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Addictions : c'est décidé j'arrête !
Le début de l’année est une période propice aux bonnes résolutions. Mais quand on est accro, à la cigarette, à des drogues plus dures, ou à des comportements compulsifs, c’est rarement suffisant. La dépendance est un phénomène complexe. Pour y mettre un terme, il ne faut pas tout miser sur des substituts médicamenteux.
Que ce soit arrêter de fumer, de boire, de grignoter, de prendre des somnifères (et a fortiori des drogues au sens courant du terme), de jouer de l’argent, de faire du sport à outrance, de collectionner les timbres-poste ou les expériences amoureuses, le problème est le même. On est dépendant, accro psychologiquement et parfois physiquement, tellement accro qu’on ne peut pas décrocher.
Quel que soit le produit utilisé ou le comportement mis en œuvre, on est de moins en moins maître de soi. Un problème non seulement pour soi (certaines substances ont une toxicité propre au point d’amputer sérieusement le capital santé, et de façon générale on perd en sommeil et en attention, et on s’expose dès lors à commettre plus d’erreurs au travail et à la conduite de son véhicule), mais aussi pour son environnement qui souffre (sentiment d’impuissance, de ne compter pour rien, quand ce n’est pas la maltraitance) et qui s’épuise à tendre une main secourable, jamais saisie avec suffisamment de fermeté.
Même s’il existe plusieurs termes scientifiques – addiction, assuétude, dépendance –, chacun avec son approche spécifique, on est globalement confronté au même problème, lié à un autre concept, celui de l’accoutumance. Il s’agit d’accepter de plus en plus facilement une substance qu’on sait nocive. L’accoutumance précédant la dépendance.
Une longue liste de drogues
Le mot drogue recouvre donc une réalité très large : il s’agit de toute substance, toute activité ou toute relation capable d’altérer de façon durable et quasi irréductible, le comportement d’un individu. Ainsi de nombreuses conduites apparaissent-elles nocives dès qu’elles nous asservissent, dès qu’elles nous privent de la satisfaction de notre besoin légitime de plein épanouissement. Ainsi, après les classiques et connus tabac, alcool, et les drogues illégales (cannabis, cocaïne, etc.) apparaissent comme de véritables dépendances, le grignotage et a contrario l’anorexie, les médicaments de type anxiolytiques et somnifères, la télévision, le chat sur internet, au téléphone, les jeux, et notamment les jeux d’argent, les collections, le sexe, etc.
Comment la dépendance se met en place
Le phénomène de la dépendance a été bien étudié pour les drogues dures, mais ce processus reste valable quelle que soit la dépendance. Il se caractérise par un changement du mode de fonctionnement du système nerveux central (SNC). Celui-ci est composé de deux grands réseaux en étroite relation l’un avec l’autre. L’un traite les entrées sensorielles, les véhicule jusqu’aux régions corticales concernées, enfin les « traduit » en données psychiques ou/et comportementales. L’autre sélectionne parmi la grande variété de réponses comportementales celle qui est la plus adaptée à la situation de l’instant.
L’usage de drogue a pour effet de découpler les deux systèmes, de sorte que les neuromédiateurs (noradrénaline, sérotonine, dopamine…) qui sont programmés pour se réguler mutuellement ne le peuvent plus… C’est ainsi que se met en place la primauté du circuit de la récompense par libération de dopamine, et ce, quelle que soit la drogue utilisée.
Devenue dépendante, la personne recherche désormais toutes les sources potentielles de satisfaction (nourriture, sexe, chaleur, etc.). La gravité de la prise de substances addictives vient du fait que le découplage peut s’installer non seulement pour des doses minimes et après un nombre limité de prises, mais surtout parce que la dépendance qu’elle entraîne dure au moins plusieurs semaines – parfois plusieurs mois, voire années – après l’arrêt de la prise de la drogue… C’est dire que, dans la très grande majorité des cas, le désir d’arrêter, aussi sincère soit-il, a du mal à passer l’étape du « voeu pieux ».
