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Manger en respectant son horloge interne : la chronobiologie alimentaire en pratique
Domaine de recherche en pleine expansion, la chrononutrition étudie l’interaction entre rythmes biologiques (circadien jour/nuit, et saisonnier), nutrition (moment, composition et portions des prises alimentaires) et métabolisme (horloge interne, faim/satiété, activité cellulaire, état de santé). Quels enseignements en tirer pour son alimentation quotidienne ? Proposition de menus types pour une mise en pratique rapide.
La chronobiologie alimentaire, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit de manger certains types d’aliments, donc d’utiliser leurs nutriments, au moment où le corps en a le plus besoin, quand il les assimile le mieux. Cette manière de manger est basée sur l’horloge biologique du corps, son horloge interne, en fonction des différentes sécrétions hormonales et enzymatiques. Cette rythmicité, avec ses pics et ses creux, est une propriété fondamentale de tous les organismes vivants.
La chronobiologie alimentaire n’est autre que mettre en place ou rétablir une bonne rythmicité des repas. Nous devons ce mécanisme à notre patrimoine génétique : les transmissions hormonales et les sécrétions enzymatiques sont programmées de longue date.
La chronobiologie alimentaire ou chrononutrition, dont il est question ici, n’est pas centrée sur l’amaigrissement et les préconisations du Dr Delabos. Elle s’appuie plutôt sur les travaux des Drs Mestre et Rapin, qui montrent à quel point une mauvaise rythmicité alimentaire peut affecter nos modulations métaboliques et entraîner à terme obésité et pathologies associées. Si les deux approches partent de la même théorie, elles se distinguent dans la démarche et la pratique.
Quatre repas sont en effet programmés au cours de la journée, repas qui correspondent aux quatre pics quotidiens de cortisol : le petit-déjeuner, le déjeuner, le goûter et le dîner, soit :
– vers 6-8 h du matin, heure à laquelle le pic de cortisol est le plus important, celui du réveil et du jour (cycle circadien),
– fin de matinée, vers 11 h 30, l’heure où le besoin d’un café – qui mime l’action du cortisol – se fait particulièrement sentir,
– 16 h, l’heure du goûter, de l’envie de grignoter, souvent des aliments sucrés, pour se redonner un peu de tonus avant la fin de la journée,
– 20 h, qui est le pic le plus bas : le cortisol, l’hormone du jour, cède sa place aux hormones de la nuit, mélatonine et hormones de croissance.
Le petit-déjeuner
Les recherches en chrononutrition ont notamment montré l’importance du petit-déjeuner, après le jeûne prolongé de la nuit, dans la synchronisation de l’horloge interne. Celle-ci aurait des effets sur le bilan énergétique et le métabolisme, donc sur l’état de santé.
À retenir : l’organisme requiert, aux premières heures du jour, des lipides et des protéines. Les premières sous forme d’acides gras saturés, c'est à dire des graisses qui restent solides à température ambiante. Quant aux glucides, attention aux apports : plus le pancréas aura à sécréter d’insuline, plus les risques d’hypoglycémie deux heures après la prise alimentaire sont prévisibles. Conséquences : chute d’énergie, nervosité, voire irritabilité dans la matinée.
Suggestions de petit-déj chronobio et régulateurs d'énergie, à tester et à alterner.
Deux petits-déjeuners tout-terrain :
- Une ou deux tartines de pain de bonne qualité (bio, bis, complet, levain) toasté et tartiné avec, au choix, du (vrai) beurre, de l’huile solide de coco, une ou deux cuillères à soupe de purée d’oléagineux au choix (amandes, noisettes, cacahuètes, etc.), un avocat écrasé et citronné, de la tapenade.
- Ou un bol de céréales maison : banane écrasée avec un filet de citron, 2 c. à soupe de noix de coco râpée, 2 c. à soupe de flocons (sarrasin, millet, avoine…), 1 c. à soupe de purée d’oléagineux au choix, 2 c. à soupe de graines (lin broyé, courge, tournesol, chia…) ou, pour les plus gourmands, 1 c. à soupe de pépites de chocolat noir (70 %), le tout délayé avec 10 cl. de lait végétal sans sucres ajoutés (millet, amande, avoine…)
Sinon, piochez dans les idées ci-dessous pour combiner une portion de protéines et une portion de bons lipides.
