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L’approche corps/esprit pour se libérer de la douleur chronique
La douleur chronique s’est imposée comme une condition courante, souvent synonyme de perte de qualité de vie. Sa prise en charge fait communément appel à la médicamentation antidouleur, mais celle-ci a ses limites et n’est pas sans conséquences. Des solutions alternatives et complémentaires existent, encore faut-il qu’elles soient connues, et accessible. -Partie 3
Les dernières découvertes en imagerie du cerveau et en physiologie de la douleur plaident pour une profonde intrication entre notre psychisme et notre corps physique. Devant une douleur chronique, il apparaît sensé d’envisager des notions comme la douleur « nociplastique » et la dimension psychique, ou psychosomatique.
Réapprendre à bouger
La douleur chronique n’est pas qu’une question d’inconfort. Elle engendre des changements subtils de comportements pour éviter d’avoir mal. On s’interdit (souvent inconsciemment) certains mouvements et postures – cela s’appelle la kinésiophobie –, on perd progressivement de l’amplitude, du tonus, de la motricité et de la coordination, s’engageant ainsi dans un cercle vicieux de compensations qui créent de nouvelles sources de douleur. Ce processus sous-entend souvent une perte de lien social, lorsqu’on renonce à des activités de groupe, ou qu’il faut se résoudre à un arrêt de travail prolongé.
Il importe donc de ne pas se laisser immobiliser. Des études ont montré que l’exercice, aérobie1 et anaérobie2 (d’endurance ou intense), contribue à soulager les douleurs chroniques, à maintenir la capacité physique fonctionnelle, à diminuer la fatigue, favoriser le sommeil et entretenir le moral. L’aide d’un(e) physiothérapeute ou d’un(e) kinésithérapeute peut s’avérer nécessaire pour réapprendre à se mouvoir sans risque de se blesser, en ajustant au mieux ses postures, sa vitesse d’exécution et la mobilisation des muscles adéquats.
Yoga et Pilates : ne vous laissez pas scléroser
La douleur peut être à l’origine ou la conséquence de désordres moteurs et posturaux. On s’en rend rapidement compte quand on pratique des disciplines comme le yoga et le Pilates, qui font jouer des muscles que nous sollicitons spontanément très peu, comme la ceinture abdominale et la ceinture scapulaire. Lorsque ces muscles, dits « profonds » ou « posturaux », ne sont pas assez puissants, toute notre structure peut s’en trouver déséquilibrée et souffrir, tant lors de positions prolongées (maintien) qu’en mouvement (coordination), entraînant des douleurs musculaires, articulaires et nerveuses. Les études suggèrent que yoga et Pilates aident à rééquilibrer le travail des groupes musculaires et à augmenter la conscience de son corps, prémunissant de la douleur et restaurant fluidité et confort dans nos positions et nos gestes quotidiens.
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Quand le mental est à la source de la douleur
La médecine reconnaît presque spontanément la composante psychique à l’ulcère de l’estomac par exemple, mais y est moins encline pour les problèmes articulaires ou musculaires, plutôt vus sous l’angle de la seule mécanique cartésienne, radiographies à l’appui. La complexité du parcours d’une souffrance psychique3 jusqu’à son expression physique explique peut-être le manque de considération pour l’aspect psychosomatique. Une dimension pourtant intégrée par la médecine traditionnelle chinoise. Ainsi, une situation de conflit ou d’angoisse affecte des organes comme le foie ou les reins, dont les « stases » ou les « vides » sont susceptibles de se répercuter à différents niveaux de la colonne vertébrale. Un effet qui peut entraîner d’autres déséquilibres au niveau d’articulations comme les hanches, les genoux ou les épaules. À chaque étape, des douleurs spécifiques tentent d’alarmer, mais si l’on se contente de les faire taire sans chercher plus loin, on risque d’arriver à des situations bancales au point de nécessiter des chirurgies, voire des prothèses.
Élargir le champ d’investigation
Nous devons tous composer, un jour ou l’autre, avec des contrariétés, des conflits, des pertes et autres stress psychiques qui perturbent de manière inconsciente notre fonctionnement physiologique. L’anxiété, la tension ou la détresse qui en découlent sont susceptibles de muer en un dysfonctionnement physique, par un mécanisme de somatisation. Ce phénomène jouit pourtant de peu de considération en médecine générale ; la dimension « psy » ne sert le plus souvent que de « voie de garage » devant une impasse thérapeutique, aiguillant le patient vers la psychiatrie — où les antidépresseurs prennent le relais des antidouleurs.
