Soigner les maladies chroniques : une expérience innovante lancée en Suisse

Lieu unique en son genre, le centre de La Pierre blanche, a été inauguré en mai dernier à Estavayer-le-Lac, sur les bords du lac de Neuchâtel, en Suisse. Son pari : accompagner des personnes sur le chemin de la santé en les accueillant, pendant une semaine, dans un lieu qui prend en compte les paramètres les plus déterminants pour favoriser leur autoguérison. Médecins et thérapeutes de nombreuses disciplines (homéopathie, médecine traditionnelle chinoise, nutrition, art-thérapie…) y travaillent main dans la main de manière multidisciplinaire pour soigner, soulager ou prévenir les maladies chroniques chez les résidents.

Diabète, hypertension, douleurs articulaires, dépressions, problèmes cardio-vasculaires… les maladies chroniques et affections de longue durée – vieillissement de la population et dégradation de l’environnement aidant – explosent dans les pays développés. Elles y toucheraient aujourd’hui d’ores et déjà près d’un tiers des personnes. Alors que la plupart des maladies chroniques impliquent des changements de style de vie conséquents, avec un rôle actif du patient dans ces nouveaux choix de vie, la médecine allopathique s’avère aujourd’hui quelque peu démunie. D’un côté, elle peine à proposer des réponses autres que médicamenteuses, pour lesquelles il y a des problèmes maintenant connus d’observance des traitements, souvent considérés comme trop contraignants ou porteurs de trop d’effets indésirables. De l’autre, les messages préventifs que la médecine allopathique tente de plus en plus de distiller et qui n’atteignent pas vraiment leurs objectifs, faute d’accompagnement adapté de la personne.

Prévention, immersion, transmission

Face à cette situation, La Pierre blanche fait figure de lieu pilote dans sa philosophie du soin et sa conception de l’éducation à la santé. Le centre propose à ce jour sept programmes établis sur la semaine (homéopathie, médecine traditionnelle chinoise, santé de la femme, prévention, gestion du stress, équilibre, vivre en conscience) et deux programmes courts (découverte et détox). Nous avons eu le plaisir de passer quelques jours dans cet endroit et en sommes revenus convaincus. L’originalité du centre réside d’abord dans son approche immersive de la santé, avec un accueil résidentiel d’une semaine pour initier le changement, et la mise en place d’un suivi à 1 mois, 3 mois et 6 mois. Ceci afin d’ajuster les éventuels traitements et d’évaluer scientifiquement les progrès du patient.

« Il s’agit d’abord d’ avoir du temps pour et avec eux, au moment où partout ailleurs le temps médical est comptabilisé de manière presque folle » explique le docteur William Suerinck, directeur médical des programmes résidentiels, qu’il a contribué à élaborer, et ancien praticien hospitalier en psychiatrie. «  Plus le temps est raccourci, plus les prises en charge sont standardisées. On souhaite pour notre part personnaliser le plus possible les soins, pour que les patients s’approprient les outils qu’on leur propose et s’autonomisent ». Concrètement, après avoir été accueillis par un thérapeute ou un médecin à leur arrivée le dimanche, les patients reçoivent leur emploi du temps personnalisé et sont réunis dans un groupe de parole. La dynamique collective est un facteur important de réussite dans la philosophie du lieu. La semaine qui suit est rythmée par des soins, une dizaine d’heures d’enseignements sur l’hygiène de vie et des activités journalières conçues pour optimiser santé et bien-être.

«  Ce qui fait la qualité d’un séjour, c’est surtout ce que vous en gardez après » argue le docteur Baudouin, responsable du programme Prévention santé du centre. Ancien urgentiste et gérontologue, il a mis depuis quinze ans la dimension préventive au cœur de sa pratique de généraliste, accompagnant à ce jour plus de 30 000 personnes. « Mon activité au centre est un condensé de ce que je propose dans mon cabinet, où pendant deux ans je donne aux gens des outils dynamiques pour qu’ils soient à même de piloter leur santé » explique-t-il. «  À la Pierre blanche, je passe quasiment 48 heures de la semaine avec les patients. Dès 7 h 30, je viens à la salle de restaurant et on prépare tous ensemble le petit-déjeuner – une recette que j’ai mise au point avec un fort contenu santé – puis nous pratiquons ensemble 30 minutes de qi gong et de réveil des organes, avant de partager le repas dans la convivialité. »

(Le Dr Baudouin pratiquant le qi gong avec des patients devant le centre)

