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Aux sources de l'intestin irritable

  • Les aliments de base eux-mêmes peuvent aussi, dans bien des cas, perturber le système digestif.Les aliments de base eux-mêmes peuvent aussi, dans bien des cas, perturber le système digestif.
Article paru dans le journal nº 110

Intestins douloureux, transit chaotique et autres ballonnements figurent parmi les problèmes digestifs qui perturbent au quotidien l’existence de millions de personnes. Tour d’horizon des origines de ces dérangements, rassemblés sous l’appellation du « syndrome de l’intestin irritable », et des moyens naturels de les soulager. - Partie 2

En dehors de déterminismes génétiques somme toute assez rares, les habitudes alimentaires et le style de vie peuvent à la fois contribuer à un syndrome de l’intestin irritable et en être la bouée de sauvetage si on se donne la peine de les corriger.

De nombreux ingrédients alimentaires suspects

Le problème vient autant de ce que nous mangeons que de la manière dont nous le mangeons – trop vite, sans conscience, à n’importe quelle heure… Les préparations alimentaires intègrent une somme astronomique d’ingrédients dont les implications sur la santé n’ont pas été évaluées. Des études ont cependant mis en lumière le rôle délétère d’émulsifiants couramment utilisés en alimentation humaine, comme la carboxyméthylcellulose, soupçonnée de perturber, à moyen terme, la composition du microbiote intestinal et de favoriser l’inflammation. De même, les polysorbates, des agents de texture courants, sont aussi sur la sellette depuis des années car susceptibles de contenir des résidus nocifs comme l’oxyde d’éthylène, et suspectés de modifier l’absorption intestinale. Et plus on investigue, plus la liste s’allonge : autres émulsifiants, édulcorants, maltodextrine, carraghénanes, colorants, conservateurs… Autant d’ingrédients qui portent atteinte à la flore intestinale, à l’intégrité de la muqueuse et vraisemblablement au système nerveux entérique.

Une bactérie qui protège des effets néfastes des émulsifiants ?

Si vous voulez mélanger de l’huile et de l’eau, il vous faut un émulsifiant. C’est ce que fabrique l’industrie l’agro-alimentaire pour améliorer la texture et prolonger la durée de conservation des aliments. Mais les émulsifiants, très généreusement utilisés dans les produits ultra-transformés, ont des effets néfastes connus sur l’intestin. Ils dégradent la couche de mucus, ce qui favorise une perméabilité excessive, une perturbation du microbiote et des phénomènes inflammatoires. Des scientifiques ont peut-être trouvé une parade : la bactérie Akkermansia muciniphila*, naturellement présente dans l’intestin. Des souris à qui l’on a administré des émulsifiants mais également une dose d’Akkermansia ne présentaient pas les effets habituellement observés : inflammation, altérations du métabolisme, hausse de la glycémie… Plus la présence de la bactérie est importante, plus l’individu serait protégé des effets néfastes des émulsifiants. Mais le mieux ne reste-t-il pas de limiter notre consommation d’émulsifiants ?

*N. Daniel, A. T. Gewirtz et B. Chassaing, dans BMJ Journals, janvier 2023.

Certains aliments de base à surveiller également

Mais ces ingrédients artificiels, qui se rencontrent surtout dans les préparations commerciales « élaborées », ne sont pas les seuls à créer des problèmes. Les aliments de base eux-mêmes peuvent aussi, dans bien des cas, perturber le système digestif. Nous mangeons tous, à l’occasion, des fruits, des légumes, des viandes, des poissons, des aromates, des produits laitiers et bien sûr des produits de boulangerie dont certains composés embarrassent notre digestion (puis notre métabolisme) parce que nous ne sommes pas adéquatement « équipés » (en enzymes digestives, par exemple) pour les digérer correctement.

Sans susciter des manifestations aussi radicales que des allergènes bien connus comme les arachides, les crustacés, les œufs et autres, de nombreux aliments peuvent entraîner un niveau d’intolérance inférieur, et néanmoins actif et délétère. Ils sont susceptibles, avec le temps, de jouer le rôle d’antigènes et peuvent stimuler le système immunitaire de manière inopportune, aboutissant possiblement à un état inflammatoire chronique, voire à une pathologie auto-immune.

Les aliments fermentés adoucissent la digestion

Les aliments lacto-fermentés (par exemple la choucroute, le kéfir, le pain au levain…) sont l’objet d’une « prédigestion », notamment des protéines, induisant un enrichissement en vitamines et antioxydants, ainsi que le développement d’une microflore spécifique.

Résultat : la digestion est plus facile et permet à l’intestin de se régénérer et de mieux absorber les nutriments.

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Éviter de manger la nuit et entre les repas

La facilité avec laquelle nous avons accès à une offre pléthorique de petits plaisirs sucrés et salés entre les repas pourrait bien être un important facteur de dysbiose intestinale. En effet, notre système digestif a besoin que chaque étape de la digestion puisse être complétée avant que ne lui soit imposé un nouveau cycle. De même, la période de « jeûne » nocturne est essentielle pour le tractus digestif, qui doit pouvoir s’expurger de manière régulière.

