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L’anus : tabou ultime du patient ?
Mycoses, gaz, hémorroïdes… La simple évocation de ces mots génère un malaise chez la plupart d’entre nous. Au point parfois de retarder la consultation d’un médecin et donc une possible guérison. Afin que plus jamais la honte ne nuise à votre santé, nous vous proposons de briser ces tabous et d’apprendre à détecter les signes qui doivent vraiment vous alerter.
Moins méconnus ces dernières années grâce à certains ouvrages et à la médiatisation importante de la notion de microbiote, les troubles liés au tube digestif peuvent générer une honte sociale et nécessitent parfois des examens, comme le toucher rectal, provoquant beaucoup d’appréhensions chez certains patients.
L’anus : tabou ultime du patient
« Ce livre est un pet que je ne pouvais plus retenir, une façon de dire “j’en ai plein le cul”, plein le cul de vivre dans la honte de ce problème de santé, plein le cul de ne pas être entendue par le corps médical. J’ai décidé de “traduire” les cris de mon cul, de me faire l’interprète de ma symphonie rectale. » Par ces mots d’introduction à son livre À fleur de pet, Dora Moutot, journaliste, illustre avec humour la honte qui tenaille parfois les patients atteints de pathologies gastro-intestinales. Comme l’explique le médecin François Donette, la sphère digestive est en effet mentionnée par les patients comme « motif de consultation gênant », surtout s’il s’agit de diarrhée, perçue comme « sale et honteuse ». Avouer avoir la diarrhée porterait atteinte à l’estime de soi, et l’idée même de « devoir montrer son anus au médecin » est vécue comme « humiliante » et génère une « anxiété anticipatoire ».
Le Dr Étienne Gorez, gastro-entérologue spécialiste en proctologie exerçant à la clinique La Croix du Sud près de Toulouse, confirme que la zone anale, considérée comme « sale », souffre parfois d’un « manque d’attention » de la part des patients. Après vingt-cinq années de pratique, il observe toutefois que ceux qui tardent à venir le consulter au point de perdre des chances de guérison sont « rares ». Une fois en consultation, ces derniers lui semblent plutôt en confiance. Quand gêne il y a, ce serait plutôt auprès du médecin généraliste : « Les patients semblent avoir plus de mal à évoquer des symptômes liés à la sphère anale devant un médecin qu’ils voient plus régulièrement. Et inversement, les médecins traitants semblent parfois avoir du mal à proposer ou faire accepter à leurs patients de les laisser examiner leur anus. »
Le guide des selles
Tout va bien :
- Selles lisses, compactes, marron, expulsées quotidiennement ou tous les deux à trois jours.
Consultez si le phénomène persiste plusieurs jours :
- Douleurs ou nausées accompagnées de diarrhée ou de constipation.
- Apparition de mucosités blanches, épaisses et visqueuses (possible signe d’une infection par bactérie ou d’un colon inflammé).
- Selles claires (possibles troubles du foie ou de la vésicule) ou très malodorantes.
Consultez rapidement :
- Selles noires (possible signe de saignements dans la sphère digestive).
- Selles accompagnées de sang rouge vif (signe de possibles troubles hémorroïdaires, d’un syndrome de l’intestin irritable ou cancer digestif).
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Fini l’examen à quatre pattes ?
Une catégorie de patients semble particulièrement réticente à évoquer les problématiques liées à la sphère anale et à redouter le toucher rectal : les hommes hétérosexuels. Comme le décrivent plusieurs études sociologiques, cet examen qui « implique une position passive et la pénétration du corps » peut être perçu comme « dévirilisant ». Pour autant, dans la pratique, si le Dr Gorez observe parfois « un certain malaise », il précise qu’il est « extrêmement rare » que des patients aient des réticences à se faire examiner : « Quand ils viennent, ils sont préparés psychologiquement et ce type d’examen coule de source. »
Il rappelle qu’il faut mettre à bas l’image d’Épinal du toucher rectal « à quatre pattes ». Dans la réalité, depuis plus d’une décennie, cette position n’est plus que rarement pratiquée au profit de la position, plus pudique, du décubitus latéral où le patient s’allonge sur le côté, genoux fléchis.
Échanger entre patients
Après un long parcours fait de honte et de silence, la journaliste Dora Moutot (atteinte d’une pathologie rare des intestins) conseille aux patients qui souffrent du même type de pathologie de ne pas hésiter à se diriger vers la naturopathie, la nutrition et la phytothérapie qu’elle trouve d’une grande utilité, mais également à échanger avec un patient « expert » ou à rejoindre un groupe d’échanges entre patients qui lui ont été « d’une grande aide ». Elle a d’ailleurs créé sur Facebook le groupe « Sibo France », le premier groupe de soutien pour les francophones qui souffrent d’une dysbiose intestinale.
Douleurs et saignements réguliers : n’attendez pas pour consulter !
Des saignements réguliers de l’anus ou du rectum, des douleurs (ressenties au début durant la défécation puis de manière permanente) ainsi qu’un prolapsus (descente d’organes par le rectum) doivent vous pousser à consulter. Comme l’explique le Dr Gorez : « Il s’agit parfois de cancers qui évoluent depuis quelques mois et à côté desquels on passe parce que l’on tarde à venir consulter. Ces signes ne sont pas forcément liés à un cancer mais il faut écarter cette possibilité. »
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Références bibliographiques
Louis Braverman, « " Rien n'est jamais entré par là !" Résistance et inconfort des hommes liés au toucher rectal », Recherches sociologiques & anthropologiques, vol. 48, 2017.
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