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Diabète et Alzheimer : la bactérie Helicobacter pylori comme dénominateur commun ?
Selon une étude parue dans la revue scientifiqueAlzheimer’s & Dementia , la bactérie Helicobacter pylori accroît le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Les activités de la bactérie vont donc bien au-delà de l’ulcère gastrique auquel on la cantonne habituellement. En tirant le fil, on comprend comment des maladies métaboliques peuvent conduire à la dégénérescence cérébrale, et on découvre que les bactéries du microbiote sont une nouvelle fois de la partie. Focus sur des solutions naturelles pour y mettre bon ordre.
La bactérie de l’ulcère gastrique également associée à un risque accru d’Alzheimer
Une grande étude de cohorte britannique, conduite récemment par le Clinical Practice Research Datalink révèle que l’infection à Helicobacter pylori est associée à un risque accru de développer une maladie d’Alzheimer(1). Parmi 4 262 092 personnes (plus de 50 ans sans signe de démence), 40 455 ont développé Alzheimer au cours des onze années de suivi de l’étude. En comparant les dossiers médicaux des patients, les chercheurs ont constaté que l’infection symptomatique à Helicobacter augmentait de 11 % le risque d’Alzheimer par rapport à la population non infectée, et de 24 % après dix ans d’infection à Helicobacter. Comment se fait-il qu’une infection, longtemps cantonnée à la sphère digestive et au risque d’ulcère, puisse avoir un impact sur la neurodégénérescence cérébrale ?
En dépit de plusieurs décennies de recherche, l’origine de la maladie d’Alzheimer demeure incertaine, mais le rôle du monde microbien et de possibles infections est suggéré depuis quelques années. Sur le lien spécifique avec Helicobacter, l’hypothèse avancée est que la gastrite induite par la bactérie est associée à une inflammation chronique qui finit par s’étendre au système nerveux central(2).
Les protéines tau et β-amyloïde jouent un rôle dans la structure des neurones et leur organisation en réseaux. Lorsqu’elles sont dénaturées, elles peuvent former des dépôts impliqués dans les maladies neurodégénératives. Des molécules issues du microbiote, impliquées dans la phosphorylation (un processus biochimique permettant d’orienter l’utilisation des protéines dans l’organisme), peuvent faciliter ces dépôts puis induire une inflammation. Une étude du Lancet (3) a montré que H. pylori exacerbe ces phénomènes. L’éradication de la bactérie permet l’amélioration des paramètres cognitifs chez des personnes atteintes d’Alzheimer.
Microbiote et dégénérescence cérébrale, un lien toujours d’actualité
Oui, le microbiote intestinal affecte bien le cerveau des patients atteints de maladie d’Alzheimer ou de Parkinson, en particulier leurs fonctions cognitives. L’existence de profils de microbiote distincts chez les personnes souffrant de ces maladies a été largement documentée. La transplantation de microbiote fécal et les probiotiques ont montré une capacité à agir sur l’axe intestin-cerveau(4). Il existe par ailleurs une littérature prometteuse sur le rôle de l’alimentation, des prébiotiques, des postbiotiques et aussi de l’activité physique dans le remodelage du microbiote dans le sens d’une réduction des symptômes des maladies neurodégénératives(5).
Déjà en 2006, la piste menant au coupable commençait dans le ventre. Des chercheurs ont constaté la présence dans l’intestin de patients d’α-synucléine et de β-amyloïde, respectivement impliquées dans Parkinson et Alzheimer, bien avant que la maladie ne se déclare chez eux. Cela a été confirmé à plusieurs reprises depuis. Pour bien comprendre, il s’agit de protéines déformées qui s’agglomèrent dans les neurones, les empêchant de fonctionner normalement. Chez des souris, l’inoculation d’α-synucléine par le tube digestif entraîne un effondrement de l’activité de la dopamine dans le striatum, une aire du cerveau impliquée dans la motricité. La microglie, système de défense et de réparation du cerveau, qui semble contribuer aux symptômes des maladies neurodégénératives, est sous l’influence du microbiote. La recherche sur des souris montre que les agrégats de β -amyloïde dans le cerveau ne se développent pas sans le microbiote (souris élevées en milieu stérile)(6).Réduire les proportions de certaines bactéries intestinales a permis de diminuer significativement l’inflammation cérébrale.
