Accueil Traitements Postbiotiques : quels sont les bénéfices santé des acides gras à chaîne courte (AGCC) ?
Postbiotiques : quels sont les bénéfices santé des acides gras à chaîne courte (AGCC) ?
On ne présente plus le microbiote intestinal et son importance pour la santé. Mais les molécules qu’il produit, appelées « postbiotiques », sont moins médiatisées. Pourtant, elles intéressent les chercheurs en raison de leurs multiples actions dans l’organisme, et notamment leur capacité à préserver la santé intestinale et à moduler les systèmes immunitaire et neuroendocrinien. L’une des catégories de postbiotiques, les acides gras à chaîne courte (AGCC), est très prometteuse du fait de sa très large palette d’affections neuro-immuno-endocriniennes.
Des milliards de micro-organismes colonisent notre peau, ainsi que nos muqueuses nasales, orales, pulmonaires, gastro-intestinales et vaginales. Parmi eux, les bactéries constituant nos microbiotes, ou probiotiques, se sont révélées être des régulatrices indispensables et cruciales pour l’homéostasie métabolique, immunitaire et gastro-intestinale. Dans les compléments alimentaires, on les associe souvent aux prébiotiques – pour former un mélange appelé « symbiotiques » –, des fibres que les bactéries utilisent comme aliment et « digèrent » grâce à leur équipement enzymatique.
De ces réactions enzymatiques naissent des composés particuliers appelés « postbiotiques » (catégorie dans laquelle on inclut parfois les « parabiotiques », c’est-à-dire des débris cellulaires de probiotiques non-viables). Les probiotiques ne doivent pas forcément être vivants pour être actifs, puisque même inertes (c’est-à-dire tués par la chaleur), ils sont bénéfiques pour la santé grâce aux métabolites qu’ils produisent. Ceux-ci stimulent le microbiote intestinal, modulent l’immunité, luttent contre le stress oxydant tout en prévenant l’attaque des micro-organismes pathogènes (bactéries, virus) et le développement du cancer ou de l’obésité.
Les postbiotiques proviennent notamment de la digestion des glucides complexes et des protéines issus de l’alimentation et font partie intégrante de notre système métabolique. Qualitativement et quantitativement, ils sont dépendants des espèces bactériennes de notre intestin (probiotiques), mais aussi des substrats (« aliments » ou prébiotiques) mis à leur disposition.
Parmi les postbiotiques indispensables à notre santé et produits dans l’écosystème intestinal, citons les neurotransmetteurs, les acides aminés, certaines vitamines ou hormones, mais également les acides gras à chaîne courte (AGCC). Les AGCC les plus connus sont le butyrate, le propionate et l'acétate qui proviennent de la fermentation des glucides complexes de l’alimentation par des bactéries de type lactobacille. Objets de nombreuses publications récentes, ces AGCC procurent d’indéniables bénéfices santé.
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AGCC, santé intestinale et immunité
C’est directement dans l’intestin, lieu de leur production, que les AGCC commencent à exercer leurs actions positives. Le propionate, l’acétate, mais surtout le butyrate, sont capables de modifier la santé intestinale, et notamment de réduire l'inflammation intestinale et la carcinogenèse au niveau du côlon.
La dysbiose (déséquilibre) intestinale engendre une inflammation locale qui, lorsqu’elle devient chronique, donne naissance aux. MICI (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin), (1, 2, 3) . L’inflammation chronique génère alors une diminution de la production d’AGCC et donc une altération de la communication croisée entre les cellules immunitaires et le microbiote.
Les AGCC jouent en effet un rôle fondamental dans l’orchestration de la réponse immunitaire de l’organisme, à la manière de messagers qui peuvent réguler la production de nos cellules immunitaires innées (macrophages, polynucléraires) et adaptatives (lymphocytes) et leurs déplacements. Grâce aux actions anti-inflammatoires et immunomodulatrices des AGCC, les personnes souffrant de MICI, dont la maladie de Crohn (4) et la rectocolite hémorragique (5), pourraient bénéficier de l’action des postbiotiques, surtout dans les phases actives de ces maladies, par l’intermédiaire d’une nouvelle approche basée sur l’immunonutrition. Des études montrent aussi le potentiel du butyrate comme traitement alternatif permettant de lutter contre l’antibiorésistance ou pour améliorer l’efficacité de certains traitements de chimiothérapie contre le cancer colorectal.
