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Cannabis sativa L. : aussi fascinante qu’inquiétante

  • Cannabis sativa L. : aussi fascinante qu’inquiétante
Article paru dans le journal nº 67

Rares sont les plantes ayant suscité autant d’engouement que de répulsion par le passé. Petit historique du cannabis, des origines de son utilisation, au Néolithique, à sa progressive légalisation contemporaine.

Le cannabis est l’une des toutes premières plantes que les humains ont cultivées. Que ce soit pour sa fibre, ses propriétés médicinales ou ses capacités à provoquer une ivresse transitoire, un effet de relaxation, voire une modification de l’état de conscience, les hommes l’utilisent depuis au moins douze mille ans.

On a ainsi trouvé trace de la plante sur des peintures murales datant du Néolithique dans une grotte du sud-ouest du Japon. Des archéologues ont également trouvé des échantillons de fleurs de cannabis déshydraté âgé de dix mille ans dans une jarre de l’ère japonaise Jomon.

Cela fait belle donc lurette que l’homme utilise le chanvre (Cannabis sativa L.). En Chine, les premiers papiers ont été conçus à partir de fibres de cannabis. Au IXe siècle, les Arabes introduisirent le procédé en Occident pour remplacer supports en papyrus et tablettes. On a aussi confectionné, avec les fibres du chanvre, des tissus particulièrement résistants. Des Phéniciens aux Égyptiens jusqu’aux Vikings, tous s’en servirent pour fabriquer les voiles de leurs bateaux.

La médicinale la plus importante

Les effets psychotropes de la plante étaient connus bien avant l’ère chrétienne, tout comme ses vertus médicinales. C’est de Chine antique que sont originaires les premiers écrits mentionnant le cannabis sous sa forme médicamenteuse, laissant à la postérité un savoir auparavant transmis oralement. L’empereur Shen Nong, qui régna il y a quatre mille sept cents ans, citait ainsi le chanvre comme un remède naturel de grande importance, au même titre que le ginseng ou l’éphèdre. Aux premières lueurs de notre ère, la médecine traditionnelle chinoise se servait encore de la plante pour guérir une centaine de maladies.

Entre – 1 500 et – 200 av. J.-C., le cannabis a été également largement utilisé comme médicament dans la région méditerranéenne, de l’Égypte à la Grèce via l’Inde. Dans l’Avesta, recueil de textes sacrés des anciens Perses (– 700 av. J.-C.), le chanvre n’apparaît pas moins que comme la médicinale la plus importante.

Et pourtant, avec la lignée des médecins arabes, s’immiscent une fracture, une attirance et une répulsion. Aux héritiers des grandes médecines antérieures, fascinés par les vertus du cannabis, se substituent des médecins que l’on dirait réfractaires, à l’instar d’Ibn Wahshiyah qui déclara, au Xe siècle, que c’était un poison. À sa décharge, il ne connaîtra pas Paracelse, qui affirmera, six siècles plus tard, que « rien n’est poison, tout est poison : seule la dose est poison ».

Engouement médical et artistique

Au XIXe siècle, le Dr Jacques-Joseph Moreau de Tours, chef de la clinique psychiatrique d’Ivry, considérait le chanvre comme un remède important. À l’en croire, sur sept patients atteints de diverses pathologies plus ou moins graves qu’il traita avec du cannabis, cinq guérirent.

Quant aux peintres, poètes et écrivains tels Eugène Delacroix, Théophile Gautier, Charles Baudelaire, Alexandre Dumas ou Honoré Daumier, ils vantèrent les vertus de la plante à des fins créatrices.

Je t’aime moi non plus

Alors, diabolique ? Médicinal ? Panacée ? Le chanvre est certainement tout cela à la fois, se dévoilant ou dévoyant, en fonction de l’usage, blessant ou guérissant, guérissant ou blessant ­ – pour paraphraser Paracelse. Fascination et répulsion encore, en 1925, quand la Société des Nations ratifia la Convention internationale de l’opium : tout en bannissant le cannabis et ses dérivés, elle ne put se résoudre à en interdire formellement l’emploi médical et scientifique.

Un peu après, en 1937, lorsque le gouvernement fédéral des États-Unis décida de bannir le cannabis, le conseiller de l’American Medical Association, le Dr William C. Woodward, assura que cette drogue possédait « un potentiel dont il serait dommage de se priver à cause de cette loi. On devrait permettre au corps médical […] de développer l’utilisation de cette drogue comme bon lui semble ».

Plus de quatre-vingts ans plus tard, l’histoire a donné raison à ce médecin – dont l’avis n’eut aucun effet à l’époque – dans certains états américains, et ailleurs en Europe. Il est donc largement temps, en France, d’analyser le potentiel médicinal dont Cannabis sativa L. s’enorgueillit depuis des millénaires.

La légalisation en Europe

Pendant que l’ANSM réfléchit à la légalisation du cannabis thérapeutique, nos voisins européens sont nombreux à avoir statué sur la question. Dressons une petite liste non exhaustive : l’Allemagne a totalement légalisé le cannabis à des fins thérapeutiques en janvier 2017 ; l’Autriche, depuis juillet 2008 ; la Belgique, en 2001 ; la Croatie, le 15 octobre 2015.

La Finlande, elle, autorise le cannabis thérapeutique depuis une jurisprudence datant de 2006 dans le traitement du cancer, de la sclérose en plaques et du glaucome ; la Grèce, depuis 2017. L’Italie l’a autorisé en 2007 pour la sclérose en plaques, les douleurs chroniques, le glaucome, le VIH, l’anorexie, le cancer. Le Luxembourg a légalisé le cannabis médical tout récemment, le 28 juin 2018, comme le Royaume-Uni, le 1er novembre 2018.

Dans les pays baltes, seule l’Estonie a légalisé la consommation à des fins médicales depuis 2005 (mais dans des conditions si drastiques que, pour l’heure, seul un patient en a bénéficié !). La Pologne a légalisé le cannabis médical en juin 2017 ; la Roumanie, en 2013 ; la République tchèque, en avril 2013. Malte l’a également légalisé. Quant aux Pays-Bas, ils détiennent depuis 2002 le marché du cannabis thérapeutique et fournissent toute l’Europe via l’entreprise Bedrocan.

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé