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S’alimenter selon ses génotypes
Du fait de la longue histoire de l’évolution et des déplacements des groupes humains sur le globe, nous sommes aujourd’hui inégalement outillés génétiquement pour bien assimiler telles ou telles classe d’aliments (lipides, féculents, lactose…). C'est pourquoi l'idée d'un régime universellement bon pour tout le monde est naïve. Et si, au lieu d’adopter un régime alimentaire aussi sain soit-il, nous découvrions grâce à un test, le régime alimentaire le plus adapté à notre ADN individuel ? Un régime qui épouserait donc notre patrimoine génétique, et préviendrait les maladies que nous sommes particulièrement susceptibles de développer. Du véritable sur-mesure aujourd’hui accessible qui nécessite un focus. A l’occasion de la sortie d’un nouveau livre sur le sujet, nous vous expliquons les bases de cette approche et comment s’y prendre.
Pour chaque gène dont nous sommes constitués, soit environ 22 000, nous héritons de manière en partie aléatoire de l’une ou l’autre des deux copies de nos parents, qu’ils ont eux-mêmes héritées des leurs. Les gènes comprennent généralement deux allèles, qu’on appelle aussi polymorphismes, ce qui donne à chacun d’entre nous un génotypage spécifique qui nous rend uniques.
Ces génotypes vont déterminer des spécificités biologiques d’un individu en lien avec sa santé. On testera l’allèle des différents génotypes pour savoir s’ils sont homozygotes ancestraux, homozygotes modernes ou bien un mélange des deux (hétérozygotes). Selon les résultats, chacun pourra adapter son alimentation(1). S'il est possible d'en tester plusieurs, les quatres génotypes alimentaires suivants nous paraissent les plus importants.
Le génotype ApoE (apolipoprotéine E) et le métabolisme des graisses et des lipides
L'ApoE est le génotype à faire tester en priorité, puisqu’il détermine le métabolisme des graisses et des lipides, ainsi que l’équilibre du cholestérol et de la glycémie. En fonction de l’allèle, il prédispose au diabète de type 2, à l’obésité, aux pathologies cardio-vasculaires ou neurodégénératives, et notamment à l’apparition de la maladie d’Alzheimer, pathologies qu’il est possible de (tenter de) prévenir en adaptant diète et hygiène de vie. Pour simplifier, un test de ce génotype vous permettra de déterminer sur vous êtes apoE2, apoE3 ou apoE4.
- les apoE3 sont les plus nombreuses (75 %)
- les apoE4 beaucoup moins (20 %)
- les apoE2 moins encore (5 %).
La paléo-anthropologie rapporte de ses fouilles que nos lointains ancêtres étaient probablement tous porteurs du gène apoE4. Ils consommaient très peu de graisses et d’aliments riches en cholestérol, une diète paléolithique qui ne nécessitait pas un bon métabolisme lipidique. Aussi, les porteurs actuels d’apoE4 sont aujourd’hui mal outillés pour assimiler correctement les graisses et ont tendance à les accumuler. Ce sont les plus à risque de développer des maladies cardio-vasculaires, en stockant du cholestérol dit LDL, en particulier oxydé, le plus dangereux de tous. Les apoE4 sont donc invités à limiter, voire supprimer les produits laitiers et les viandes grasses, qui plus est si leurs dosages métaboliques confirment cette tendance à l’hypercholestérolémie. En revanche, et contrairement aux E2 et dans une moindre mesure les E3, les E4 tolèrent mieux les glucides et peuvent aisément opter pour une diète végétarienne, méditerranéenne ou flexitarienne.
Les E3 sont apparus plus tard dans l’histoire, à une période au cours de laquelle les humains ont été confrontés à un climat plus froid, mais se sont aussi davantage nourris de viande grasse. Aussi, si les E3 peuvent plus facilement gérer leurs apports en graisses (mieux métabolisés), ceux en glucides doivent être réduits. Ici, le régime recommandé est un cétogène modéré, à ajuster en fonction des résultats des dosages métaboliques, de l’activité physique et de l’état émotionnel.
L’allèle E2, le plus récent, est celui qui métabolise le mieux les graisses, ce qui le protège aux niveaux cardio-vasculaire et neurologique, mais qui tolère le moins les glucides, qu’il gagnera à supprimer pour prévenir diabète de type 2 et obésité.
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Comment se faire tester ?
Les laboratoires de biologie en France ne pratiquent pas les tests génomiques comme en Belgique et dans les pays anglo-saxons, sinon en cas de maladies génétiques suspectées. Concrètement, sous réserve d’avoir une prescription médicale – qui peut être établie par un médecin en France –, il suffit de contacter un laboratoire réalisant ces tests, qui établit un devis puis envoie un kit sanguin ou salivaire. Le coût est à considérer de deux façons : nos gènes étant immuables, on ne se fait tester qu’une fois. Aussi, au regard des bénéfices pour la santé, c’est un investissement salutaire. Compter 50 à 60 € par test détaillé dans le livre (voir en bas de l'article), et environ trois semaines pour obtenir les résultats. Notons que tous les laboratoires n’emploient pas les mêmes terminologies, ce qui ne rend pas toujours facile la lecture des résultats.
Le génotype DIO2 et la fonction thyroïdienne
Le génotype DIO2, relatif à la fonction thyroïdienne, est, lui, indirectement alimentaire puisqu’en lien avec le métabolisme des glucides. La paléogénomique révèle que la mutation du DIO2 ancestral au DIO2 moderne a été des plus fulgurantes (seulement 15 000 ans !).
Les porteurs actuels du DIO2 ancestral (environ 13 % de la population) convertissent mal la prohormone T4 en hormone active T3, contrairement aux "modernes", qui convertissent bien. Entre les deux, les hétérozygotes sont plus proches de l’allèle moderne.