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Postbiotiques, système nerveux et troubles neuropsychiques
Comme leur nom le laisse présager, les acides gras à chaîne courte sont, grâce à la fermentation intestinale, devenus suffisamment petits pour passer facilement de l’intestin à la circulation systémique, transitant par le foie où ils sont partiellement métabolisés, puis à travers la barrière hémato-encéphalique – dont ils sont par ailleurs capables de restaurer l’intégrité – pour atteindre le cerveau.
Cette caractéristique leur permet de jouer le rôle fondamental de « connecteurs » dans l’axe cerveau-intestin qui assurent le dialogue constant entre ces deux organes. Dans l’hypothalamus, ils modulent les niveaux de neurotransmetteurs, tels que la glutamine, le glutamate et le GABA. Dans le cortex et l’hippocampe, le butyrate réduit la neuro-inflammation et le stress oxydant in situ. Les études ont montré que la dysbiose est impliquée dans le développement de pathologies neuropsychiatriques comme la dépression, les maladies d’Alzheimer et de Parkinson ou les troubles du spectre autistique. Par conséquent, il n’est pas étonnant que l’on ait confirmé les effets stabilisateurs de l’humeur des AGCC dans le cadre de la dépression et des phases maniaques ainsi que leurs actions neuroprotectrices, améliorant les fonctions cognitives (6-10) . En retour, le cerveau peut impacter la composition du microbiote par l’intermédiaire de neurotransmetteurs.
Des postbiotiques pédiatriques aux gérobiotiques
Les postbiotiques contribuent à la maturation et au développement du tube digestif et du système immunitaire dès le début de la vie. La recherche s’active notamment pour trouver de nouvelles stratégies thérapeutiques pour prévenir la dysbiose intestinale dont sont victimes les bébés prématurés touchés par l’entérocolite nécrosante (ECN). Cette pathologie – une urgence vitale – est une nécrose de la muqueuse intestinale fréquente chez le nouveau-né prématuré. Le butyrate, anti-inflammatoire et régulateur de la maturation et de la différenciation intestinales du nouveau-né est un futur traitement très prometteur. Les études animales portant sur des intestins immatures (11, 12) ont montré que les postbiotiques (incluant les AGCC) améliorent la maturation de la barrière intestinale, avec une fréquence d’effets indésirables inférieure lorsque la souche Lactobacillus rhamnosus GG qui les produit était utilisée vivante. Par ailleurs, il a été montré que les postbiotiques dérivés de la fermentation du lait de vache par Lacticaseibacillus paracasei CBA L74 (contenant des AGCC) sont efficaces pour limiter les maladies infectieuses chez l’enfant (13), notamment l’infection au rotavirus (14). Les postbiotiques semblent donc être une alternative prometteuse aux probiotiques vivants, mais des études cliniques plus poussées sont encore nécessaires.
De l’autre côté de la ligne de vie, la recherche en gérontologie montre que les probiotiques peuvent être utilisés à titre prophylactique pour leur action « anti-âge » maintenant la santé et améliorant la qualité de vie des seniors. Les « gérobiotiques » (15) sont constitués de souches et de leurs postbiotiques qui jouent notamment un rôle dans la génèse et le traitement de la maladie d’Alzheimer (16). Les recherches ont montré le lien entre l’ingestion de gérobiotiques, aux vertus neuroprotectrices, et l’amélioration de la dysbiose et des fonctions cognitives.
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AGCC vs probiotiques : avantages et inconvénients
Quels sont les avantages des AGCC ? Utiliser directement ces postbiotiques, au lieu d’employer les souches qui les produisent, permettrait de s’affranchir de tout risque lié à l'utilisation de micro-organismes vivants d’une part, et d’augmenter la durée de vie des compléments alimentaires (les probiotiques en ayant une réduite). Un certain nombre de produits à base de butyrate sont d’ailleurs déjà sur le marché. Mais en s’affranchissant des probiotiques, on se prive aussi de tout leur attirail enzymatique qui nous aide à digérer les aliments et à détoxifier les substances telles que les médicaments ou les polluants environnementaux.. Le but serait donc, non pas d’éviter les probiotiques, mais bien de les combiner avec les postbiotiques.
