le BPA, date de 2015 et avait fixé la dose journalière tolérable (DJT) temporaire à 4 microgrammes (µg) par kilo de poids corporel et par jour (kg.pc/jour). Le projet de janvier 2022 propose cette fois de revoir à 0,04 nanogramme (ng) cette DJT (0, 00004 µg), soit une division par 100 000.

Pour être traduite dans les règlements européens, la proposition actuelle de nouvelle dose journalière tolérable (DJT) devra être validée, après la fin de la consultation publique, par une décision de la Commission européenne et des États membres. Cet avis est certes technique mais « les citoyens, les ONGs et les groupes industriels y participent et y sont invités. Nous ne pouvons pas, bien entendu, les rendre publics avant la fin de la consultation et ils seront alors examinés par le groupe de travail ad hoc et pris ou non en compte pour établir l’avis final » note Edward Bray de l’Efsa.

Une si vieille histoire...

Pour mémoire la confirmation des effets délétères du BPA sur les reins et le foie avait conduit dès 2015 à diviser par 10 la DJT (en passant de 50 à 4µg), tandis que des impacts plus systémiques sur l’ensemble du système endocrinien (thyroïde, appareils sexuels, etc.) ont continué d’être soulignés par des multiples études depuis.

L’avis de 2015 de l’Efsa n’est pas sans rappeler les termes des arguments rassurants appliqués aux pesticides, dont le glyphosate : « Le BPA ne pose pas de risque pour la santé des consommateurs étant donné que l'exposition actuelle à cette substance chimique est trop faible pour engendrer des dommages ». Selon cet avis scientifique « le niveau de BPA auquel les consommateurs de tous âges sont réellement exposés à travers leur alimentation est de 3 à 5 fois inférieures au niveau d’exposition estimé comme « sans danger », connu sous le nom de dose journalière tolérable (DJT) ».

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Il faut rappeler que l’histoire du Bisphénol A (BPA), et plus largement des perturbateurs endocriniens (PE) et autres polluants, est maintenant très ancienne. Lors de la conférence ministérielle sur l’environnement et la santé de l’OMS à Londres en 1999 (2), le sujet des PE était déjà largement présent, notamment à la suite des travaux de Krichnan et de ses collègues de l’école médicale de Stanford. En 1993, ces spécialistes rapportaient déjà la migration du BPA des tubes de laboratoire en polycarbonate dans les contenus liquides (3).

Entre les années 1990 et 2000, un nombre de recherches important avait conduit l’Efsa, en 2002 puis en 2006, à réévaluer déjà la sécurité de ce composant estimé problématique, et retrouvé dans nombre d’aliments ; surtout dans ceux des bébés nourris avec des biberons en polycarbonate (3) fabriqués grâce à la polymérisation du BPA. Certes, cette substance a des propriétés utiles pour industriels comme consommateurs (incassable, rigide, transparent, etc.), mais son instabilité fait qu’elle peut migrer facilement du contenant vers l’air, les eaux, les aliments, les boissons et donc, in fine, vers l’organisme humain…Si sa présence est aujourd’hui interdite dans les biberons européens (2011) ou les conditionnements et ustentiles destinés à rentrer en contact avec les denrées alimentaires (2015), la substitution de ce polluant par d’autres substances parfois mal évaluées (notamment d’autres bisphénols) ou toute aussi préoccupantes soulève bien des questions.

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La stratégie des petits pas…

Cette série d’évaluations, de réévaluations, et de revues à la baisse continuelles des DJT en soulève une autre, de taille : est-il réellement possible de fixer des doses sûres d’exposition à ce perturbateur endocrinien ? Certains pensent que non et s’impatientent devant tant d’atermoiements et de lenteur à évaluer et légiférer. Natacha Cingotti, responsable du programme santé et substances chimiques pour l’ONG « HEAL » (env-health.org), qui coordonne des associations européennes sur cette thématique, « les effets du BPA sont connus depuis si longtemps ! Et cette nouvelle évaluation arrive tardivement. La lenteur de l’Efsa à intégrer les données scientifiques reflète peut-être la lenteur des gouvernements à agir sur les conclusions scientifiques. Il s’agit pourtant d’une agence indépendante », explique-t-elle.

Reste qu’une telle lenteur pour parvenir à des doses si infimes après tant de décennies, interroge sur le futur des évaluations dès lors qu’il s’agira de mélange (ou effet dit « cocktail ») de composés problématiques notoirement difficiles à évaluer. Au fond pourquoi ne pas tout simplement bannir cette substance ?

Références :

(1) La réévaluation est en cours de consultation publique jusqu’au 22 février 2022 à l’adresse suivante

(2) D. Gee « Children in their environment : vulnerable, valuable and at risk » WHO, Ministerial conference environnement and health, Londres 18-19 juin 1999, EEA Copenhague 1999.

(3)Krichnan et al. « An estrogenic substance is released from polycarbonate flask during autoclaving », 1993 Endocrinology 132 : 2279-2286

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé


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