Une approche émergente propose d’aller un peu plus loin : c’est le modèle biopsychosocial, qui considère la douleur comme un mécanisme complexe où le vécu du patient douloureux – notamment au sein de son environnement familial et professionnel – occupe une place centrale. Cette démarche intègre un objectif de participation du sujet à l’amélioration de sa situation en rapport avec ses douleurs.
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Reprendre la main sur la douleur
Le modèle antédiluvien de compréhension de la douleur veut qu’elle soit causée par une lésion anatomique et suppose une relation directe entre la douleur et l’atteinte tissulaire. Ainsi, un mal de dos, par exemple, entraînera sûrement une imagerie (radio, scanner ou IRM) dans l’intention de détecter une hernie discale ou une autre lésion constatable. Si ce n’est pas le cas, le patient repart avec des antidouleurs, et le risque que la situation se dégrade, jusqu’à la fameuse constatation par imagerie.
Le modèle biopsychosocial reconnaît, quant à lui, la contribution de plusieurs facteurs, interagissant les uns avec les autres dans la genèse de l’expérience douloureuse. Cette approche sera mieux en mesure d’identifier, par exemple, une forte pression psychologique ou une position délétère au travail, ou encore une personnalité anxieuse, facteurs pouvant induire des tensions musculaires assez puissantes pour initier des douleurs chroniques.
Ce modèle est aussi plus propice à l’implication du patient, qui n’est plus réduit à une position passive juste bonne à recevoir la sanction et à avaler ses pilules avec l’injonction implicite d’aller mieux à la fin du traitement. En s’intéressant non seulement aux causes biologiques de la douleur, mais aussi à la vie de son patient, sa personnalité et ses souffrances, le praticien lui offre de comprendre ce qui l’a amené devant lui, et peut lui proposer un panel thérapeutique plus ciblé. C’est le principe des équipes pluridisciplinaires des centres contre la douleur, qui proposent différents recours comme la psychothérapie, la thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie familiale, voire l’hypnothérapie ou l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing, ou en français : « désensibilisation et retraitement par le mouvement des yeux »), ou encore les thérapies manuelles telles l’ostéopathie, le shiatsu ou l’acupuncture. Ces techniques peuvent aider à mieux vivre les situations de stress, mais aussi à mieux vivre la douleur, en la rendant plus supportable.
Méditation, sophrologie, hypnose : les ressources du cerveau contre la douleur
La douleur chronique mobilise notre attention, siphonne notre énergie et entraîne bientôt une modification de la perception de soi.
Méditation, sophrologie et hypnose permettent d’atténuer ces dévoiements en remodelant l’activation des sphères cérébrales. En induisant une profonde relaxation, ces techniques permettent à la personne douloureuse de prendre conscience de ses perceptions et de ses émotions, lui offrant de les influencer plutôt que seulement les subir. Elles peuvent aussi dénouer des racines psychosomatiques de la douleur, le cas échéant. Si les mécanismes restent mystérieux, les résultats sont bien là !
Reprogrammer le cerveau
On s’est aperçu, aux cours des dernières décennies, que certaines douleurs pouvaient bel et bien « être dans la tête », sans pour autant être imaginaires. Ce sont les douleurs nociplastiques4, qui seraient les manifestations cliniques du « syndrome de sensibilisation centrale » : la douleur ne résulte plus uniquement d’une sensibilisation périphérique, mais également d’une réactivité accrue des neurones nociceptifs du système nerveux central. On retrouverait cette composante dans la fibromyalgie, par exemple.
Pour la contrer, une équipe de recherche américaine a tenté une sorte de « rééducation du cerveau »5. Les auteurs sont partis du postulat inhérent au concept de la douleur nociplastique : chez le public expérimentant la douleur chronique, les réseaux neuronaux impliqués sont hyper-sensibilisés à force d’avoir été excités, les conduisant à surréagir ensuite à des stimuli de faible intensité. Et ce d’autant plus facilement que le patient développe souvent une peur inconsciente, voire irrationnelle, de réveiller la douleur. L’équipe s’est donc employée à apprendre aux patients le rôle du cerveau dans l’entretien de la douleur chronique, à l’appréhender différemment dans le cadre de mouvements qu’ils craignaient d’effectuer, et à gérer les émotions susceptibles d’exacerber la douleur. En quelques séances, les participants ont réappris à bouger sans crainte, en prenant conscience de leurs sensations, minimisant les risques et réintégrant à leur quotidien des mouvements qu’ils avaient pris l’habitude d’éviter. La méthode a été un succès, avec 66 % des patients qui déclaraient n’avoir plus ou presque plus mal à l’issue de l’expérience.
Références bibliographiques
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