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Alimentation à la carte… génétique

Article paru dans le journal nº 90 Acheter ce numéro
  • La nutrigénomique étudie la manière dont les aliments agissent sur l’organisme.La nutrigénomique étudie la manière dont les aliments agissent sur l’organisme.

La nutrigénomique étudie la manière dont les nutriments impactent l’expression des gènes. Elle propose un éclairage nouveau sur l’identification de ceux qui, associés à des nutriments, prédisposent à certaines maladies. Elle renforce l’idée maintes fois développée de l’importance des choix alimentaires sur notre santé.

Le séquençage du génome humain (ensemble du matériel génétique d’un organisme codé par l’ADN) a fini d’être établie en 2003, insufflant l’émergence de disciplines scientifiques. La nutrigénomique s’inscrit dans la génomique nutritionnelle, une approche basée sur l’épigénétique et l’alimentation. Elle étudie les interactions entre aliments et expression des gènes. Deux pistes de recherches sont en cours.

La nutrigénétique tente de comprendre l’assimilation d’un aliment afin de déterminer l’hérédité en cause dans la variabilité des réponses individuelles à certains nutriments. Les gènes, codés par l’ADN des chromosomes, forment la source d’information génétique indispensable au fonctionnement des cellules et du corps humain. Comment notre patrimoine génétique influence la réaction d’un individu à son alimentation ? Pourquoi untel ne prend pas un gramme malgré ses excès alors qu’un autre prend un kilo à la moindre gourmandise ?

La nutrigénomique étudie la manière dont les aliments agissent sur l’organisme en identifiant les groupes de gènes qui s’expriment. De manière imagée, les nutriments ingérés « allument » ou « éteignent » les gènes. Il existe une grande diversité de génomes hérités expliquant la diversité de métabolismes et de biodisponibilités des nutriments au sein de la population. La nutrition a un impact majeur sur la santé, par son action sur l’expression des gènes impliqués dans les voies métaboliques et/ou l’incidence des mutations génétiques. Les choix et comportements alimentaires diffèrent d’une région à l’autre, les caractéristiques culturelles et socio-économiques sont également à considérer.

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Trois millions de Français

À l’occasion de la Journée internationale des maladies rares, l’Inserm publiait le 23 février 2021 qu’environ trois millions de Français sont atteints de maladies génétiques1. Sur les 6 000 maladies génétiques identifiées, on connaît pour la moitié d’entre elles le gène en cause. Mais qui dit génétique ne dit pas forcément héréditaire ! Certaines maladies génétiques se déclenchent suite à une anomalie génétique apparue au cours de la vie, telles que certaines maladies neurodégénératives et certains cancers, ou suite à un défaut de fabrication de cellules reproductrices parentales. Le génome du nouveau-né est porteur d’une anomalie alors que le génome des parents est intact. Le lien entre prédispositions familiales face à certaines maladies et leur développement est une connaissance acquise qui ne doit pas faire oublier le rôle des facteurs environnementaux dans leur déclenchement. Sédentarité, sommeil, alimentation, polluants, stress sont essentiels dans la régulation de l’expression des gènes ; les recherches en épigénétique le montrent2.

Une prévention optimisée

Les composants de l’alimentation interagissent avec les mécanismes moléculaires opérant dans les cellules. La nutrigénomique tend à prouver que la nutrition agit sur notre santé tout au long de la vie. L’alliance de la génétique et de la bio-­informatique pourrait un jour prévenir des pathologies telles que le diabète et les maladies cardiovasculaires souvent associées au surpoids et à l’obésité. Nous ne sommes pas tous égaux face à l’alimentation. Notre ADN est à 99,9 % identique à celui de notre voisin mais le 0,1 % restant détermine l’unicité de chacun. Prenons l’obésité ; chaque être se distingue par sa façon de métaboliser des composants alimentaires tels que les sucres, les graisses et par l’intensité de son appétit ! Les recherches font émerger des gènes susceptibles d’intervenir dans la prédisposition à une maladie liée à la nutrition. Identifier des sous-populations regroupant des génotypes à risque pour certaines maladies afin d’affiner les conseils nutritionnels serait une immense avancée pour la prévention. Ces nouvelles connaissances pourraient aussi expliquer pourquoi beaucoup de régimes ne fonctionnent pas, car non adaptés à certains métabolismes.

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Pour le meilleur ou le pire ?

Les travaux du Pr Walter Wahli et son équipe du Centre intégratif de génomique de l’université de Lausanne indiquent que ce que nous mangeons n’est plus en adéquation avec notre patrimoine génétique hérité de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs3. S’ils sont optimistes sur la capacité de nos gènes à s’adapter un jour à tous ces changements, aujourd’hui notre organisme pâtit de la malbouffe et de la sédentarité. À l’heure qu’il est, certaines entreprises proposent des solutions censées nous aider à choisir les aliments qui nous sont adaptés. Une description de votre génome vous est proposée sur la base d’un échantillon de salive et, selon votre profil, on vous remet clefs en main des conseils de repas, d’aliments et d’exercices physiques. Autre innovation : on séquence le génome des selles et en fonction de la cartographie de votre microbiote un régime individualisé vous est proposé. Des chercheurs de l’université de Totonto ont créé Nutrigenomix, des tests génétiques pour une nutrition personnalisée4. Le résultat de ces tests informe les personnes sur la façon dont leur organisme métabolise les aliments. Sur la base de ces données des diététiciens les guident dans des choix nutritionnels adaptés. Le café est-il bon pour vous ? Devez-vous manger sans gluten ? Plus besoin de réfléchir, toutes ces informations devraient vous éviter bien des maux, voire prévenir des maladies. Dès 2013, la FDA (les gendarmes américains du médicament) mettait en garde la population contre les fraudes sur Internet pour la nutrition personnalisée.