Avec l’avènement du Néolithique et de l’agriculture, l’alimentation est devenue plus glucidique (céréales, légumineuses, tubercules, etc.), nécessitant davantage d’hormones thyroïdiennes pour maintenir l’équilibre du métabolisme des glucides, mais aussi l’immunité, la résistance au froid et aux infections, plus nombreuses avec la sédentarisation et la promiscuité.
Les homozygotes "ancestraux" auraient tout intérêt à savoir qu’ils le sont pour soutenir leur production de T3 – a fortiori en cas d’hypothyroïdie frustre, avérée ou mal équilibrée – pour s’assurer d’avoir tous les apports en cofacteurs indispensables à la production de T4 (L-tyrosine, iode, vitamines, minéraux, etc.) et individualiser leurs traitements hormonaux thyroïdiens. L’allèle " ancestral " requiert en outre de limiter la consommation de glucides qui sollicitent une conversion plus importante de la T4 en T3.
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Le génotype AMY1A et la gestion des féculents
Le génotype AMY1A fait état de la capacité – bonne, intermédiaire ou mauvaise selon l’allèle hérité – de l’enzyme salivaire, appelée alpha-amylase, à décomposer les aliments contenant des amidons (des sucres complexes) au cours de la première étape de leur digestion.
Un peu plus de la moitié de la population ne dispose pas assez d’amylase, comme au Paléolithique où céréales, féculents et légumineuses n’étaient pas encore cultivés. La mutation du gène, sous la pression des changements alimentaires depuis environ 15 000 ans, lorsque l’alimentation est devenue de plus en plus riche en amidon, a entraîné l’apparition d’hétérozygotes, soit aujourd’hui un bon tiers de la population, dont la capacité à prédigérer ces sucres complexes est correcte, puis les homozygotes " modernes ", possédant de nombreuses copies du gène facilitant grandement ce travail digestif préparatoire. Ces derniers ne représentent qu’une petite fraction de la population.
Il est avéré que plus on mange de féculents, plus il faut de copies du gène pour les digérer. Ainsi, les porteurs de l’allèle ancestral sont particulièrement exposés, si leur diète est riche en amidon, à la perméabilité de leur muqueuse intestinale ou aux maladies inflammatoires de l’intestin (Mici), associées en général à un déséquilibre du microbiote intestinal (dysbiose, Sibo, etc.). En outre, la résistance à l’insuline, moins performante, fait courir le risque de développer un diabète de type 2.
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Connaître ses génotypes ne suffit pas
Les tests génomiques ne suffisent pas à assurer une prise en charge médicale globale et dispenser des conseils alimentaires entièrement personnalisés. La médecine fonctionnelle – une approche systémique de l’individu qui recherche la cause des symptômes ou dysfonctions du corps avant qu’ils ne deviennent des pathologies établies – les associe systématiquement à l’anamnèse environnementale, à l’étude des antécédents personnels et familiaux, à un bilan métabolique et à la recherche de carences ou d’excès micronutritionnels et hormonaux. L’ensemble permettra au médecin ou praticien de santé d’établir des réglages fins.
Le génotype LCT et la digestion du lactose
Avant le Néolithique et l’élevage, l’humanité ne consommait pas de produits issus des laits animaux. C’est entre –10 000 et –5 000 ans avant notre ère que le génotype LCT a commencé à muter dans certaines régions du globe, s’orientant vers plus de production de lactase, l’enzyme de digestion du lait et ses dérivés. Aujourd’hui, les porteurs de l’allèle ancestral y sont intolérants, soit une grande partie de la population mondiale, tandis que les porteurs de l’allèle moderne le tolèrent bien. Les hétérozygotes digèrent le lactose à dose raisonnable, ce qui devrait se traduire dans leurs choix alimentaires.
Le génotype LCT permet donc de connaître sa capacité à tolérer le lactose (sucre des produits laitiers) contenus dans les laits animaux, les laitages et la crème. Les fromages à pâte dure, " prédigérés " par le processus de fermentation, sont peu concernés par cette enzyme. Le mieux est d’associer le test du LCT avec celui des anticorps (IgG) relatifs aux protéines du lait, afin de s’assurer de pouvoir manger des produits laitiers sans troubles digestifs. En effet, en cas d’intolérances au lactose comme aux protéines des laits animaux, ballonnements et flatulences sont en général les premiers signes d’une inflammation de bas grade, mettant à rude épreuve la perméabilité intestinale et entraînant une prolifération bactérienne (dysbiose, Sibo).
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Autres génotypes qu'on peut tester
Outre ces quatre génotypes, il en existe d’autres liés à la santé, notamment intestinale. L’un d’eux, FUT2, est responsable de la sécrétion, bonne ou mauvaise selon l’allèle hérité, de fucose sur la paroi intestinale. Cette substance prévient de nombreux troubles intestinaux, d’une dysbiose aux maladies auto-immunes associées à la perméabilité intestinale (maladie de Crohn, de Gougerot-Sjögren, etc.). En fonction de la quantité de fucose sécrétée, l’écosystème intestinal pourra être sain ou non.
Voilà donc les génotypes alimentaires qu’il est éclairant de faire tester pour se connaître " de l’intérieur " et adapter sa diète afin de prévenir certains déséquilibres et pathologies. Comme tout véhicule conçu pour fonctionner avec un type de carburant, notre organisme se doit d’être huilé pour prévenir la casse. En définitive, donner des conseils alimentaires sans connaître les génotypes d’un patient peut certes s’avérer utile mais peut aussi être inadapté.
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Aller plus loin :
"Je mange selon mes génotypes. Comment mon ADN détermine mon assiette", du Dr Georges Mouton et Julie Lioré, éd. Exuvie, octobre 2024.

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé
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