Manger à intervalles trop rapprochés serait l’une des principales causes d’un autre trouble du système digestif, le Sibo (pour small intestinal bacterial overgrowth) ou pullulation bactérienne du grêle (PBG). Cette dernière pourrait avoir des répercussions en aval du tractus digestif, et n’est pas facile à distinguer des autres maladies digestives telles la maladie cœliaque, les colites inflammatoires ou l’intestin irritable. Les tests respiratoires (à l’hydrogène, en première intention) sont l’examen de référence pour le diagnostic de la PBG. D’après une méta-analyse de 2020, le Sibo concernerait 31 % des personnes présentant un syndrome de l’intestin irritable, mais selon d’autres sources, cette proportion pourrait monter à 75 % !

L’indispensable « complexe moteur migrant »

L’intestin grêle, chargé de l’absorption des nutriments, n’a pas vocation à être colonisé par une importante flore bactérienne (prolifération bactérienne du grêle ou PBG). Pour s’en préserver, il procède à intervalles réguliers (90 minutes environ) à une « chasse » mécanique, appelée complexe moteur migrant. Manger trop souvent affaiblit cette vague assainissante, ouvrant la voie à la pullulation de bactéries telles les Bacteroïdes, qui favorisent les malabsorptions.

Chouchouter nos cellules immunitaires

Les dégâts que nous infligeons au microbiote, que ce soit par nos habitudes alimentaires, la médicamentation, mais aussi d’autres facteurs comme notre écosystème mental et psychique ou encore le stress que nous subissons, s’étendent aussi à la sphère de l’immunité : la lumière intestinale abrite en effet la plus grande population de cellules immunitaires. Outre leur interdépendance avec la richesse de la flore intestinale, celles-ci sont continuellement exposées aux toxines, antigènes et autres pathogènes véhiculés par le bol alimentaire. Ces cellules mènent une lutte perpétuelle pour neutraliser rapidement ces agents, ce qui sous-entend l’existence d’un certain niveau d’inflammation « physiologique ».

Mais dans le même temps, l’ensemble de l’écosystème intestinal doit éviter de glisser vers une inflammation chronique, susceptible d’engendrer une atteinte auto-immune (maladie de Crohn, colite ulcéreuse), ou d’induire des altérations fonctionnelles, comme un affaiblissement du péristaltisme par exemple. Ce véritable exercice d’équilibriste est notamment possible avec le concours d’un microbiote sain, qui semble être la pierre angulaire de l’ensemble des subtiles interactions qui se jouent avec les cellules immunitaires, le réseau neuronal intestinal et le système nerveux central.

Les probiotiques à la rescousse

La plupart des probiotiques participent au confort intestinal. Certaines souches ciblent cependant plus efficacement le SII, notamment les bifidobactéries :

    • Bifidobacterium infantis 35624 réduit les douleurs et les ballonnements et tend à normaliser le transit dès trente jours de prise, améliorant sensiblement la qualité de vie.
    • Bifidobacterium lactis DN-173010, incorporé à certains yaourts, accélère et facilite le transit chez les malades avec constipation.
    • Bacillus coagulans LBSC est une autre lignée commercialisée qui soulage elle aussi les douleurs, les nausées et vomissements, et la diarrhée aussi bien que la constipation.

De nombreux autres micro-organismes, tels L. plantarum LP01 et L. acidophilus LA02 ou Saccharomyces boulardii, ont aussi confirmé leur contribution et sont aussi commercialisés.

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Un deuxième cerveau très sensible au stress

Le système nerveux entérique, souvent appelé « deuxième cerveau » et fort de ses quelque 200 millions de neurones, contrôle de manière autonome l’ensemble du process digestif : vascularisation, motilité, sécrétions des fluides gastriques, entre autres. Il est donc inévitable que tout dysfonctionnement de ce réseau neuronal ait un impact sur le fonctionnement gastro-intestinal. De nombreux travaux récents indiquent que l’homéo- stasie au sein de l’écosystème digestif dépend d’interrelations étroites entre les systèmes nerveux entérique et central, le microbiome et l’écosystème immunitaire intestinal. Une interférence dans ces interactions peut initier une rupture de l’homéostasie, capable d’engendrer un syndrome de l’intestin irritable.

Plusieurs travaux récents sur les souris ont mis en évidence l’implication directe du stress et d’émotions négatives dans l’initiation de symptômes évoquant le syndrome de l’intestin irritable. Le stress est suspecté de modifier la composition du microbiote, et chez les sujets très jeunes, y compris en période périnatale, d’altérer le développement du système nerveux entérique de manière supposée irréversible (au regard des connaissances actuelles). Avec des conséquences sur l’intégrité de l’épithélium intestinal, la motilité et les sécrétions digestives, mais aussi, ultérieurement, sur la capacité à répondre au stress. Les atteintes du système nerveux entérique varient depuis de simples perturbations dans sa biochimie jusqu’à la perte totale de cellules gliales (cellules de soutien des neurones) sur certaines sections de l’intestin.

Ces altérations toucheraient, par ailleurs, préférentiellement les femmes, pour des raisons encore obscures, mais impliquant probablement certaines hormones comme la FSH et la LH (qui déclenchent l’ovulation).

Le système nerveux entérique peut aussi faire l’objet de neuropathies, au même titre que le système nerveux central, consécutives notamment à une infection, des agents toxiques (y compris les antibiotiques pris trop précocement dans la vie) ou d’autres maladies comme le diabète ou encore les maladies neurodégénératives.

 

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