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L’instinct maternel n’existe pas ?

  • L’anxiété pendant cette phase de la périnatalité occasionne une dépression chez une femme sur quatre.L’anxiété pendant cette phase de la périnatalité occasionne une dépression chez une femme sur quatre.
Article paru dans le journal nº 115

Des bouleversements majeurs affectent plusieurs dimensions de la vie d’une femme suite à son accouchement. Par leur diversité, ils façonnent le paysage de cette période appelée post-partum. S’il est difficile d’appréhender la singularité de cette expérience, identifier les phénomènes en jeu et leurs origines peut être un socle pour bien l’accompagner. Partie-4

L'« instinct maternel », qu'entend-on par là ? S’il s’agit des supposées prédispositions d’une nouvelle mère à savoir comment prendre soin de son nourrisson ou à comprendre ses réactions, de manière innée, dès lors qu’il est délivré de son ventre, alors il est vraisemblable que ces attentes soient très contrariées. Comprendre les pleurs, déchiffrer les besoins, être attentive aux premières manifestations et tentatives de communication, identifier un problème, etc., sont, selon les neurosciences, tant de compétences qui se développent à l’expérience, à l’épreuve de cette relation qui se construit au fil du temps entre la mère (si on lui en donne les moyens) et son enfant. On ne parle plus d’aptitudes fournies dans un programme interne de la femme devenant d’un coup accessible dès qu’elle devient mère. Cela est d’autant plus vrai dans nos sociétés occidentales, où les enjeux culturels, économiques et sociétaux contribuent à perturber les éventuelles prédispositions instinctives (facilitatrices d’attachement) issues de millénaires de reproduction de l’espèce et enregistrées dans le cerveau reptilien. Une interprétation plus subtile d’un « instinct maternel » mérite alors de questionner le contexte des naissances. Des modifications cognitives et physiologiques, notamment hormonales, s’opèrent pendant la grossesse et l’enfantement, et continuent pendant le post-partum, si bien qu’elles peuvent favoriser l’attachement et la réponse aux stimuli du nourrisson. En d’autres mots, tout le monde s’interroge sur le bien-fondé du concept d’instinct maternel sans porter son attention sur les conditions qui peuvent effectivement permettre son émergence. L’expérience et l’environnement humain vont considérablement moduler l’expression du maternage. Doit-on pour autant condamner l’idée qu’il est prévu, dans le plan de survie de l’espèce, un meilleur sentiment d’attachement imminent à la naissance pour conserver et s’occuper de son bébé ?

Nouveaux rythmes

Pendant le post-partum, une bonne imprégnation hormonale est propice à d'intenses émotions exaltantes. Mais d’importants changements vont avec l’inévitable phase de résistance et de doutes que chaque transition occasionne. Se préparer à accueillir un nourrisson est différent de le vivre vraiment, et s’adapter aux nouveaux rythmes a sa part de contraintes qu’il serait indécent de réduire au tabou sous couvert d’un événement heureux.

Lire aussi "De tout temps, on a contraint la femme dans son rôle de mère", Dr Bernadette de Gasquet

Des modifications cérébrales réelles

Dès la grossesse, de grandes mises à jour et connexions sont faites et se poursuivent en post-partum. Le cerveau de la femme est plus plastique qu’il ne le sera jamais, tel un élagage neuronal, en éliminant les connexions qui servent le moins pour encourager l’établissement de nouvelles. La " perte " de matière à l’extérieur du cortex (cerveau conscient) mise en évidence par l’imagerie n’est autre qu’une reconfiguration pour renforcer la communication entre les autres zones, comme pour rendre le cerveau plus " efficace ", réactif, et apte aux apprentissages intensifs. Cette plasticité impacte le fonctionnement cérébral au long cours, pour le meilleur et pour le pire. En effet, cela conduit parfois à l’exacerbation des réactions émotionnelles, idéalement pensées pour la protection de son enfant, mais bien mal comprises dans notre culture. Ces bouleversements, auxquels s’ajoutent les variations biochimiques (neurotransmetteurs, hormones…), la fatigue, l’adaptation au nouveau poste parental se confrontent à une culture qui ne les accueille pas. L’anxiété pendant cette phase de la périnatalité occasionne une dépression chez une femme sur quatre. Pourtant, il n’existe toujours presque aucune structure ou protocole sanitaire dédié à s’occuper des femmes, et peu de remises en question de la place du post-partum. En outre, de nombreuses situations d’infantilisation voire d’humiliation des femmes dans le contexte actuel des naissances, où tout est chronométré et contrôlé, les éloignent de leur confiance, nécessaire à cette étape cruciale de la vie. Alors, philosopher autour de l’instinct maternel devrait porter l’ambition de déculpabiliser les mères plutôt que de nier sa nature et d’en déposséder les femmes.

Quelques idées pour préparer son post-partum

Il s’agit de connaître les attentes réalistes dans le lien avec son bébé durant cette période. Trouver une organisation et identifier les personnes-ressources sont les bases pour répondre aux exigences de cette phase. Profiter des dernières semaines de grossesse pour préparer de riches plats congelés afin de s’épargner ce temps-là pendant les premiers temps avec bébé ; prévoir un soutien pour les tâches ménagères ; repousser les premières visites pour permettre une immersion exclusive avec son bébé et de l’intimité pour les soins de la mère, etc. Il est possible de réaliser un guide du « parfait visiteur » qui explique ses souhaits, à donner à l’entourage en amont, ou encore des « bons-cadeaux » pour orienter vers des services à rendre plutôt qu’un énième doudou.

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé


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