Prendre du recul

Mais attention, aussi prometteuse que soit la nutrigénomique, il semble bien qu’on soit encore très loin de conseils fiables à 100 %. Le cardiologue et professeur de médecine moléculaire à l’Université de Cleveland, Éric Topol, auteur de Deep Medicine5 explique sur la base des nombreuses recherches6 qui ont analysé de grands ensembles de données, « elles nous ont appris à quel point l’hypothèse d’un régime alimentaire universel est simpliste et naïve. Elle est biologiquement et physiologiquement invraisemblable, car elle contredit la remarquable hétérogénéité du métabolisme humain, du microbiote et de l’environnement, pour ne citer que quelques-unes des dimensions qui rendent chacun de nous unique ». Il ne faudrait pas négliger le contexte génétique. Si les analyses actuellement proposées par toutes ces start-up sont en effet pertinentes, les données recueillies sont pour l’instant insuffisantes pour élaborer des conseils fiables. Éric Topol précise qu’à l’analyse poussée du microbiote doivent s’ajouter des informations précises sur le mode de vie, les antécédents familiaux, l’anatomie, la physiologie, le système immunitaire, les traitements médicaux, l’environnement de vie ainsi que la possibilité d’analyser des milliers de gènes.

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Le message des gènes sert de mode d’emploi

Quand bien même les avancées scientifiques majeures en génomique nutritionnelle et en bio-informatique permettraient des conseils fiables, sommes-nous prêts à nous laisser guider dans notre alimentation par la toute-puissance du Big Data ? Des nombreuses questions éthiques restent en suspens. À ce jour, ces tests ne remplacent pas une évaluation médicale, des tests d’investigation et un suivi médical. La nutrigénomique a toutefois de beaux jours devant elle et offrira très certainement des perspectives intéressantes dans la prévention des maladies, l’éducation nutritionnelle adaptée en défendant l’intérêt plus qu’essentiel d’une alimentation saine. Des études à grande échelle et des tests fiables, que savons-nous ? Des carences en certains nutriments peuvent endommager le matériel génétique tout comme d’ailleurs l’exposition à des substances carcinogènes. Faut-il le rappeler, les gènes sont des séquences d’ADN, le message qu’ils portent sert de mode d’emploi pour fabriquer les protéines qui assurent les différentes tâches nécessaires au bon fonctionnement des cellules de notre corps. Ainsi, certains composants des aliments (vitamines, oligoéléments, acides gras) agissent comme de véritables signaux qui contrôlent l’activité des gènes. Des micronutriments viennent se greffer sur les protéines qui activent à leur tour les gènes, on peut les comparer à des interrupteurs. D’autres micronutriments peuvent aussi marquer l’ADN par l’ajout de groupements chimiques qui modulent l’expression des gènes. Beaucoup de mécanismes ne sont pas encore élucidés. À titre d’exemple, l’OMS annonçait en 2020 que la carence en fer est la carence nutritionnelle la plus répandue dans le monde. Le fer assure des fonctions importantes telles que le transport de l’oxygène, la synthèse de l’ADN et le métabolisme musculaire7.

Les antioxydants protègent l’ADN

L’activité oxydante, induite par la respiration cellulaire, expose notre génome aux phénomènes d’oxydation qui modifient voire provoquent la mort cellulaire ! Les antioxydants que l’on trouve dans notre assiette vont lutter contre ces méfaits : vitamines A, C, E, polyphénols des végétaux (vin rouge, thé vert, cacao, café, raisin, pomme, oignons, myrtilles, etc.) caroténoïdes, oligoéléments comme fer, zinc, manganèse, sélénium, fruits et légumes crus, plantes aromatiques et épices.

Une assiette diversifiée

Les acides gras oméga-3 et 6 présents dans les céréales, graines oléagineuses, légumineuses, huiles végétales, œufs, etc., les micronutriments (vitamines, minéraux, oligoéléments) et phytonutriments (éléments nutritifs synthétisés par les plantes tels que la quercétine issue des oignons ou des pommes, les curcuminoïdes du curcuma, et autres polyphénols) ont une incidence très positive sur l’ADN8 et un vrai potentiel dans la prévention de certaines maladies dont le cancer, alors ne nous en privons pas !

 

  1. presse.inserm.fr/journee-internationale-des-maladies-rares-2021/42244
  2. N. Ayesha, H. B. Mir M, A. Zaheer, et al. dans Critical Reviews in food science and nutrition, février 2019.
  3. La Nutrigénomique dans votre assiette, Walter Wahli et Nathalie Constantin, éd. De Boeck, 2011.
  4. https://nutrigenomix.com
  5. Deep Medicine, How Artificial Intelligence Can Make Healthcare Human Again, Éric Topol, éd. Basic Books, 2019.
  6. www.food4me.org/scientific-publications/
  7. www.who.int/fr/news/item/20-04-2020-who-guidance-helps-detect-iron-deficiency-and-protect-brain-development
  8. A. M. Mahmoud, M. M. Ali, « Methyl Donor Micronutrients that Modify DNA Methylation and Cancer Outcome » dans Nutrients, mars 2019.

Compléments d’infos : www.cnetfrance.fr/news/demain-des-regimes-personnalises-grace-a-l-ia-et-la-nutrigenomique-39882073.htm

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé

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