Pour consulter le site sans publicités inscrivez-vous

Un nouveau regard sur l’arthrose (II)

  • L’arthrose résulte d’inflammations légères chroniques de bas grade.L’arthrose résulte d’inflammations légères chroniques de bas grade.
Article paru dans le journal nº 87
Os

Maladie inévitable liée à l’usure des articulations, liée à la vieillesse. C’est ce que l’on entend encore de nos jours. Mais dans quelle mesure ce paradigme est-il toujours d’actualité ? Et si le regard de la médecine change, quelles en seront les conséquences en termes de nouvelles pistes thérapeutiques ? Enfin, quelles sont celles qui sont proposées par la médecine alternative ? (partie II)

Le regard sur l’arthrose est en train ­d’évoluer. On souffrirait d’arthrose lorsque le cartilage de l’articulation s’use, frotte et s’abrase en raison d’une sursollicitation ou d’une ­sollicitation mécanique inadaptée. On considère ainsi que l’usure du cartilage entraîne la prolifération et la déformation du tissu osseux, l’inflammation de l’articulation et le développement des douleurs liées à l’arthrose.

Certes, les signes d’usure sur les articulations sont indéniables. Certes, les preuves d’usure par frottement du ­cartilage existent. Certes, les traces d’abrasion du cartilage sont visibles. Mais cette théorie de l’usure tend à n’expliquer que de façon trop simple la formation et les caractéristiques de l’arthrose, en comparant souvent le cartilage a une sorte de pièce mécanique. Mais le corps humain n’est pas mécanique mais biologique. En réduisant l'arthrose à une mécanique grossière, les partisans de cette théorie simplifient les choses et manquent ­d’explications à apporter aux patients.

Une maladie à part entière

La science avance… lentement… mais elle avance. Pour elle, l’arthrose n’est plus seulement une usure du cartilage, mais une véritable maladie. Contrairement aux idées reçues, l’arthrose ne répond pas au seul phénomène d’usure du tissu cartilagineux lié à l’âge, mais à une modification de l’équilibre cellulaire. Si une usure suit une logique linéaire, l’arthrose présente des évolutions changeantes et imprévisibles, évoluant d’une manière différente d’un individu à l’autre.

Dans son étude de 2016, De l’arthrose aux arthroses, le rhumatologue Jérémie Sellam affirme que « d’une maladie “d’usure” […] nous sommes passés à une maladie dégénérative multi­tissulaire, mettant en jeu des mécanismes cellulaires, ­enzymatiques et inflammatoires complexes. »

On a eu trop tendance à comparer le corps humain à une machine en oubliant qu’il est avant tout un système biologique dont les tissus sont capable de se renouveler. Lorsque les circonstances le permettent, le cartilage atteint par l’arthrose peut se régénérer.

En outre, à trop comparer l’homme à la machine, on réduit la fine couche cartilagineuse à une simple pièce d’usure alors qu’elle est avant tout un chef-d’œuvre. Le cartilage est à la fois rigide, élastique et quasiment sans frottement, qualités qu’aucun matériau industriel ne réussit à réunir. À titre d'exemple, le coefficient de frottement cartilage sur cartilage n’est que de 0,02 à 0,002, soit une valeur extrêmement faible par rapport aux coefficients de frottement des métaux (acier sur acier 0,6, laiton sur acier 0,3, etc.). On explique cette absence de frottement par le fait que le liquide articulaire (la synovie) lubrifie le cartilage. Pourtant, une ­nouvelle explication, reposant sur la teneur en eau du ­cartilage, émerge. D’après elle, la surface du cartilage est littéralement gorgée d’eau. La sollicitation de l’articulation repousse l’eau du cartilage, formant ainsi un film liquide sur lequel les deux surfaces cartilagineuses glissent sans se toucher.

Lire aussi Une nouvelle forme de glucosamine contre l'usure des cartilages

Un drame en trois actes

En cas d’arthrose, que se passe-t-il au niveau ­cellulaire et moléculaire ? Les conceptions modernes envisagent d’une part des processus ­destructeurs et d’autre part des processus productifs. Tout d’abord, la matrice cartilagineuse – composée d’eau et d’un réseau de macromolécules dont le collagène – se brise et endommage le réseau de collagène. Les cellules cartilagineuses (chondrocytes) réagissent à ces dommages avec une production de matrice et de collagène. Ce deuxième stade s’étale sur plusieurs années. Les cellules cartilagineuses prolifèrent dans la confusion et forment des amas cellulaires. Dans le même temps, le réseau de collagène est déstabilisé. Enfin, les cellules cartilagineuses lâchent. Le tissu cartilagineux diminue et disparaît, avec des réactions en conséquence dans les os qui se trouvent en dessous.

Ce que la théorie classique réduit à un simple phénomène d’usure se révèle au niveau cellulaire comme un mécanisme complexe dans lequel les processus dégénératifs prennent le dessus sur les processus régénératifs, avec la perte des tissus ­cartilagineux comme conséquence.

Détecter l’inflammation de bas grade

 

Parmi les nouveaux regards portés sur l’arthrose, les chercheurs ont questionné les poussées ­inflammatoires de la maladie articulaire. Comme on ­s’interroge de savoir qui de l’œuf ou de la poule est apparu en premier, les scientifiques pensent que l’arthrose résulte au départ, d’inflammations légères chroniques de bas grade. L’arthrose aurait donc une base inflammatoire (inflammatory ­underpinnings).