Maladie d'Alzheimer considérée comme un « diabète de type 3 »
Les processus qui mènent au diabète et à la maladie d’Alzheimer sont liés, au point que certains chercheurs parlent de cette dernière comme d’un diabète de type 3. Bien que la nature exacte de ce lien continue de faire débat, il est établi qu’une glycémie mal contrôlée augmente le risque de développer la maladie d’Alzheimer(7). Dans Alzheimer comme dans le diabète, on observe que les signaux cellulaires de l’insuline sont perturbés. Aux dernières nouvelles, une altération de la signalisation de l’insuline favoriserait la formation des agrégats d’amyloïde-β, la résistance à l’insuline étant une étape de la progression vers Alzheimer. Des stratégies thérapeutiques ciblant l’insuline sont d’ailleurs envisagées pour ralentir la progression de la maladie.
Beaucoup de gens ignorent que l’insuline joue un rôle notable dans la neurotransmission, le maintien de l’équilibre énergétique dans le cerveau et même les capacités de mémorisation. Ce qui n’a rien d’étonnant, le glucose étant le seul carburant direct du cerveau. Des chercheurs suggèrent qu’on devrait s’intéresser de beaucoup plus près à ce qui se passe dans le cerveau des personnes diabétiques, jusqu’ici rarement évalué. Or, la bêta-amyloïde et la protéine tau semblent pouvoir s’accumuler également dans leur cerveau(8).
Un manque de bonnes bactéries intestinales diminue à la fois la production d’acides gras à chaîne courte, la libération de l’hormone de satiété GLP-1 et par voie de conséquence perturbe la production d’insuline après un repas. Il est démontré que ce phénomène favorise la résistance à l’insuline mais aussi l’inflammation systémique de bas grade, connue pour accélérer la dégénérescence des tissus humains. Une conséquence au niveau du cerveau et des neurones est l’hyperphosphorylation des protéines tau(9), ouvrant une autoroute à la formation de plaques séniles et par conséquent, l’initiation, le développement et le maintien de la maladie d’Alzheimer.
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La bactérie H. pylori impliquée dans le diabète
À ce stade, une question vient à l’esprit : H. pylori est-elle déjà connue pour jouer un quelconque rôle dans le diabète ou dans les mécanismes qui y conduisent ? La littérature scientifique nous dit que oui. Tous types de diabète confondus, H. pylori est retrouvée chez plus de la moitié des patients(10).
L’infection à H. pylori augmente la production de produits de glycation avancée (AGEs) chez les patients atteints de diabète de type 1(11), maladie auto-immune du pancréas qui empêche la production d’insuline. Ces AGEs sont des protéines anormalement couplées à une molécule de sucre, autrement dit des protéines caramélisées et dénaturées, incapables de jouer leur rôle dans différents processus physiologiques, faisant le lit des maladies dégénératives. L’infection à long terme par H. pylori peut être associée de façon significative à une augmentation de l’hémoglobine glyquée(11),une molécule de la glycation qui est aussi un marqueur courant de suivi du diabète de type 2.
Une étude révèle que les infections à H. pylori sont significativement plus fréquentes chez les patients atteints de diabète de type 2 que dans le reste de la population(13), en particulier chez ceux avec des symptômes de diabète plus marqués. Au fait, comment H. pylori parvient à coloniser l’estomac, pourtant très inhospitalier pour les bactéries du fait de son acidité ? Il semblerait justement que la bactérie exploite les molécules glyquées (14) pour se glisser dans la structure de la muqueuse. L’infection chronique entraîne une inflammation des tissus gastriques qui facilite le phénomène, un cercle vicieux qui profite à H. pylori.
Les médicaments anti-acidité gastrique favorisent eux aussi Alzheimer ?
Voilà qui est embêtant ! Une étude coréenne conduite sur 17 225 patients (15) montre que l’utilisation d’IPP, qu’elle soit actuelle ou passée, peu importe la durée d’utilisation ou la génération de médicament, augmente la probabilité de maladie d’Alzheimer, ce qui vient confirmer des études pharmacologiques antérieures. Cependant, une méta-analyse contemporaine (16) n’est pas parvenue à établir une association suffisamment claire entre la prise d’IPP et le risque de démence, tout en ne l’excluant pas, encourageant à poursuivre les recherches. De plus, bien que les utilisateurs d’IPP à forte dose semblent plus susceptibles de développer une démence, ils le sont encore plus en cas de maladies à facteurs de risque de démence(17), telles que le diabète et les maladies cardiovasculaires.