Les symbiotiques sont définis comme étant un mélange de pré- et de probiotiques. La recherche émergente et déjà concluante sur les postbiotiques viendra-t-elle les ajouter aux symbiotiques pour proposer un effet synergique encore plus puissant ? C’est en tout cas ce que laissent penser les études en gastroentérologie qui montrent que la combinaison du butyrate avec des pré- ou des probiotiques améliore les effets bénéfiques sur le microbiote intestinal, notamment dans le cadre de l’entérocolite nécrosante (voir encadré précédent).
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Références bibliographiques
(1) « Regulatory role of short-chain fatty acids in inflammatory bowel disease », Cell Communication and Signaling, 2022, DOI: 10.1186/s12964-022-00869-5
(2) « Short Chain Fatty Acides (SCFAs)-Mediated Gut Epithelial and Immune Regulation and Its Relevance for Inflammatory Bowel Diseases », Frontiers in Immunology, 2019, doi: 10.3389/fimmu.2019.00277
(3) « Review article: Short chain fatty acids as potential therapeutic agents in human gastrointestinal and inflammatory disorders », Alimentary Pharmacology & Therapeutics, 2018, doi: 10.1111/apt.14689(4) « Butyrate inhibits inflammatory responses through NFkappaB inhibition: implications for Crohn’s disease », Gut, 2000, doi : 10.1136/gut.47.3.397
(5) « Oral administration of sodium butyrate attenuates inflammation and mucosal lesion in experimental acute ulcerative colitis », Journal of Nutritional Biochemistry, 2012, doi: 10.1016/j.jnutbio.2011.01.007
(6) « The role of the microbial metabolites including tryptophan catabolites and short chain fatty acids in the pathophysiology of immune-inflammatory and neuroimmune disease », Molecular Neurobiology, 2017, doi: 10.1007/s12035-016-0004-2
(7) « Impact of bacterial metabolites on gut barrier function and host immunity: a focus on bacterial metabolism and its relevance for intestinal inflammation », Frontiers in Immunology, 2021, doi.org/10.3389/fimmu.2021.658354
(8) « Neuroprotective effects of sodium butyrate through suppressing neuroinflammation and modulating antioxidant enzymes », Neurochemical Research, 2021, doi: 10.1007/s11064-021-03369-z
(9) « Sodium butyrate abolishes lipopolysaccharide-induced depression-like behaviors and hippocampal microglial activation in mice », Brain Research, 2018, doi: 10.1016/j.brainres.2017.12.004
(10) « Butyrate alleviates cognitive impairment by improving gut mucosal barrier function and blocking neuroinflammatory signaling in LDLR, p reprint, 2023, DOI: 10.21203/rs.3.rs-2485897/v1
(11) « Sodium butyrate alleviates intestinal inflammation in mice with necrotizing enterocolitis », Mediators of Inflammation, 2021, doi.org/10.1155/2021/6259381
(12) « Protective effect of sodium butyrate on the neonatal mouse model of necrotizing enterocolitis », PLAMJ, 2018, DOI: 10.11855/j.issn.0577-7402.2018.03.04
(13) « Evidence of the preventive effects of the postbiotic derived from cow’s milk fermentation with Lacticaseibacillus paracasei CBA L74 against pediatric gastrointestinal infections », Microorganisms, 2022, doi.org/10.3390/microorganisms11010010
(14) « Protective effects of the postbiotic deriving from cow’s milk fermentation with L. paracasei CBA L74 against Rotavirus infection in human enterocytes », Scientific Reports, 2022, DOI: 10.1038/s41598-022-10083-5
(15) « Gerobiotics: Probiotics for healthy aging », Gut Microbiota in Aging and Chronic Diseases pp 357–373, 2023, DOI: 10.1007/978-3-031-14023-5_16
(16) « Microbiota alteration and modulation in Alzheimer’s disease by gerobiotics: The gut-health axis for a good mind », Biomedicine & Pharmacotherapy, 2022, doi.org/10.1016/j.biopha.2022.113430
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