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Prostate : un diagnostic cancéreux incertain

Article paru dans le journal nº 25

Progressant sans faire de bruit pendant des années, le cancer de la prostate est difficile à soigner car, on le découvre souvent lorsqu'il est beaucoup trop tard pour intervenir efficacement. D'où les campagnes de prévention régulièrement menées pour détecter à temps ce type de cancer. Mais ces dépistages sont-ils vraiment efficaces. La Haute Autorité de Santé elle-même a pris ses distances en se prononçant en défaveur du dépistage systématique.

Comme bien d’autres cancers, celui de la prostate apparaît et progresse des années durant à l’ombre du temps avant que l’émergence de symptômes gênants ne viennent enfin trahir son existence : problèmes mictionnels, douleur ou/et saignement en urinant ou en éjaculant, fracture spontanée au niveau d’une métastase osseuse.

L’envahissement est alors tel que dans un certain nombre de cas, les possibilités thérapeutiques encore capables de conduire à la guérison sont fortement restreintes.

De cet état de fait, les campagnes de dépistage tirent leur légitimité de sorte que, de nos jours, la principale circonstance de découverte de ce cancer est l’observation de l’élévation du taux de PSA (antigène spécifique de la prostate) lors d’un bilan systématique.

La confirmation du diagnostic repose sur l’étude microscopique de prélèvements (10 au minimum) effectués au niveau des zones louches repérées à l’échographie.

Le dépistage actuel ne réduit pas la mortalité

Malheureusement, le dépistage systématique - tel qu’il est aujourd’hui pratiqué - ne réduit pas la mortalité de façon significative. Face à ce constat, la Haute Autorité de Santé (France) a décidé de ne pas le recommander,  laissant l’homme vieillissant face à lui-même.

Consciente de ce vide, l’Association Française d’Urologie propose un ‘‘dépistage modulé en fonction de l’âge’’  :

  • De 45 à 54 ans : dépistage organisé pour les groupes à risque (antécédents familiaux, origine africaine ou antillaise).
  • De 55 à 69 ans : dépistage organisé annuel si le PSA est supérieur à 1 ng/ml, tous les trois ans si le PSA est inférieur à 1 ng/ml.
  • De 70 à 75 ans, dépistage individuel proposé au patient associé à une infor-mation sur la maladie, ses traitements et leurs effets indésirables.
  • Après 75 ans, le dépistage n’est pas recommandé.

PSA, un examen pas spécifique du cancer


L’élévation du taux sanguin de PSA ne relève pas que du cancer de la prostate, elle peut également être observée au cours de l’hypertrophie bénigne (adénome), d’une infection, d’une inflammation locale ou dans les suites d’un toucher rectal réalisé au cours des 48 heures précédant la prise de sang.

En outre, son interprétation est sans signification au dessous de 10 ng/l. En effet, quand le taux de PSA est inférieur à 4 ng/l (zone considérée comme normale), il n’assure pas l’absence de cancer  et quand il est compris entre 4 et 10 ng/l, il est responsable de faux négatifs comme de faux positifs.

D’où l’importance du toucher rectal : la découverte d’une tumeur signe alors presque à coup sûr la nature maligne du processus en cours, toutefois, l’absence de masse suspecte ne garantit pas la bonne santé de l’organe.

Ce manque de spécificité pousse à la pratique abusive de biopsies (au moins 45% d’entre elles seraient inutiles) et expose aux risques d’infection et d’augmentation rapide du taux de PSA.

Enfin, comme l'interprétation de ce taux interprétation entraîne un certain nombre de surdiagnostics (particulièrement chez les moins de 60 ans), il expose aussi aux effets indésirables parfois sévères des traitements entrepris en conséquence. En contradiction donc avec le premier principe de la médecine, « D’abord, ne pas nuire ! »

Il est donc urgent de réaliser des tests plus précis, mais à ce jour, malgré quelques améliorations, aucune étape réellement décisive n’a été franchie.