Des traitements qui jouent sur tous les terrains
Bacopa monnieri, une plante grasse utilisée depuis longtemps en médecine ayurvédique, est connue pour ses propriétés de soutien à l’activité cérébrale, notamment la mémoire. Des propriétés qu’elle doit aux bacosides, principales molécules actives de la plante et reconnues comme utiles dans l’accompagnement des troubles neurologiques (18). Des études in vivo et in vitro, mais aussi des essais cliniques chez l’homme, notamment atteints d’Alzheimer, ont confirmé l’activité neuroprotectrice d’extraits de B. monnieri enrichis en bacosides(19). Plus précisément, ils préviennent les dommages neuronaux causés par le stress oxydatif et par une activité enzymatique excessive.
Mais des travaux de recherche lui ont aussi trouvé des propriétés antidiabétiques, et plus intéressant encore, sur le lien entre les deux. Chez la souris aussi, le diabète type 2 provoque le vieillissement du cerveau et des troubles de la mémoire, et l’extrait de Bacopa a permis de limiter significativement ces conséquences(20). Cerise sur le gâteau, la plante a montré (in vitro et sur modèle animal) une activité anti H. pylori. Cette activité s’expliquerait par une meilleure défense des muqueuses de l’estomac (21) (notamment via la sécrétion de mucine), une plus grande durée de vie des cellules des muqueuses ainsi à des effets antioxydants. Une plante (disponible sous forme de complément alimentaire) qui gagnerait donc à être plus connue sous nos latitudes.
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Côté probiotiques, L. casei, L. paracasei, L. acidophilus, B. lactis et S. thermophilus ont toutes montré une activité bactériostatique et bactéricide (22) contre H. pylori. Ces mêmes bactéries sont également fréquemment mentionnées dans la littérature scientifique pour leurs activités antidiabétiques. Encore récemment, il a été confirmé que ces souches aident à normaliser la glycémie(23), améliorent certains paramètres biologiques et influencent l’équilibre entre les familles bactériennes du microbiote chez des personnes diabétiques. Leur impact positif sur l’oxydation et l’inflammation cérébrales, sur les facteurs de croissance des neurones et au final sur les fonctions cognitives a été prouvé(24), toujours combinées dans une même formulation probiotique.
Une bactérie sort toutefois du lot et fait un « strike » : Lactobacillus acidophilus qui est nominée à plusieurs reprises dans les thérapeutiques contre Alzheimer, le diabète et H. pylori. Enfin, une souche brevetée inactivée de Lactobacillus reuteri (25) , ce qu’on appelle aujourd’hui un postbiotique, réduit la présence de H. pylori dans l’estomac en formant des agrégats qui facilitent son évacuation par le tube digestif. Chez le rat, la forme active de la bactérie a également montré des effets neuroprotecteurs sur des modèles de diabète(26).
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Faut-il nécessairement éradiquer Helicobacter ?
La preuve que l’éradication d’Helicobacter apporte une solution aux maladies métaboliques reste à apporter. Les résultats des études qui s’y sont essayées sont particulièrement disparates(27), avec parfois même une aggravation du diabète. Ce qui amène la question : et si cette bactérie était nocive dans des contextes particuliers, mais inoffensive voire bénéfique dans d’autres, à l’instar de certaines bactéries du microbiote ?
Si H. pylori provoque des symptômes importants chez 15 % des personnes infectées, n’oublions pas la grande majorité de porteurs sains, chez qui il se pourrait que la bactérie ait des effets protecteurs. Des chercheurs avertissent : avant d’éradiquer la bactérie, assurons-nous que nous n’éliminons pas un allié potentiel(28) : « En traitant ceux qui ne sont pas affectés, nous pourrions involontairement accroître la sensibilité à une foule de problèmes inflammatoires chroniques graves. » précisent-ils.
La différence pourrait se jouer par une meilleure connaissance des souches existantes (il en existe près de 800 différentes !) et de leurs rôles respectifs. Car oui, plusieurs dizaines de souches sont aujourd’hui identifiées. Nous cohabitons avec H. pylori depuis 85 000 ans. Une rupture de l’équilibre entre l’hôte humain et la bactérie, due à notre mode de vie moderne, pourrait être à l’origine de l’explosion des gastrites et de ses conséquences pathologiques.
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Références bibliographiques
(1) Clinically apparent Helicobacter pylori infection and the risk of incident Alzheimer's disease, Alzheimer&Dementia, 2023,
(2) Alzheimer’s Disease and Helicobacter pylori Infection : Inflammation from Stomach to Brain ? - Journal of Alzheimer's Disease, 2020,
(3) Microbiota and the gut-brain-axis : Implications for new therapeutic design in the CNS, The Lancet, 2022,
(4) Gut Microbiota is an Impact Factor based on the Brain-Gut Axis to Alzheimer’s Disease, Aging&Disease, 2022,
(5) Implications of Diet and The Gut Microbiome in Neuroinflammatory and Neurodegenerative Diseases, International journal of molecular sciences, 2019,
(6) The Microbiome as a Modifier of Neurodegenerative Disease Risk, Cell Host Microbe, 2020,
(7) Type 3 Diabetes and Its Role Implications in Alzheimer’s Disease, Molecular Metabolic Regulation in Diabetes, 2020,
(8) Alzheimer’s Disease as Type 3 Diabetes : Common Pathophysiological Mechanisms between Alzheimer’s Disease and Type 2 Diabetes, Diabetes & Dementia, 2022
(9) Microbiota dysbiosis caused by dietetic patterns as a promoter of Alzheimer's disease through metabolic syndrome mechanisms, Food & function, 2023
(10) A systematic review and meta-analysis of the prevalence of Helicobacter pylori in patients with diabetes, Diabetes & Metabolic Syndrome: Clinical Research & Reviews, 2020.
(11) Helicobacter pylori infection is associated with increased accumulation of advanced glycation end products in the skin in patients with type 1 diabetes, Advances in Clinical and Experimental Medicine, 2023.
(12) A laboratory-based cross-sectional study about helicobacter pylori infection and diabetes, CJIM, 2024
(13) Prevalence of Helicobacter pylori Infection among Type 2 Diabetes Mellitus, Advanced Biomedical Research, 2020
(14) Helicobacter pylori chronic infection and mucosal inflammation switches the human gastric glycosylation pathways, Biochimica et Biophysica Acta, 2015
(15) Associations between proton pump inhibitors and Alzheimer’s disease, Alzheimer's Research & Therapy, 2022,
(16) Do proton pump inhibitors increase the risk of dementia?, BJCP, 2022
(17) Proton Pump Inhibitors and the Risk of Dementia, Clinical pharmacology and therapeutics, 2022
(18) Bacosides from Bacopa monnieri extract: An overview of the effects on neurological disorders, Phytotherapy research, 2021,
(19) A Comprehensive Mini Review on the Natural Product Bacopa monnieri for the Management of Alzheimer’s Disease, The Natural Products Journal, 2024
(20) Diabetes Mellitus Type 2 Induces Brain Aging and Memory Impairment in Mice, Topics in Biomedical Gerontology, 2016,
(21) In vitro evaluation of Bacopa monniera on anti-Helicobacter pylori activity and accumulation of prostaglandins, Phytomedicine, 2003
(22) Antimicrobial Efficacy of Five Probiotic Strains Against Helicobacter pylori, Antibiotics, 2020,
(23) Probiotics for the treatment of type 2 diabetes, Diabetes/Metabolism Research and Reviews, 2019
(24) Efficacy of Probiotic Supplements on Brain-Derived Neurotrophic Factor, Inflammatory Biomarkers, Oxidative Stress and Cognitive Function in Patients with Alzheimer’s Dementia, Nutrients, 2024
(25) Non-Viable Lactobacillus reuteri DSMZ 17648 (Pylopass™) as a New Approach to Helicobacter pylori Control in Humans, Nutrients, 2023
(26) Neuroprotective Effects of Probiotic Lactobacillus reuteri GMNL-263 in the Hippocampus of Streptozotocin-Induced Diabetic Rats, Probiotics and Antimicrobial Proteins Publishing model, 2022.
(27) Metabolic consequences of Helicobacter pylori infection and eradication, World Journal of Gastroenterology, 2014
(28) Helicobacter pylori: beneficial for most?, Expert Review of Gastroenterology & Hepatology, 2014
(29) Ecological models of gastric microbiota dysbiosis: Helicobacter pylori and gastric carcinogenesis, Medicine in Microecology, 2020
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