Accueil Conseils santé EMDR et IMO : regarder ses traumatismes en face pour les dépasser
EMDR et IMO : regarder ses traumatismes en face pour les dépasser
Novatrices, étonnantes, les thérapies non médicamenteuses EMDR et IMO, basées sur le mouvement oculaire, ne sont pas toujours bien connues du grand public. La période actuelle demande pourtant une attention soutenue portée à la santé mentale… des plus jeunes aux plus âgés. Découverte de ces deux thérapies basées sur les mouvements oculaires et de leurs spécificités.
Pandémie mondiale, réchauffement climatique, guerre en Ukraine, crise économique… nous subissons un déferlement d’événements historiques. Peu étonnant que la santé mentale soit directement affectée. L’OMS déplore une hausse mondiale de 25 % des cas d’anxiété et de dépression liée à la crise du Covid. En France, la consommation de psychotropes a augmenté de 5 à 8 % durant le second confinement.
Il s’agit donc d’une période particulière, difficile pour beaucoup, et durant laquelle il convient de ne pas négliger cette part importante de la santé qu’est le mental. Laurence Adjadj, psychologue, psychothérapeute formée EMDR et IMO, et directrice de l’institut Hypnotim à Marseille, s’inquiète particulièrement de la santé mentale des plus jeunes. « La pandémie a généré un traumatisme collectif. Il y a des personnes qui ont perdu un proche et n’ont pas pu aller à l’hôpital, des jeunes qui avaient des projets qu’ils n’ont pas pu réaliser. Les enfants et adolescents ont accumulé beaucoup de souffrances et d’inquiétudes. »
Pour ces jeunes, et moins jeunes, Laurence Adjadj et aussi d’autres professionnels proposent un type de thérapie particulier : l’EMDR et l’IMO. Ces thérapies ont pour objectif de guérir rapidement de symptômes handicapants, tel le stress post-traumatique. « L’EMDR est une méthode qui permet de se souvenir du passé au présent sans souffrir », décrit Isabelle Meignant, psychologue clinicienne, formatrice et superviseuse EMDR France. Ces thérapies s’attaquent à toutes les manifestations inconfortables générées par un souvenir douloureux, sachant que les événements ne marquent pas tout le monde de la même façon. « On peut avoir vécu un événement traumatique important, comme on peut vivre des choses plus “petites” qui seront ressenties très intensément et vécues comme un trauma. C’est le cas par exemple d’un licenciement, un déménagement ou le départ d’un enfant », précise Laurence Adjadj.
Lire aussi Détresse psychique : les clefs de la résilience
Des thérapies basées sur le mouvement oculaire
EMDR et IMO sont des thérapies innovantes qui nous viennent des États-Unis. Toutes deux sont basées sur des mouvements oculaires similaires à ceux du sommeil paradoxal. L’EMDR – en anglais Eye Movement Desensitization and Reprocessing, ou « désensibilisation et reprogrammation par les mouvements des yeux » – a été créé par Francine Shapiro en 1987. Cette psychologue américaine a développé et popularisé la technique EMDR à partir de ses observations personnelles sur l’effet bénéfique des mouvements oculaires. Le Dr David Servan-Schreiber l’a ensuite introduite en France en 2003 à travers son livre Guérir. L’IMO de son côté, ou « intégration par les mouvements oculaires », a été créée par un couple de psychothérapeutes américains, Connirae et Steve Andreas, en 1989. C’est ensuite la psychologue québécoise Danie Beaulieu qui l’a popularisée.
Il s’agit dans les deux cas d’outils thérapeutiques étonnants, basés sur de simples mouvements oculaires, utilisés pour traiter les traumatismes de manière efficace. « La logique dans les deux approches, c’est que l’on va générer, par les mouvements des yeux, la stimulation bilatérale alternée, ce qui va agir sur des informations sensorielles qu’a pu enregistrer la personne », explique Laurence Adjadj. Il s’agit, par cette stimulation bilatérale alternée – qui consiste à suivre des yeux, de droite à gauche, un bâtonnet ou le doigt du thérapeute –, de susciter un changement dans le rapport aux souvenirs. « Les émotions, sensations, pensées, images enregistrées dans la mémoire traumatique vont peu à peu être libérées ; c’est ainsi que le souvenir va se faire de moins en moins douloureux et progressivement quitter la mémoire traumatique pour rejoindre la mémoire autobiographique », décrit Sylvie Bellaud, psychothérapeute et formatrice IMO.
Un protocole contre le stress intense
L’association Action EMDR Trauma, dont Isabelle Meignant est l’un des membres fondateurs, a développé et publié en accès libre un protocole d’autotraitement pour stress intense (ATSI)*. L’objectif est d’éviter qu’une situation source d’angoisse devienne un traumatisme. Le protocole s’applique en 5 étapes :
- Penser à l’image traumatisante ;
- Mesurer sur une échelle de 1 à 10 le niveau d’angoisse ;
- Visualiser cette image en effectuant du tapping, des tapotements alternés à droite et à gauche, par exemple sur les genoux, durant une minute ;
- Réévaluer le niveau d’angoisse, et, s’il n’a pas varié, refaire les premières étapes ;
- Deux heures plus tard, évaluer de nouveau le niveau d’angoisse, toujours avec la même image.
Protocole à retrouver sur : action-emdr-trauma.org, rubrique « publications ».
* Il ne s’agit ici ni d’EMDR ni d’IMO, même si, comme dans ces deux thérapies, on commence par convoquer l’image associée au stress.