Actuellement, le test PCA3 est réalisé assez régulièrement quand le résultat de la biopsie est négatif : au-dessus d’un score de 35, cela signifie un risque plus important de biopsies positives à l'avenir. Ainsi, un certain nombre de biopsies itératives et inutiles serait évité.

Evolution spontanée

Celle-ci dépend essentiellement du degré d'agressivité de la maladie. Dans la majori-té des cas, cette dernière est faible de sorte que la majorités des patients porteurs de ce cancer meurent de toute autre chose.

Excepté les formes agressives, le cancer reste cantonné un long moment à la loge prostatique avant de s'étendre aux tissus voisins et d'essaimer à distance (essentiel-lement métastases ganglionnaires ou/et osseuses - principalement vertébrales - à l'origine de fractures spontanées et de douleurs térébrantes).

La question du pronostic

L’instant le plus redouté n’est pas l’annonce du diagnostic, mais l’éventualité d’être confronté à un pronostic sévère et à ses conséquences dramatiques : peu de chances de guérir, une espérance de survie considérablement réduite, des traitements aux résultats aléatoires et aux effets indésirables non négligeables et, possiblement, une fin dans des conditions difficiles.

Si ce moment est redouté par le malade, il l’est également par son médecin car ce dernier a rarement été formé pour faire face sereinement à ce type de situations.

L’estimation de l’espérance de survie repose actuellement sur la prise en compte conjuguée de la gravité du cancer et du degré d’évolution des éventuelles pathologies associées (diabète de type 2, hypertension artérielle, etc.)

L’évaluation de la gravité du cancer de la prostate

La sévérité du cancer est estimée d’après les résultats plusieurs grilles de lecture, principalement le taux de PSA, la classification TNM/FIGO et le score de Gleason.
Par ailleurs, quand la maladie est strictement localisée, le corps médical a recours un outil supplémentaire, la classification de D’Amico, qui chiffre le risque de rechute à partir du rapprochement des éléments des précédentes échelles d’évaluation.

La classification TNM/FIGO

Cette échelle comprend deux parties. La première ou TNM précise le degré d’envahissement de la tumeur : les indications qui suivent les lettres T (tumeur), N (extension ganglionnaire régionale) et M (métastase à distance) expriment le degré de sévérité de l’atteinte cancéreuse. La seconde classification ou FIGO exprime, quant à elle, le degré évolutif de la maladie (de 0 à IVB).

Le score de Gleason

Etabli à partir des observations faites au microscope de la désorganisation tissulaire, il exprime l’agressivité de la tumeur selon une échelle qui va de 2 à 10 : inférieur à 7, il signifie une faible agressivité, égal à 7, une agressivité moyenne et supérieur à 7, une très forte agressivité.

Partant du constat qu’un homme de 70 ans porteur de ce type de cancer vit en moyenne 15 ans s’il ne présente pas de comorbidité et 8,4 ans dans le cas contraire, les instances médicales françaises ont décidé de suivre des recommandations diffé-rentes selon que l’espérance de vie restante estimée est supérieure ou inférieure à 10 ans .

  1. Dans le premier cas, le choix thérapeutique est plus ou moins ouvert.
  2. Dans le second, l’attitude choisie varie entre simple surveillance, traitement hormonal ou traitement palliatif.

L’épineux problème du surdiagnostic et du surtraitement

Si l’allongement de l’espérance de vie est sans aucune doute un facteur majeur de la plus grande fréquence de cancer prostatique, l’augmentation considérable de cas diagnostiqués est essentiellement le fait du recours systématique au dosage du PSA (antigène spécifique de la prostate) depuis 1985.

En vérité, les cancers non évolutifs et les pseudo-cancers (faux positifs) sont venus gonfler les chiffres. D’où l’émergence du concept de surdiagnostic : détection de ‘‘cancers’’ qui n’auraient jamais mis la vie de la personne en danger mais qui entraînent un traitement .