Les cinq phases de l'addiction
Un seul pas dans l’engrenage peut être fatal comme de toucher la toile de l’araignée rend l’insecte incapable de s’en détacher. C’est pourquoi il est important de connaître les phases qui conduisent à l’addiction vraie.
L’induction
Une substance ou un comportement sont ressentis comme source de plaisir sensoriel. On se sent subitement bien ou mieux. On enregistre cette sensation de satisfaction sensorielle et on la rattache à l’usage de cette substance ou à la pratique de ce comportement.
L’apprentissage
On intègre de façon consciente mais non rationnelle les effets désirables et indésirables. Le désirable est de l’ordre du sensoriel : relâchement, mieux-être, euphorie, hallucinations, sentiment de puissance…
L’indésirable relève quant à lui de manifestations physiques telles que malaise, céphalée, épigastralgies et/ou de pensées dérangeantes comme danger, morale.
La mise en place
Le pouvoir amnésique des effets désirables incite à répéter sa démarche de recherche de bien-être ou mieux être. Cela dépend en fait de la conjugaison de deux facteurs :
L’intensité respective des effets désirables et indésirables : plus les effets indésirables seront intenses ou durables, moins on sera tenté de recommencer l’expérience, le prix à payer pour connaître le mieux-être est trop élevé.
La longueur de l’intervalle entre le stimulus (substance ou comportement) et l’apparition de ses différents effets : si l’effet désirable survient de façon rapide et que les effets indésirables soient tardifs, on aura plus tendance à ne retenir que l’effet désirable, minimisant l’importance des effets indésirables.
La phase de lutte
On est conscient de sa dépendance et on cherche à retrouver sa liberté, mais à force d’échouer, on devient de plus en plus nerveux face à un sentiment grandissant d’impuissance. Afin d’apaiser quelque peu l’angoisse, on cède de plus en plus facilement. Le cercle vicieux est désormais en place.
La phase d’acceptation
On n’est plus capable de lutter. On en vient même à s’opposer au soutien que veulent apporter proches et soignants. On est en pleine « phase d’amour », du moins de consentement.
Reconnaître la dépendance
Pourvu qu’on soit suffisamment sincère avec soi-même, plusieurs signes assez faciles à identifier permettent l’autodiagnostic.
L’obligation comportementale
À une consommation imprévisible et fluctuante, « normale », se substitue une prise obligatoire et régulière. À la notion de plaisir de consommer une substance à l’occasion d’une fête ou d’une rencontre avec des amis, se substitue celle de besoin incontrôlable et de contrainte. Ainsi, le comportement familial et social en vient-il à être plus ou moins gravement perturbé, au point, dans les formes sévères, que toute l’activité de l’individu soit focalisée sur et ordonnée autour de cette contrainte comportementale.
La perte de contrôle
Toute confrontation à l’objet de la dépendance déclenche immédiatement une soumission sans réserve à celui-ci du fait de l’excitation et de l’euphorie que cet objet induit. Le plaisir supposé anéantit toute capacité de raisonnement et, par-là, de contrôle.
Le désir obsédant
Le souvenir exaltant ou/et la sensation d’échapper à la grisaille de la vie quotidienne connu au cours des premières expériences avec le produit addictogène incitent à retrouver le vécu de ces instants. Ainsi, à chaque nouvelle consommation, il y a une intensification du refus de la réalité, un éloignement de plus en plus grand et de plus en plus dramatique avec la vie réelle. La fiction prime sur l’authenticité.
La peur du sevrage
Penser à s’arrêter (« Il le faut, ce serait pour ma santé, pour mes finances, ma femme serait contente ! etc. ») induit un malaise et une sensation de manque qui conduit à renforcer la dépendance de façon inconsciente.
