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Troubles psy : invisibles et honteux

  • Les troubles psychologiques parmi les plus tabous chez les patientsLes troubles psychologiques parmi les plus tabous chez les patients
Article paru dans le journal nº 105

Mycoses, gaz, hémorroïdes… La simple évocation de ces mots génère un malaise chez la plupart d’entre nous. Au point parfois de retarder la consultation d’un médecin et donc une possible guérison. Afin que plus jamais la honte ne nuise à votre santé, nous vous proposons de briser ces tabous et d’apprendre à détecter les signes qui doivent vraiment vous alerter.

Souvent imperceptibles au regard extérieur, les troubles psychologiques ou de mémoire sont néanmoins extrêmement envahissants. Ceux qui en souffrent doutent non seulement de leurs propres capacités mais subissent en outre une stigmatisation sociale forte.

Troubles de mémoire : à partir de quand s'alarmer ?

D’après un sondage de 2014, 47 % des Français affirment qu’ils ne révéleraient pas qu’ils souffrent d’une maladie neurodégénérative comme Alzheimer, dont un tiers par « peur des moqueries ». En effet, qui ne s’est jamais dit, avec une pointe d’appréhension, après avoir oublié ses clefs : « Alzheimer me guette » ? Après l’âge de 50 ans, plus de la moitié d’entre nous se plaint d’une moins bonne mémoire. Par honte ou peur de perdre leur autonomie, beaucoup n’osent pas en parler, voire cachent certains symptômes.

Quand faut-il consulter ? Non pas si vous avez parfois oublié vos clefs mais dès que ces troubles affectent le quotidien, se répètent ou se couplent de troubles visuo-spatiaux. Par exemple, si vous oubliez régulièrement ce que l’on vient juste de vous dire, l’emplacement d’un objet très familier, le prénom d’un proche ou si vous éprouvez des difficultés à effectuer des formalités administratives qui autrefois vous paraissaient simples. Toutefois, du surmenage ou une dépression peuvent aussi expliquer une baisse de mémoire temporaire, inutile donc de vous alarmer trop tôt.

Enfin, généralement, les patients atteints de ce type de maladies ne se rendent eux-mêmes pas compte de leurs pertes de mémoire ; si vous vous en plaignez, c’est donc, a priori, plutôt bon signe. (Lire dans le prochain numéro d’AS le dossier consacré à la mémoire.)

TOC ou pas TOC ?

Nous avons tous des manies ou des habitudes, cela ne signifie pas pour autant que nous souffrons de TOC. Le TOC (trouble obsessionnel compulsif) ou « rituel obsessionnel » se reconnaît à la souffrance qu’il engendre. Comme l’explique le psychiatre Franck Lamagnère dans TOC ou pas TOC ? (éd. Odile Jacob), il a un caractère « obligatoire, envahissant, et se traduit par une perte de liberté et un retentissement sur la vie personnelle et professionnelle ». Ainsi, vous souffrez d’un TOC si vous avez l’impression de ne pas pouvoir faire autrement, de ne pas être libre.

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Dangereux, paresseux, incurables ?

Jean-Yves Giordana, psychiatre à Nice et auteur de La stigmatisation en psychiatrie et en santé mentale (éd. Elsevier Masson), nous explique que, dans toutes les cultures, les troubles psychiques s’accompagnent de préjugés laissant supposer que la personne en question est « violente, dangereuse, imprévisible, irresponsable et incurable ». Un baromètre réalisé en 2021 par l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques indique en effet que dans 41 % des cas, l’entourage réagit avec de la peur et/ou de la prise de distance à l’évocation d’une maladie psychique.

Intériorisant à leur tour ces stéréotypes, les malades se sentent honteux, au point que deux tiers d’entre eux ne vont pas chercher l’aide dont ils ont besoin. Si les troubles du sommeil ou de l’anxiété sont mieux acceptés, la dépression ou les maladies qui altèrent le rapport à la réalité, comme la schizophrénie ou le trouble bipolaire, sont celles qui « occasionnent le plus souvent un vécu de honte et un retard à la demande d’aide », selon le psychiatre.

Une perte de temps préjudiciable

Comme l’explique Jean-Yves Giordana, « une prise en charge précoce améliore pourtant considérablement les possibilités de rétablissement des patients et la réponse au traitement ». Le cas de la dépression – première cause de suicide dans l’Hexagone – l’illustre dramatiquement. En effet, 70 % des personnes qui se suicident souffraient d’une dépression, le plus souvent non diagnostiquée ou non traitée.

Au cœur de ces errances diagnostiques, la notion de honte apparaît centrale, même chez les soignants. Alors que 20 à 30 % des consultations de généralistes concernent les troubles mentaux, ces médecins partagent sur la maladie mentale « les mêmes représentations sociales péjoratives que le grand public », selon le Dr Giordana. Pour y remédier, chacun d’entre nous peut travailler à diminuer ses préjugés. Des groupes de travail entre patients ou à destination du grand public sont d’ailleurs proposés, parfois en accès libre (comme les modules HOP sur le site seretablir.net/outils-interventions).

Pensées suicidaires, libérer la parole pour sauver des vies

« J’ai parfois eu des pensées suicidaires. Et j’en suis peu fier. On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire. Ces pensées qui nous font vivre un enfer. » En janvier dernier, par ces mots issus de sa chanson L’Enfer, le chanteur belge Stromae a osé aborder le difficile sujet du suicide et certainement contribué à sauver des vies. En effet, le rappeur américain Logic, avec son titre de 2017 sur le suicide, avait permis, selon une étude parue dans le British Medical Journal, de réduire de 5,5 % le taux de suicide chez les jeunes Américains durant le mois ayant suivi sa forte exposition médiatique. Le titre de la chanson était le numéro d’appel d’urgence de prévention des suicides aux États-Unis.

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Références bibliographiques

Dossier « Vieillissement cérébral », M. Sarazin, Service de psycho-neuro-gériatrie, hôpital Bretonneau, Paris, mai 2000.

« Quelle place pour les maladies neurodégénératives dans la société ? Maladie de Parkinson, sclérose en plaques quel est le regard des Français ? », sondage TNS Sofres pour l’Espace éthique Île-de-France, 2014.

« Baromètre Unafam 2021 », www.unafam.org.

« La dépression en savoir plus pour en sortir », Santé Publique France, octobre 2007.

« Mieux comprendre le suicide », Ministère des solidarités et de la santé, septembre 2021.

« Association of Logic’s hip hop song “1-800-273-8255” with Lifeline calls and suicides in the United States: interrupted time series analysis », British Medical Journal, décembre 2021.

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé


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