L’application erronée du principe de précaution est la principale cause de ce phénomène qui prend l’ampleur d’une catastrophe : conséquence de l’évacuation de la mort du cadre de la vie par les sociétés de type occidental, le quidam comme le médecin sont désarmés quand ils sont confrontés à leur propre finitude ou à celle d’un de leurs proches ; leur premier réflexe est alors de croire qu’agir le plus vite et le plus fort possible est la seule solution valable.

Ainsi, le médecin justifie-t-il désormais sa démarche sur la prise en considération des seuls résultats de l’examen microscopique de la biopsie, justifiant son infraction à l’éthique médicale par le fait qu’il ne lui est pas encore possible de connaître avec une suffisante précision le pouvoir évolutif de la tumeur repérée. Un véritable blanc-seing donné au diable !

Il est également certain que cette dérive est encouragée par une logique du profit alimentée plus ou moins consciemment par plusieurs corps de métiers du secteur de la santé, au détriment de l’individu et de l’économie publique. Ainsi, le dépistage est-il devenu, ‘‘une forme d’acharnement contre le cancer’’ .

Enfin, la patient et sa famille ont eux aussi une part de responsabilité dans l'émer-gence et l'entretien de ce phénomène : le client demande de plus en plus fréquemment un dosage de PSA "afin d'être rassuré" !? Le médecin est alors contraint à un exercice des plus périlleux : ne pas en faire trop ni en faire trop peu auxquels cas il s'expose à des poursuites judiciaires ! Le respect des RMO (recommandations médicales obligatoires) est alors pour lui la meilleure des protections.

Quelles perspectives pour l'avenir ?

La solution viendra-t-elle du chien de compagnie ? En effet, un système olfactif canin entraîné serait capable de repérer la présence dans les urines de composés chi-miques volatils spécifiques du cancer de la prostate . Ces premiers résultats sont toutefois à prendre avec d'autant plus de réserve que les investigations plus pous-sées menées dans le cadre du dépistage olfactif d'autres maladies se sont toutes révélées décevantes.

 

Références :

Haute Autorité de Santé : « Dépistage du cancer de la prostate – Analyse critique des articles issus des études ERSPC et PLCO publiés en mars 2009 », Juin 2010, 50 pages.

Haute Autorité de Santé : « Haute Autorité de Santé : « Cancer de la prostate : identification des facteurs de risque et pertinence d’un dépistage par dosage de l’antigène spécifique prostatique (PSA) de populations d’hommes à haut risque ?», Février 2012, 80 pages.

Site Internet de l’Institut National du Cancer : « Recommandations sur le dépistage du cancer de la prostate », « Indicateur 335 - Recommandation émise par l’AFU (Association Française d’Urologie) ». Page visitée le 04 avril 2015.

I. M. Thompson, D. K. Pauler, P. J. Goddman, and coll. : « Prevalence of Prostate Cancer among Men with a Prostate-Specific Antigen Level !4.0 ng per Milliliter » dans « The New England Journal of Medicine », May 27, 2004 ; 350(22), pp. 2239-2246.

H. G. Welch, and P. C. Albertsen : « Prostate cancer diagnosis and treatment after the introduction of prostate-specific antigen screening: 1986-2005 » dans « Journal of the National Cancer Institute », October 07, 2009 ; 101(19), pp. 1325-1329.

FIGO : International Federation of Gynecology and Obstetrics.

CF « Vidal Recos : recommandations en pratique 2014 », pp. 400-416.

B. Junod : « Dépistage du cancer : surdiagnostic et logiques institutionnelles », 02 décembre 2005.

B. Junod : Référence déjà citée.

G. Taverna, L. Tidu, F. Grizzi, and coll. : " Olfactory System of Highly Trained Dogs Detects Prostate Cancer in Urine Samples " dans "Journal of Urology", September 28, 2014; pii: S0022-5347(14)04573-X


 

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