L’étude des conduites addictives révèle une grande similitude de mécanismes d’évitement de la souffrance psychologique. Bien que la rapidité d’installation, la sévérité et le processus évolutif de la dépendance diffèrent d’une drogue à l’autre, les conséquences cliniques à long terme sont pourtant les mêmes : altération de l’estime de soi (par dégoût grandissant face à l’accumulation de ses propres échecs) et détérioration du lien aux autres (avec la difficulté croissante à supporter leurs regards). L’anxiété de fond fait place à l’angoisse, l’humeur décline et se fait dépressive. Seul le recours à la drogue produit un effet apaisant – de moins en moins intense et de plus en plus bref.
Bien qu’on ait plus ou moins conscience du cercle vicieux, l’orgueil blessé empêche qu’on accepte avec l’humilité nécessaire, son incapacité à réagir de façon salutaire.
Seule la connaissance du mécanisme de la mise en place de la dépendance peut faire prendre conscience de la situation : plus le découplage entre les deux systèmes nerveux autonomes s’accroît, plus le système de récompense se fait tyrannique… moins on est capable de volonté. Pour sortir de la dépendance, il faut d’une façon ou d’une autre être aidé.
Dépendance et compulsion,
même combat ?
Les addictions sont-elles une expression extrême de troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ? Selon certains psychologues ce n’est pas possible car la dépendance répondrait à un appel de l’organisme parce que celui-ci est « habitué à absorber une substance toxique ». Alcool, tabac, médicaments, drogues seraient donc les seules substances concernées par le terme de dépendance. La compulsion, quant à elle, ne servirait « pas à rétablir un équilibre, mais à aller chercher une satisfaction ». Dans cette catégorie rentrerait ainsi la compulsion aux jeux, à l’ordinateur, au chat des heures durant sur internet.
Ce point de vue nous semble erroné, pour plusieurs raisons :
- La dépendance est réduite à sa composante physique alors qu’il est établi que celle-ci n’apparaît qu’après la dépendance psychique.
- Le déclencheur est toujours la non-satisfaction d’un besoin essentiel, existentiel.
- Les personnes qui souffrent de TOC reconnaissent qu’elles ne peuvent s’en débarrasser seules.« C’est plus fort que moi », disent-elles.
Le cas du cannabis
Le principe actif de la marijuana (feuilles et fleurs du chanvre) ou du haschisch (résine) est le tétrahydrocannabinol (THC).
Les nombreuses fonctions perturbées par le cannabis sont toutes liées à la stimulation des récepteurs CB1. Toutefois, selon les origines génétiques de chacun, la sensibilité de chaque personne au THC peut être très différente.
Le cannabis a un effet psychotrope. Il produit rapidement euphorie, relaxation, facilitation du rire et désinhibition dans les contacts sociaux.
En cas d’usage sur le long terme, les dangers sont :
- Avant tout, respiratoires : En comparaison avec la fumée de tabac, celle du cannabis génère plus de goudrons et de monoxyde de carbone (entre 6 et 7 fois plus). Le risque de cancer des bronches est multiplié par 5,7 chez toute personne ayant fumé quotidiennement un joint pendant 10 ans.
- Troubles cardiovasculaires : le THC peut provoquer une vasoconstriction importante, d’où le risque d’artérite, d’accidents vasculaires cérébraux, d’infarctus.
- Risque de dépendance : aussi bien psychologique que physique, ce risque concerne 10 % des usagers et se révèle un facteur possible du passage à la cocaïne ou à l’héroïne. Ce risque est aggravé en cas d’antécédents familiaux d’addiction, de comorbidités psychiatriques, ou d’instabilité émotionnelle pendant l’enfance.
- Troubles cognitifs : ils sont réels quand la consommation est élevée et continue : atteinte de la mémoire, difficulté à fixer son attention, troubles de l’organisation, idées de persécution. Selon une étude australienne, les fumeurs de 5 joints quotidiens depuis plus de 10 ans avaient un niveau de dégradation mentale qui les plaçait juste au-dessous du seuil diagnostic de la psychose ! On constate souvent une altération de l’humeur.
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La Tabacologie. Aspects théoriques, cliniques, et expérimentaux, de Farzam Ghaemmaghami (éd. EDP Sciences)
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