Une approche de la santé à 360 degrés

En plus des activités proposées à tous les patients de passage (marche nordique sur les bords du lac, aquagym et fitness, sauna et hammam, tai-chi, méditation, art-thérapie, ateliers culinaires) et des soins dédiés en fonction des profils de chacun (acupuncture et homéopathie, mais également au besoin shiatsu, massage tuina, fasciathérapie ou kinésiologie), la semaine est ponctuée de moments de transmission afin que les gens partent à la recherche de leur médecin intérieur. Dans la « semaine prévention », le docteur Baudouin propose notamment des clefs pratiques issues de la médecine traditionnelle chinoise et de l’ayurvéda, mais pas seulement : «  Les patients repartent avec des routines intelligentes issues de la cohérence cardiaque ou de la mindfulness pour la gestion du stress, qui est à l’origine de beaucoup de maladies. Nous n’oublions pas que les gens ont aussi besoin de temps, de se rencontrer eux, et on en tient compte » nous explique-t-il après ses premières semaines passées à encadrer des patients au centre. À l’issue de notre propre passage, nous témoignons que, au-delà du sérieux qu’on est en droit d’attendre de tout centre s’occupant de santé, se dégage du lieu et de son personnel une chaleur humaine et une bienveillance particulièrement bienvenues pour des personnes malades ou en recherche d'accompagnement.

La nutrition y apparaît comme un pilier de l’offre thérapeutique, avec une alimentation équilibrée à dominante végétale, de type hypotoxique et méditerranéen qui respecte quelques grandes règles reconnues aujourd’hui comme essentielles (équilibre acido-basique, sucres naturels et complets, bon gras, nombreux condiments, etc.) sous le patronage d’une équipe de spécialistes de nutritions et d’un chef attentif au plaisir des papilles. Loin de l’austérité qu’on pourrait spontanément associer au « nutritionnellement correct », la cuisine y est réellement délicieuse. En accord avec la philosophie d’autonomisation des personnes qui préside à la conception du lieu, la nourriture y est en libre-service, à charge pour les uns et les autres d’apprivoiser de nouvelles saveurs et de composer leur propre assiette équilibrée. Un soin particulier est porté à la qualité de l’eau sur place, toutes les fontaines du centre étant équipées de filtres sophistiqués et de vortex intégrés pour fournir une eau à la fois pure et dynamisée. Si on a coutume de dire que la santé n’a pas de prix, elle a parfois en revanche un coût ; et les prestations de haut niveau proposées à la Pierre blanche ne seront pas accessibles à tous les Suisses (et encore moins aux Français). Pour autant, on ne peut qu’admirer l’ambition d’excellence qui a présidé à la conception de l’offre de soin, et espérer qu’elle puisse inspirer d’autres lieux et pratiques du même type.

Des médecines complémentaires à la médecine intégrative

Au total, ce sont 20 médecins, 15 thérapeutes, 6 coachs et 80 collaborateurs qui donnent vie au lieu et accompagnent des petits groupes sur le chemin de la santé dans un écosystème aussi beau que vertueux. Passionné d’homéopathie, discipline qu’il utilise avec ses propres patients depuis trente ans, et à laquelle il vient de consacrer un documentaire (“Homéopathie, une autre voie”), le docteur Suerinck a d’emblée adhéré à l’ambition multidisciplinaire qui a fait naître le projet : « Il s’agissait de réunir beaucoup de compétences différentes et un haut niveau d’expertise dans un même lieu » résume-t-il. «  Pour cela, on s’est appuyés sur le savoir-faire interdisciplinaire et thérapeutique déjà bien établi du centre de la Corbière, Intégré désormais à la Pierre blanche, qu’il jouxte, ce centre est un lieu connu depuis vingt-cinq ans en Suisse romande pour sa valorisation des médecines complémentaires. On les trouve notamment dans son programme de réadaptation oncologique de neuf semaines reconnu par l’Office fédéral de la santé publique ; il intègre activités physiques, nutrition, soutien social et psychologique . »

Les responsables du lieu ont voulu proposer pour les visiteurs un ensemble de traitements compatibles avec la médecine conventionnelle ; c’est la raison pour laquelle la phytothérapie non exempte de possibles interactions avec les traitements allopathiques, est absente de l’offre de soin lors du séjour résidentiel. Les médecins qui y envoient leurs patients en impasse thérapeutique, ou intolérants aux traitements, sont d’ailleurs informés de leurs progrès, par le biais de comptes-rendus. C’est donc dans une logique de dialogue ouvert et de synergie avec la médecine allopathique – loin des guerres fratricides et oppositions stériles qu’on retrouve trop fréquemment dans l’hexagone – que le centre a conçu son offre de soin. Celle-ci sera sans doute amenée à évoluer ou s’élargir, et les responsables imaginent déjà la possibilité de créer dans le futur des programmes dédiés aux personnes souffrant d’allergie multiple ou de maladie de Lyme.

Plus d’informations

https://lapierreblanche.ch