Sources de protéines :
- Une portion de fromage de bonne qualité (sans additifs, lait cru)
- ou 2 œufs (bien cuire le blanc, peu ou pas le jaune : au plat, à la coque, mollets ou encore, légèrement brouillés mélangés à 1 c. à soupe de crème de coco)
- ou, à l’occasion, 1 tranche de jambon cuit (préférez-le sans sel nitrité ou E250)
Sources de bons lipides :
- Une poignée d’oléagineux entiers nature, autrement dit, non grillés ni salés (et si vous n’en avez pas déjà consommé sous forme de purée) : noix, amandes, cacahuètes coques…
Plus boisson
- Une boisson tiède en hiver, autour de 40 °C soit à température du corps pour un réveil en douceur, peu sucrée : thé, café, tisane…
Le déjeuner
À la mi-journée, les sécrétions des enzymes digestives sont à leur apogée, plus encore si vous les stimulez avec un verre d’eau ou une crudité pour commencer. Ce qui signifie que le déjeuner peut être un repas copieux, sans trop perturber l’organisme. Il est néanmoins recommandé de modérer la montée glycémique en faisant le choix entre féculent ou dessert (ou alors peu sucré), afin de prévenir l’appel de la sieste après le repas.
Bases pour déjeuners chronobio : les combinaisons sont nombreuses, soyez créatifs !
- Une crudité de saison arrosée d’un filet d’huile végétale (première pression à froid)
- Un légume de saison cuit (peu et en douceur) arrosé, lui aussi, d’huile végétale ou d’une petite sauce crème végétale aux épices ou aromates (au choix et selon les goûts)
- Une portion de protéines, végétales (céréales complètes ou semi-complètes + légumineuses au choix et à varier) ou animales (viande, volaille, portion de fromage si vous n’en avez pas mangé au petit-déjeuner, par exemple)
- Une portion de céréales ou de pain ou de tubercules (panais, carottes, pommes de terre…) ou d’amylacées (patate douce, petits pois, châtaignes…), si nous n’avez pas fait le choix d’un plat végétarien, ou un dessert
Le goûter
S’il y a un moment pour se faire plaisir avec des aliments sucrés, c’est bien au moment du goûter. À ce moment de la journée, notre organisme est moins impacté par le sucre. L’organisme opère alors une insulino-résistance naturelle, autrement dit, les récepteurs à insuline, et l’insuline elle-même, sont bien moins connectés que le matin. Aussi, un aliment à indice glycémique plutôt élevé fera l’effet d’un autre à l’indice plus bas.
Par ailleurs, le tryptophane est tout indiqué au goûter. Il s’agit d’un acide aminé essentiel contenu dans certains aliments (céréales complètes, chocolat noir, banane, noix de cajou, etc.), précurseur de la sérotonine, le neurotransmetteur de la gestion des humeurs et de l’appétit, sérotonine qui déclenche à son tour la mélatonine, la neurohormone du sommeil. Le tryptophane est précieux mais fragile et, s’il vient à manquer, le cerveau sera en déficit chronique de sérotonine. Résultat : envie irrépressible de manger des aliments sucrés en fin de journée et qualité du sommeil altérée. Anticipez !
Idées de goûter : des vitamines, du plaisir et un peu de protéines
Au choix, à alterner:
- Un fruit frais entier et de saison, préférable aux compotes et plus encore aux jus de fruits, les unes appauvries et les autres dépourvus de fibres, pour lesquels les enzymes ne sont pas sollicitées ou le sont peu, ce qui tend à retarder la leptine, hormone régulatrice de la satiété
- Fruits secs, séchés ou déshydratés : raisins, abricots, dattes, figues, bananes, pommes
- Aliments riches en tryptophane : noix de cajou, carrés de chocolat noir (minimum 70 %, le précieux acide aminé se trouvant dans le cacao), banane, biscuits aux céréales complètes ou part de gâteau maison
- Yaourt à base de lait animal ou végétal nature agrémenté de sucre complet, de miel, de confiture, de sirop de dattes ou d’érable
- Oléagineux : seulement si vous n’en avez pas déjà mangé au petit-déjeuner et si vous avez prévu une activité sportive en fin de journée. Sinon, préférez-les au petit-déjeuner : si leurs protéines sont intéressantes à l’heure du goûter, leur apport en lipides l’est beaucoup moins
- Boisson végétale sans sucres ajoutés ou petit lait (en hiver, délayer un peu de poudre de cacao pour en faire un chocolat chaud !)
