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Addictions : sophrologie ou psychotropes ?

  • C’est une pratique enfermante car impossible à contrôler, en dépit des conséquences néfastes pour la santé, la vie familiale, professionnelle ou sociale. Mais, la sophrologie peut nous accompagner dans la déprise.C’est une pratique enfermante car impossible à contrôler, en dépit des conséquences néfastes pour la santé, la vie familiale, professionnelle ou sociale. Mais, la sophrologie peut nous accompagner dans la déprise.
Article paru dans le journal nº 52

Méthode psychocorporelle visant à stimuler les ressources internes de la personne en associant techniques de respiration, de relaxation et de pensée positive, la sophrologie se révèle utile dans le traitement des addictions. Seule, ou plus souvent en complément d’autres approches, elle peut amener, en douceur, à gagner en bien-être, tout en se déprogrammant de ses comportements compulsifs.

Créée en 1960 à Madrid par le neuro­psychiatre colombien d'origine basque Alfonso Caycedo, la sophrologie est une méthode thérapeutique psychocorporelle et de développement personnel. La sophrologie repose sur différentes techniques de respiration, de relaxation, de visualisation, d’éveil aux sens et de pensée positive, entre autres, inspirées par des pratiques orientales de méditation bouddhique, de zen et de yoga adaptées au monde occidental.

Fondée sur le vécu et l’histoire de la personne, la sophrologie vise à amener le patient à plus de conscience afin d’atteindre un état harmonieux. « Même si elle revêt une dimension psychothérapeutique, la sophrologie diffère de la thérapie par la parole car elle œuvre à plusieurs niveaux : corps, cœur, esprit. L’appropriation ou réappropriation du schéma corporel en constitue le socle de base. Le corps est le point de départ, car il porte en lui une mémoire cellulaire, organique, tissulaire, osseuse et au niveau de la peau, qui est l’organe sensoriel par excellence », précise Marie Bos, sophrologue à Paris.

Un allié précieux contre les polyaddictions

Très utilisée à l’origine en gestion de la douleur, notamment en gynéco-obstétrique lors des accouchements, et dans le sport de haut niveau pour améliorer les performances, la sophrologie s’est rapidement étendue à d’autres domaines comme les soins palliatifs, les soins de support en cancérologie, la gestion du stress, l’accompagnement des troubles du sommeil, de l’humeur, l’hyperactivité… Ou encore la prise en charge des addictions, lesquelles, en constante progression, se complexifient avec l’émergence de « polyaddictions » superposant plusieurs comportements compulsifs avec ou sans substances.

Qu'est ce qu'on définit, au juste, comme une addiction ? Que ce soit une addiction avec prise de substance psychoactive, comme l’alcool, le tabac, le cannabis, ou bien portant sur une conduite excessive envers la nourriture, internet, le jeu, l’information, le sexe ou encore le travail, elles ont en commun une notion de dépendance et d'esclavage (étymologiquement, le terme addiction vient du latin ad dictus, qui suggère la notion d’esclavage). C’est une pratique enfermante car impossible à contrôler, en dépit des conséquences néfastes pour la santé, la vie familiale, professionnelle ou sociale. Procurant un plaisir immédiat, elle entraîne un manque, et demande à être sans cesse renouvelée pour l’assouvir sous peine de souffrances physiques et/ou psychiques. Par nature handicapante et envahissante, l’addiction s’inscrit souvent dans un contexte sous-jacent de dépression, et comme dans tout mécanisme psychologique complexe, s’y mêlent une dimension biologique et une autre liée à l’histoire personnelle. Comment, dans ce contexte, la sophrologie peut-elle nous accompagner à la "déprise" ?

« La sophrologie peut se révéler précieuse dans la prise en charge des addictions, le plus souvent en complément d’autres approches psychothérapeutiques ou médicamenteuses. Elle va permettre de sortir de l’enfermement de la dépendance pour y mettre plus de distance, d’espace et de recul. Si l’on peut venir en première intention consulter un sophrologue pour cette demande, il n’est pas rare cependant que cette envie apparaisse plus tard, après avoir commencé à travailler sur une autre problématique, de stress, par exemple », précise la thérapeute.

Dans l’accompagnement des addictions comme dans les autres troubles, l’accompagnement sophrologique repose sur une « alliance » entre le thérapeute et le patient, les deux étant co-créateurs de chaque séance. Au contraire de l’hypnose, dont la sophrologie est proche par certains aspects, le thérapeute veille ainsi à ne pas être trop directif, et le patient est invité à être pleinement actif. Après un temps d’échange en début de séance, et avant le dialogue « post-sophronique » final visant à recueillir les sensations du patient, la personne est amenée à un niveau de conscience « sophroliminal ». Se situant entre la vigilance et le sommeil, et correspondant à l’état traversé lors du réveil matinal ou à l’endormissement, sa profondeur varie selon la plus ou moins grande capacité de chacun à lâcher prise. C’est alors le moment de la pratique : le sophrologue invite le patient à réaliser plusieurs exercices, choisis en fonction de sa problématique. « Dans les cas d’addiction, la personne peut être amenée à vivre sous forme de visualisation intérieure une situation de comportement compulsif. L’idée est alors de l’amener à se défaire de ses schémas inadaptés, voire dangereux en induisant, en accord avec elle, ce que nous appelons une “sophro-substitution”, c’est-à-dire un autre comportement, sain et positif celui-là. L’attention du patient est alors déplacée vers une source de plaisir qui fait sens pour lui, parfois oubliée. Une personne que je suivais et qui souffrait de compulsions alimentaires, a pu par exemple parvenir à se mettre à dessiner – ce qu’elle adorait faire enfant –, au moment où elle ressentait l’envie de s’adonner à ses pratiques addictives », explique Marie Bos.

