Ne pas boire, c’est cool

Ceux qui ont connu Les maîtres du mystère – « films radiophoniques » diffusés sur France Inter de 1952 à 1974 – l’ont déjà remarqué. Dès lors qu’un des personnages est en panique, soit il se verse un verre, soit on lui en tend un. C’est systématique. « Charles, je viens de tuer Edmond », « Solange, je t’en prie, calme-toi ! Prends un whisky, ça va te faire du bien. »

2024, autres temps, autres mœurs. L’alcool a moins bonne presse, et il n’est plus honteux d’avouer publiquement que l’on ne boit pas. De très nombreuses personnalités publiques le revendiquent, comme Nicolas Sarkozy, Brad Pitt, François Cluzet, Anthony Hopkins, Bradley Cooper, Gad Elmaleh, Céline Dion, Jérémy Ferrari. Même Jacques Dutronc, qui disait en 1991 chez Ardisson avoir « bu en vingt-sept ans ce qu’un homme normal mettrait trois siècles à boire », annonce en 2022 avoir remplacé le whisky par de la chicorée bio.

Autre fait marquant, on constate que de très nombreux artistes cessent de boire de plus en plus jeunes. C’est le cas de l’acteur Daniel Radcliffe qui a incarné le personnage de Harry Potter, de Tobey Maguire qui s’est glissé dans le collant rouge et bleu de Spider-Man ou, en France, des humoristes Felix Dhjan, Doully, ou encore Artus, le réalisateur d’Un p’tit truc en plus.

De fait, les abstèmes (c’est le nom de ceux qui ne boivent plus) ne sont plus tant montrés du doigt. Madame Figaro titrait en 2022, « Alcool : quand la sobriété devient cool. » C’est aussi ce qu’explique la journaliste Molly Priddy dans son article « Comment arrêter de boire m’a enfin rendue cool », paru dans Vice en 2019. Elle écrit : « En étant sobre, je me suis rendu compte que la conscience de mes imperfections ne faisait pas fuir les autres. En fait, c’était plutôt le contraire  : ça aidait les gens à se sentir à l’aise avec moi, à construire une relation de confiance. Quand on est prêt à se regarder en face, il y a de bonnes chances qu’on puisse le faire avec les autres. »

Et la reporter Claire Touzard va même plus loin. Dans son livre Sans alcool, pointant du doigt le fait que les gens sont toujours prêts à excuser l’ivresse et à reprocher la sobriété, elle affirme qu’« être sobre est bien plus subversif qu’on ne le pense ».

« Cool », « subversif »… Oui, les temps changent. Nombreux sont ceux qui réalisent que l’alcool est l’opium d’un peuple qui en a marre de s’abêtir pour consommer et pour obéir. Nombreux sont ceux qui semblent prêts à affronter leur vulnérabilité et la violence du quotidien, sans artifice et avec courage.