Le dîner
Le dîner sera léger mais pas, pour autant, dépourvu de protéines et de lipides. Celles-ci seront, en revanche, distinctes de celles qui sont recommandées au petit-déjeuner. Les acides gras seront ici polyinsaturés (oméga-3), ceux qui s’incorporent aisément dans les membranes cellulaires et ont la capacité de régénérer l’ensemble des cellules ou tissus de l’organisme pendant la nuit. Le respect des biorythmes, c’est d’ailleurs aussi dormir suffisamment.
En matière de protéines, évitez les viandes rouges riches en tyrosine, précurseur de la dopamine : l’hormone du jour. Vous vous épargnerez ainsi des difficultés d’endormissement, voire une insomnie. La volaille, dont le poids moléculaire est moindre, est bien mieux admise.
Au dîner, les légumes sont aussi bienvenus. Leurs apports en vitamines et minéraux sont précieux : ceux-ci sont des co-facteurs, essentiels pour favoriser l’ensemble des réactions métaboliques. Préférez-les arrosés d’un filet d’huile végétale de qualité (première pression à froid) riche en oméga-3 (colza, cameline, lin, noix…). L’hiver, la tendance est aux soupes pour se réchauffer. Optez pour des textures épaisses ou en morceaux, type minestrone, plutôt que liquides, qui auront tendance à noyer les enzymes digestives alors en plein travail de découpage. Tout dépend toutefois de l’organisme de chacun : nous ne sommes pas tous égaux en matière d’enzymes digestives…
Quant aux glucides, la revue scientifique médicale britannique The Lancet a montré qu’il pouvait être judicieux de manger des féculents et autres aliments riches en glucides complexes au dîner (céréales complètes, amylacées, légumineuses). En effet, la sécrétion d’insuline ainsi générée favoriserait l’absorption du tryptophane. Toutefois, il est indiqué de cuire ses féculents al dente, de les préférer complets ou semi-complets et d’en manger en petite quantité, sans sauce ni fromage râpé, plus caloriques que les pâtes seules. Parce que l’excès de calories le soir stockera un surplus d’apport énergétique assez peu utile pour aller dormir et surtout à l’origine de surcharges mal placées.
Pour finir, évitez le sucre au dessert, sinon un ou deux petit carrés de chocolat noir 70 %. Le pancréas, qui a travaillé dur toute la journée, n’attend qu’une chose le soir : du repos jusqu’au lendemain matin. Or manger sucré, c’est le faire redémarrer et bloquer les hormones de croissance. Qui dit sucre au dîner, ou plus tard dans la soirée, dit vieillissement prématuré.
Dîners chronobio : légers mais pas dépourvus d’apports en protéines et lipides
Une portion de chaque, à varier en fonction de vos envies :
- Petit poisson gras (sardines, maquereaux, anguilles, chinchards…) riche en oméga-3 : 2 ou 3 fois par semaine
- ou Protéine végétale (association céréales ou amylacées/légumineuses)
- ou Volaille à la crème végétale
Associer avec :
- Légumes (minestrone, soupe épaisse, vapeur, poêlés…) locaux et de saison arrosés d’un filet d’huile végétale riche en oméga-3 (ou oméga-6 et 3 associés, l’un protégeant l’autre de la peroxydation) : huile d’olive ou de colza, par exemple
- Glucides complexes (céréales complètes, amylacées, légumineuses) légèrement assaisonnés, si votre portion de protéines n’était pas végétarienne
Se recaler sur son rythme biologique pour rester en santé
Régler le rythme, mais aussi les quantités des apports alimentaires en fonction des besoins, permet de parvenir à un fonctionnement normal, voire optimal de votre corps. Par conséquent, vous prévenez ainsi l’apparition de maladies d’industrialisation.
Il est admis que tous les traitements médicamenteux (allopathiques, homéo-, phyto- ou encore nutri-thérapeutiques) ont quasiment tous une heure d’administration, décisive pour les rendre efficaces... Concernant les aliments, c’est pareil. L’horaire des prises alimentaires a une influence sur le métabolisme, donc sur l’état de santé. Aussi, quand l’alimentation moderne (grignotage ou snacking, produits ultra-transformés ou carencés) pousse insidieusement à consommer toujours plus et à toute heure, la machine se dérègle. Émergent alors des pathologies qu’on appelle métaboliques qui résultent précisément de ces déséquilibres : diabète de type 2 dit « gras », maladies cardiovasculaires, maladie de Nash et autres cancers reconnus aujourd’hui comme étant métaboliques. L’alimentation moderne entraîne des modifications ne répondant plus aux besoins naturels du corps humain tel qu’il a été conçu.
A propos de l'auteure :
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