Cet état inflammatoire de bas grade, silencieux, est bien connu. Il est une réponse du système immunitaire inné – avec pour principal soldat, les cytokines –, aux agressions quotidiennes que subit le métabolisme. Réaction normale quand il s’agit de défendre l’organisme, elle devient particulièrement dangereuse quand elle atteint le stade chronique, car en étant silencieuse, asymptomatique, l’inflammation de bas grade fait le lit de très nombreuses maladies chroniques, dont l’arthrose.

Les marqueurs de l’inflammation en général comprennent le plus souvent la protéine C réactive (CRP). Un deuxième marqueur est le dosage des cytokines inflammatoires comme le TNF alpha, l’interleukine 1 béta et surtout l’interleukine 6. Sur le plan nutritionnel, le rapport oméga-6/oméga-3 donne une bonne appréciation sur notre capacité à gérer l’inflammation. Son rapport devrait être en dessous de 4 alors qu’il se situe dans notre modèle alimentaire occidental, souvent entre 15 et 20.

Lire aussi Douleurs articulaires : réduire l’usure et l’inflammation

Il s’agit donc d’un nouveau paradigme… pour la science. En effet, la médecine a toujours tendance à envisager l’arthrose comme une maladie mécanique, d’usure, et elle n’est pas considérée comme une affection rhumatismale inflammatoire. Quant aux inflammations de l’arthrose, elles sont ­perçues comme la conséquence de la dégradation du cartilage, à l’instar de la synovite qui intervient fréquemment.

Alors rendons à César ce qui est à César. Car si ce raisonnement est nouveau pour les ­chercheurs, cela fait bien longtemps que les médecines ­traditionnelles affirment que les ­processus inflammatoires sont à l’origine de l’arthrose. La médecine traditionnelle chinoise (MTC), par exemple, affirme qu’il n’existe pas de maladie pour laquelle le ­système immunitaire n’a pas commis d’erreur. C’est certes le cas des maladies inflammatoires, mais aussi de manière générale, et l’arthrose découle pour la médecine traditionnelle chinoise de mécanismes immunitaires. En ostéopathie, ­l’inflammation de bas grade est considérée comme une « tueuse de l’ombre » favorisant la ­dégénérescence des cellules et des tissus comme ici les articulations.

Vieux ? Et alors ?

Dans sa thèse Perception et prise en charge de ­l’arthrose, le Dr Agarbi a suivi et interrogé de ­nombreux médecins de ville. Unanimement, ils voient l’arthrose comme une maladie intimement liée à l’âge, comme un phénomène inéluctable.

Il est admis que l’arthrose primaire est de toute ­évidence une maladie associée à l’âge. Mais ­« associée » ne signifie pas pour autant qu’elle est « causée » par l’âge. Si ce problème de santé survient avec l’âge, il n’implique pas pour autant qu’il ­apparaît en raison de l’âge.

Si l’on s’appuie sur les connaissances actuelles, on ne peut que constater une simultanéité entre l’âge des patients et l’arthrose et non une relation de cause à effet indiscutable. Ce n’est pas une règle et encore moins une fatalité. Car, outre le fait que l’arthrose peut frapper de jeunes patients, rappelons que, même à un âge avancé, le cartilage articulaire peut conserver sa forme stable et résister à d’importantes charges de pression et de traction.

Ce qui est une évidence, c’est qu’avec l’âge, le nombre de cellules cartilagineuses – les ­chondrocytes, donc – baisse au cours de la vie, que leur métabolisme diminue. Oui, avec l’âge, les chondrocytes deviennent moins sensibles aux facteurs de croissance et produisent des protéoglycanes plus petits. Les protéoglycanes sont des protéines assurant la liaison chimique et mécanique de l’eau. La conséquence, c’est que la teneur en eau du cartilage articulaire diminue tandis que la concentration des déchets métaboliques augmente. Il s’agit toutefois là de vieillissement ­normaux et qui n’ont rien à voir avec l’arthrose.

Des liens sans évidence

Maladie complexe, l’arthrose n’est pas un élément du processus de vieillissement normal, elle n’est pas à compter dans ce processus au même titre que les rides du visage et l’âge ne provoque ni ne déclenche l’arthrose.

La recherche permet de dépasser le fatalisme des théories classiques faisant de l’arthrose une maladie inéluctable et de l’usure des articulations un fatalité. Alors, même avec l’âge, il est judicieux de se prémunir de l’arthrose par une hygiène de vie saine, une activité physique régulière et une alimentation riche en nutriments.

Deux types d’arthrose

La rhumatologie distingue deux types d’arthrose. L’arthrose primaire et secondaire. L’arthrose primaire n’a pas de cause identifiable. Elle touche les personnes de plus de 40 ans et davantage les femmes. Ce qui amène à suspecter une composante génétique et hormonale. Les arthroses secondaires s’observent après certains accidents, après des opérations ou encore dans le cadre de maladies du métabolisme comme l’hémochromatose (accumulation de fer dans l’organisme). D’autres maladies, comme la polyarthrite rhumatoïde, peuvent provoquer de l’arthrose, puisqu’il s’agit d’inflammations chroniques qui finissent par ronger le cartilage.

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé