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Hallux Valgus, arrêtons le massacre !
Surnommé « oignon », bien que ça ne le rende pas beaucoup plus sympathique, l’hallux valgus touche 30% de la population française. Outre un aspect inesthétique difficile à assumer, il entraîne des douleurs et des problèmes pour se chausser. Plus qu’une gêne au quotidien, cette pathologie du pied épuisante pousse de nombreuses personnes à opter pour une opération chirurgicale, aux conséquences parfois désastreuses. Pourtant, un meilleur chaussage et des exercices simples pour renforcer les muscles des pieds, aident naturellement à le soulager et à contenir son développement.
L’hallux valgus est une déformation de l’avant-pied, caractérisée par une inclinaison du gros orteil vers le deuxième. Le squelette du gros orteil est constitué d’un os appelé métatarse, que prolongent deux phalanges. L’hallux, qui signifie « gros orteil » et valgus « vers l’extérieur », apparaît lorsque l’articulation entre la tête du métatarsien et la base de la première phalange se déboîte et dévie. Elle s’accompagne d’une exostose, une saillie osseuse sur le bord interne du pied.
Trois stades sont observés : l’hallux valgus léger est inférieur à 20 degrés ; l’angle est notable et l’articulation n’est plus alignée, bien que phalange et métatarse soient encore emboîtés. À partir de 20 degrés d’inclinaison, la phalange est déplacée et le gros orteil commence à entrer en conflit avec son voisin. À 40 degrés et plus, on parle d’hallux valgus sévère : le gros orteil passe au-dessus ou au-dessous du suivant. Plus l’angle s’accentue, plus la déformation risque de devenir inflammatoire. Le phénomène se transforme alors en bursite, une poche séreuse qui joue le rôle de petit airbag articulaire. La zone est rougie, chaude, très douloureuse et entraîne des difficultés à se chausser.
La déformation est évolutive et peut être freinée, à l’aide d’exercices doux, si elle est anticipée. Pourtant, 70 000 personnes sont opérées d’un hallux valgus chaque année.
Opérer l'hallux valgus, un choix à double tranchant
Les chirurgiens orthopédistes sont clairs : on n’opère pas pour des raisons esthétiques. C’est la douleur et l’échec d’un traitement par semelles ou atèles orthopédiques qui justifient l’opération, où la chirurgie préventive n’existe pas. Des précautions unanimes qui pointent la lourdeur d’une telle intervention. Et pour cause, la chirurgie classique, « à ciel ouvert », avec ses méthodes Scarf ou Chevron, consiste en une ostéotomie, c’est-à-dire des coupes osseuses sous anesthésie générale. Des vis, agrafes et broches y sont implantées pour fixer les os dans leur nouvel axe. Cette technique laisse aujourd’hui place à la chirurgie percutanée ou « mini-invasive », importée des États-Unis dans les cliniques européennes au début des années 2000. L’opération est réalisée à même la peau, à l’aide d’incisions beaucoup plus petites. Une mini-fraise est introduite pour raboter l’os, pendant que les gestes sont contrôlés par radiographie. Réalisée en ambulatoire, avec anesthésie locale, elle autorise la pose du pied à plat sous quelques heures et nécessite parfois la pose, à vie, de vis en titane, pour prévenir tout risque de récidive.
À l’absence de risque zéro de récidive, donc, s’ajoute une convalescence longue et contraignante. Si œdème et gêne post-opératoires sont courants, en théorie, il faut 4 à 6 semaines pour reprendre un chaussage normal avec des chaussures larges, type baskets. À partir de la 6e semaine, une activité sportive légère est possible quand footing, randonnée ou tennis sont autorisés après 3 à 6 mois. Mais dans les faits, de nombreux patients souffrent encore, plusieurs années après leur opération. Pieds gonflés, difficultés à marcher, impossibilité de conduire, hématome, tendons sensibles et broches gênantes altèrent la qualité de vie... Présentée comme efficace et indolore, l’opération de l’hallux valgus handicape et isole, plus qu’on ne le croit, celles et ceux qui voyaient en elle la possibilité d’un retour à la normale et la fin de leurs douleurs. C’est le cas de Barbara :
« Je commence à m’en remettre, mais si j’avais su ce qui m’attendait, je ne me serais jamais fait opérer. Mes chevilles ont enflé et j’ai développé une fasciite plantaire. J’ai vécu à coup de Doliprane tous les jours. » Opérée il y a trois ans, selon l’approche « mini-invasive », elle confie « j’ai perdu trois ans de ma vie » et regrette un système à la chaîne : « Le chirurgien était débordé, nous étions plusieurs personnes à attendre notre tour. Je crois que c’est un business : entre les kinés, les podologues et les magasins de chaussures spécialisés, beaucoup de gens gagnent de l’argent avec ces opérations. »
Quand l’intervention vise les deux pieds, que penser aussi des délais préconisés par les médecins ? Là où certains recommandent 15 jours d’intervalle, d’autres conseillent d’attendre 6 mois à 1 an, tandis que Barbara a été opérée des deux pieds en même temps.
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Oignon au pied : l’hérédité n’a pas tous les torts
Douloureux et mal vécu en raison de son aspect disgracieux, l’hallux valgus touche principalement les femmes à partir de 40 à 50 ans, ayant porté beaucoup de chaussures type escarpins, le relâchement des structures fibreuses à la ménopausée favorisant l’élargissement du pied. Cependant, la pathologie concerne aussi les hommes, les jeunes femmes et 2 % des enfants en France seraient touchés vers l’âge de 10 ans (hallux valgus congénital). On considère aussi qu’avoir le pied dit « égyptien », dont le gros orteil est plus long que le deuxième, constitue un facteur favorable à son apparition.
En cause, une influence héréditaire incontestable – la prédisposition existe dès l’enfance – mais le port de chaussures à talons et à bout serré comptent largement pour la part mécanique de son développement. Les chaussures à bout pointu compriment les doigts de pieds et créent une contrainte articulaire qui empêche les orteils de prendre appui durant la marche. Celles à talons ont tendance à déporter le poids du corps vers l’avant du pied, précisément là où la chaussure est étroite. L’articulation métatarso-phalangienne, essentielle pour la marche, ne fait plus son travail et la mobilité naturelle du gros orteil se raidit, parfois accentuée par l’arthrose du gros orteil ou « hallux rigidus ». Thomas Rogall, physiothérapeute allemand, précise :
« Le talon est le gouvernail de l’appui du pied. Sa bascule et sa rotation trop fortes déséquilibrent le poids du corps et amènent à l’écrasement de l’avant-pied. » Résultat : « Les tendons des muscles longs fléchisseurs du gros orteil ne passent plus au milieu de l’articulation mais longent sa face interne, le poussant vers le deuxième orteil. »
Il n’est pas rare que l’hallux valgus impacte les autres orteils qui auront tendance à se recroqueviller « en griffes » ou « en marteau ». Des durillons épais, dont la douleur éclipse parfois celle de l’oignon, peuvent également survenir sur la plante des pieds, conséquences du transfert de charge sur les autres métatarsiens.
La meilleure façon de marcher
Le pied fait partie d’une longue chaîne de mouvements, reliée à l’ensemble du corps. Thomas Rogall a fondé l’École du Pied à Munich, il observe :
« J’entends rarement mes patients dire qu’on leur a parlé de l’appui de leur pied et du lien entre leurs problèmes et leur façon de marcher. » Pour le spécialiste de l’anatomie du mouvement, en dépit du terrain héréditaire, « selon toute vraisemblance, vous avez vu le jour sans hallux valgus. C’est vous qui, au cours de votre vie, faites que vous développez un hallux valgus – ou pas ! » .
Loin de toute culpabilisation, le thérapeute holistique invite à considérer le contexte global du corps, à travers sa façon de se tenir. Avant d’agir sur le pied, il convient, selon lui, de rectifier la position du bassin. « Dans la plupart des cas, l’hallux valgus est accompagné d’un raccourcissement ou d’une tension des muscles et des tissus conjonctifs de la région de l’aine et de la cuisse. Cela crée une instabilité et une déviation du bassin dans l’articulation de la hanche. »
Partisan de solutions naturelles pour rééduquer le corps – telle que la marche pieds nus, excellente – le physiothérapeute (l’équivalent de kinésithérapeute) voit dans la chirurgie la possibilité de soulager une pathologie très avancée, si elle est grave. Il recommande néanmoins de faire retirer vis, plaques et fils métalliques un à deux après l’opération car ils seraient responsables de complications. Pour des hallux valgus naissants ou déjà installés en revanche, des exercices permettent de travailler la station debout et la marche et d’améliorer la motricité fine des pieds et de leur musculature.
La spirale – exercice pour la déviation du gros orteil
Cet exercice renforce la voûte transversale du pied et évite l’étalement du médio-pied. Il fait travailler les muscles, responsables de la stabilité du premier métatarsien. Assis sur un coussin dur (type coussin de méditation) ou sur une chaise, pivotez une jambe vers l’extérieur :
La tranche externe de votre pied est au sol, et les 4e et 5e orteils sont en contact avec lui. Le talon, le genou et la cuisse sont alignés. Placez le bout de deux doigts sous la boule du gros orteil. Essayez de tourner celle-ci vers l’intérieur, le bas et l’avant, malgré la légère résistance de vos doigts :
L’idée n’est pas de toucher le sol. Maintenez le pied dans la position finale pendant 6 secondes. La force musculaire des doigts et du pied s’oppose. Avec vos deux doigts, pivotez de nouveau la boule du gros orteil vers l’extérieur. Pensez à une spirale. Pendant ce mouvement, veillez à ne pas bouger votre talon, même d’un millimètre :
Une fois que vous maîtrisez cet exercice, essayez d’exécuter le mouvement en spirale sans faire intervenir vos doigts. Vous pouvez vous aider en massant d’une main la région du coup de pied. Essayez d’étirer le gros orteil dans la longueur :
Si vous n’y parvenez pas encore, ramenez votre jambe dans la position initiale, tendue devant vous : pied et genou bien alignés, talon droit. Avec une main, faites pivoter le gros orteil vers l’extérieur jusqu’à ce que l’ongle soit parallèle au sol. Immobilisez le pied dans cette position avec votre index. Avec le pouce, pressez la boule du gros orteil vers le sol dans l’idée de former un arc. L’autre main tire la peau du pied en direction du petit orteil et pousse légèrement la tranche externe du pied :
En complément de cet exercice, la technique du « taping » permet de maintenir la position du premier métatarsien, grâce à des bandes de contention adhésives :
Crédits photos : Ralf Blechschmidt et Katrin Winkler.
Pour aller plus loin :
Hallux Valgus, les meilleurs exercices pour se soigner de Thomas Rogall (Editions La Plage), 56 pages, 10 euros.
En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé
Bien chausser son hallux valgus