Une réelle efficacité…

Centraux, ces exercices s’accompagnent de pratiques de respiration et de relaxation induisant un état de bien-être, et permettant à la personne de se détendre et de mieux gérer ses émotions. Si elle le souhaite, celle-ci peut utiliser ces ressources en dehors des consultations afin de se les approprier, ce qui lui permet peu à peu de s’autonomiser dans la prise en charge de sa dépendance. « La sophrologie va amener la personne addictive, qui était enfermée dans sa dépendance, à trouver d’autres sources de plaisir, à ouvrir son regard sur elle-même, les autres, le monde. C’est un vrai travail de conscience, qui permet un accordage physique, mental et émotionnel, qui passe par un éveil au corps et aux émotions qui surgissent à travers lui, jusque-là enfouies. Or, l’addiction, très souvent le produit ou l’objet de la dépendance, est là justement pour éviter à la personne de s’exposer à l’émotion perturbante ou au vide. Ce travail, fait de prises de conscience successives, va au final lui redonner estime de soi et confiance dans ses capacités physiques et mentales », poursuit la thérapeute.

Ayant fait l’objet de très peu d’études, et en particulier concernant la prise en charge des addictions, une recherche menée à Sofrocay (l’Académie internationale de sophrologie caycédienne), présentée en 2015 au Congrès mondial de sophrologie, suggère cependant une réelle efficacité dans la gestion du stress personnel et professionnel. Le mode d’action « thérapeutique » de la sophrologie est probablement à rapprocher de celui des techniques de pleine conscience d’attention sensorielle au corps et à l’instant présent. Éclairées depuis plusieurs années par les neurosciences, elles sont capables de modifier la structure même du cerveau, lui permettant en quelque sorte de se « reconfigurer ». L’on observe ainsi qu’une pratique régulière de la méditation, dont les pratiques sophroniques sont directement issues, réduit la taille de l’amygdale, région impliquée dans le déclenchement de la peur et l’anxiété, tout en augmentant la quantité de matière grise. L’on observe aussi un impact au niveau biochimique, le taux de cortisol, l’hormone du stress, baissant dans l’organisme.

… à tous les stades de la dépendance

Précieuse dans la prise en charge des addictions, la sophrologie peut intervenir à tous les stades de la dépendance. Avant, elle prépare la personne, consciente des méfaits de son comportement addictif mais pas encore prête à se lancer ; pendant – et une fois la motivation trouvée –, elle accompagne le sevrage grâce aux exercices de pratique sophronique ; après, elle consolide l’arrêt, en gérant les éventuelles rechutes, ainsi que les sentiments de honte et la culpabilité qui peuvent les accompagner. « Il est difficile de dire combien de séances de sophrologie sont nécessaires pour parvenir à se défaire d’une addiction. Cela peut aller d’une douzaine de séances minimum à plusieurs mois, voire plusieurs années. La durée de la prise en charge dépend entièrement de l’histoire du patient, de l’ancienneté de sa pratique, de sa gravité, de ce qui la sous-tend, de son accompagnement en parallèle pour s’arrêter, mais aussi de son degré de résistance au changement. On n’en a pas toujours conscience, mais se défaire d’une addiction suppose d’en accepter les conséquences sur son mode de vie, son cercle d’amis. Dans tous les cas, la motivation est cruciale. Une jeune femme, suivie en parallèle par un psychiatre qui me l’avait adressée pour un problème d’alcool, est parvenue en six mois à arrêter. Elle venait de rencontrer quelqu’un, voulait se marier et avoir un enfant. Sa volonté de s’en sortir était maximale », explique Marie Bos.

Pas de sophrologie baguette magique, donc, pour se défaire d’une dépendance, mais un vrai atout à ajouter à la panoplie des interventions anti-addiction. Son approche pragmatique en constitue la force principale, permettant à travers les exercices pratiques de mieux ressentir son corps et de redécouvrir des sens qui ont pu être altérés, comme l’odorat et le goût dans le tabagisme. Elle aide aussi à apaiser le stress sous-jacent à la conduite addictive grâce à la conscience respiratoire, à gérer ses émotions et frustrations, à identifier ses besoins, et ce, tout en restant à l’écoute de la souffrance qui s’exprime par le biais de la dépendance.

Mais elle constitue aussi potentiellement une ouverture de conscience beaucoup plus grande, comme l’explique Marie Bos : « En permettant à la personne addictive de se connecter à d’autres centres d’intérêt et en instaurant de nouveaux schémas positifs la mettant en mouvement dans sa vie, la sophrologie amène la personne à s’interroger sur ses valeurs profondes, c’est-à-dire à ce qui est vraiment important pour elle. Confrontée à ses valeurs existentielles, elle découvre de nouvelles ressources et de nouveaux potentiels de satisfaction, de joie, de plaisir. »

En pratique : Une séance de sophrologie dure de 45 minutes à 1 heure, et coûte entre 40 et 80 euros. Au début d’une prise en charge pour une addiction, des séances rapprochées hebdomadaires sont souvent nécessaires. Pour trouver un sophrologue, rendez-vous sur www.1001docteurs.com, plateforme sélectionnée par la chambre syndicale de sophrologie pour y publier son annuaire.

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé


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