Lire aussi Du stress au burn-out
Destinées à un public large
IMO et EMDR sont des thérapies qui permettent d’intervenir sur des traumatismes similaires, et le panel est large. Elles permettent de combattre les effets du stress post-traumatique issu d’événements tels agressions, violences sexuelles ou accidents. Cependant, elles peuvent intervenir sur tout ce qui a été perçu comme un traumatisme ou sur des angoisses. « Je travaille avec les enfants, et j’ai même formé une médecin urgentiste qui utilise la stimulation bilatérale alternée sur les nourrissons dans les ambulances, et en effet ils arrêtent de pleurer », témoigne Laurence Adjadj. La méthode serait aussi très bénéfique pour des réactions inconfortables et récurrentes de type phobiques. « Pour le quotidien, c’est très utile dans le cas de personnes qui réagissent systématiquement à quelque chose. Une personne qui dit “à chaque fois que…” est une personne qui peut être aidée par l’EMDR », détaille Isabelle Meignant.
L’un des points forts de ces méthodes est leur rapidité de résultat. « Selon l’impact du traumatisme, une, deux ou trois séances peuvent être nécessaires, espacées d’une quinzaine de jours », avance Sylvie Bellaud. En EMDR, Isabelle Meignant apporte toutefois une limite liée à la quantité de traumatismes engrangés, qui peuvent faire augmenter le nombre de séances nécessaires : « Si l’on a une ou deux mémoires à traiter, ce sera rapide mais pour vingt ans de traumatismes, cela peut durer longtemps. » Ces méthodes, non médicamenteuses et encadrées par des professionnels, seraient accessibles à tout type de public et à tout âge, même pour de très jeunes enfants. Avec toutefois quelques restrictions : « Ces techniques marchent très mal avec les patients sous benzodiazépines ou cannabis, car on a besoin que les organes en charge du traitement de l’information soient actifs et non en veille », précise Isabelle Meignant. Selon Laurence Adjadj, il existerait en outre une contre-indication, à nuancer au cas par cas en fonction du patient, pour les personnes souffrant d’états psychotiques.
Dans le cabinet d’un praticien
➔ Le déroulé d’une séance EMDR :
« C’est une méthode de psychologie intégrative structurée, en 8 phases. On se renseigne sur le patient et sa problématique dans la phase “prise d’histoire”, puis on explique le processus. On passe à la phase employant les mouvements bilatéraux alternés avec l’évaluation de la mémoire sur laquelle on travaille, la désensibilisation, l’installation de cette mémoire dans le corps puis la vérification que cette mémoire n’a plus d’effet négatif. La 7e phase est la clôture de la séance. La 8e intervient la fois d’après dans une réévaluation du travail. Une séance dure, dans l’idéal, 1 h 30. »
Selon Isabelle Meignant, psychologue clinicienne, formatrice et superviseuse EMDR France.
➔ Le déroulé d’une séance IMO :
« Une séance d’IMO peut durer jusqu’à 1 h 30. La personne est invitée à se reconnecter à l’événement, l’expérience douloureuse qui a fait traumatisme, tandis que le thérapeute guide ses yeux dans différentes directions. La particularité de l’IMO est que nous utilisons des mouvements lents. Il y a 21 mouvements différents et nous les accompagnons de “mots-clés” définis avec le patient pour lui permettre de rester en contact avec l’expérience. »
Selon Sylvie Bellaud, psychothérapeute et formatrice IMO.
Lire aussi
« L’analyse psycho-organique concilie psychanalyse et thérapies corporelles »
Des approches similaires
Dans le cas des deux thérapies, IMO ou EMDR, les praticiens témoignent d’un travail conjoint avec le patient, lequel est actif dans le processus de guérison. C’est bien un échange qui doit s’instaurer entre le patient et celui qui l’accompagne pour identifier les éléments et sujets déclencheurs et ensuite travailler sur la mémoire à l’aide de la technique de stimulation bilatérale alternée. Celle-ci peut d’ailleurs prendre la forme de « tapping » sur un genou ou de stimulation auditive dans le cas de patients malvoyants ou malentendants. Dans ces cas-là, on ne fait plus intervenir les yeux.
Entre IMO et l’EMDR, la principale distinction se trouve dans la vitesse et la forme que prennent les mouvements, plutôt lents dans l’IMO et rapides en EMDR. « L’EMDR utilise un protocole bien cadré et le thérapeute va accompagner strictement dans le cadre proposé, tandis qu’en IMO on va travailler de façon plus collaborative parce que c’est le patient qui va choisir le rythme », précise Laurence Adjadj, formatrice EMDR-IMO. De plus, l’IMO aurait, selon elle, des propriétés de renforcement positif des ressources du patient (confiance, estime de soi…), une fois le travail sur le traumatisme effectué.
Une autre différence entre ces thérapies réside dans leur encadrement. La thérapie EMDR est très encadrée, l’association EMDR France, en lien avec le groupe EMDR Europe, y veille. De nombreuses formations sont régulièrement proposées aux thérapeutes pour intégrer les avancées de la recherche. En France, c’est d’ailleurs l’association qui décide de former ou non une personne. Elle réserve plutôt cet apprentissage à des thérapeutes formés en psychologie. En parallèle, la pratique de l’IMO n’a pas de cadre formel en France. « C’est une pratique qui n’est pas encadrée pour le moment, donc elle s’adresse plutôt à un professionnel de santé avec une formation initiale pour devenir un outil thérapeutique en plus », précise Laurence Adjdadj.
—
* EMDR : en français, désensibilisation et reprogrammation par les mouvements des yeux ; IMO : intégration par les mouvements oculaires.
En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé
Pour consulter le site sans publicités inscrivez-vous
Génération dépression : comment les aider ?
Yoga des yeux - yoga de l’âme, d’Annick Brofman (éd. Dangles)
Contre l'anxiété, les solutions que proposent les naturopathes
Émotions bloquées dans le corps