Accueil Conseils santé Végétarisme, végétalisme, véganisme : les risques de carences à connaître et maitriser
Végétarisme, végétalisme, véganisme :
les risques de carences à connaître et maitriser
Comme nous l'expliquions il y a peu, il est souhaitable d'adopter certaine règles d'association alimentaires pour pouvoir remplacer les protéines animales par les protéines végétales dans son assiette. Pour autant, pratiquer un régime strict sans produits animaux pourrait entrainer, à terme, des risques de carences ou subcarences qu'il est préférable de connaitre, ne serait-ce que pour savoir les prévenir par la complémentation. Tour d’horizon de ces questions.
Végétalien, végétarien, lacto-végétalien, pescétarien ou flexitarien… les régimes alimentaires excluant ou réduisant la part de produits d'origine animale ont le vent en poupe : l’augmentation du marché végétarien et vegan en France était de 24 % pour la seule année 2018. Et même si les végétaliens ne représentent qu’environ 2 % de la population française, on estime aujourd’hui qu’environ un tiers de la population est flexitarienne, c’est-à-dire qu’un tiers de la population a diminué fortement sa consommation de viande.
La décision de devenir végétarien est souvent basée sur des raisons très nobles notamment écologiques et éthiques mais aussi pour des raisons de santé. En effet, le régime végétarien comprend beaucoup de fruits, de légumes et de fibres très bénéfiques pour la santé. De plus, le choix de ce régime conduit souvent à de nombreuses habitudes alimentaires saines et à une prise de conscience en tant que consommateurs (consommation de fruits et légumes locaux et/ou biologiques).
En revanche ce régime, qui exclue tout ou partie des produits animaux, demande une connaissance et une compréhension fine de la nutrition afin d’éviter les carences et subcarences, dont les risques sont réels. En effet, les produits animaux sont à la fois les plus denses en nutriments et les plus biodisponibles pour le corps, c’est-à-dire les plus facilement assimilables. En excluant ces produits, on limite de facto ses apports en protéines et graisses saturées.
Voici une liste, non exhaustive, des carences potentielles induites par ce type de régime :
Une carence en protéines
Tout d’abord, il faut savoir que nos corps ont un besoin physiologique d’apport en protéines : un manque de cet apport peut entraîner à la fois une grande fatigue, des fringales ainsi que des problèmes avec notre système immunitaire. Il y a dans le corps humain plus de 50 000 protéines différentes (structurelles, de transport, de défense, d’enzymes, etc.) qui sont utilisées comme des briques pour la synthèse de nos tissus, de nos organes, de nos nerfs ou de nos muscles. Les protéines sont également essentielles pour le fonctionnement enzymatique, les anticorps, l’hémoglobine et les hormones peptidiques. Les protéines sont elle-même constituées d’acides aminés dont 20 sont utilisés dans notre corps. Parmi ces 20 acides aminés, 9 sont dits essentiels car notre corps ne peut pas les synthétiser lui-même ; il doit donc les obtenir par l’alimentation. Mais le terme essentiel est un peu trompeur car certains acides aminés dits non essentiels (tels que l’arginine, la cystéine, la glutamine, la tyrosine, la glycine, la proline et la serine) deviennent indispensables lorsqu’on tombe malade ou lorsqu’on est soumis à un stress prolongé. Le problème est que les protéines végétales ne contiennent pas tous les acides aminés essentiels (ou non essentiels) : c’est la raison pour laquelle il vaut mieux bien s’y connaître en légumineuses et céréales pour satisfaire ses besoins quotidiens en acides aminés.
Mais ce n’est peut-être pas suffisant car les légumineuses peuvent être difficiles à digérer : en effet, elles contiennent un certain nombre d’anti-nutriments et d’inhibiteurs enzymatiques comme les acides phytiques qui altèrent la digestion.
Enfin, pour maintenir ses apports énergétiques journaliers, la réduction d’apport en protéines est souvent compensée par l’augmentation d’un autre macro-nutriment. Chez les végétariens, ce sera le plus souvent les glucides. Les protéines animales sont à la fois très denses en protéines, pauvres en glucides et très denses en nutriments. Or l’augmentation des apports glucidiques peut altérer la flore intestinale, favoriser la prolifération du candida albicans (champignons) et augmenter le risque de parasites intestinaux.
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Une carence en acides gras saturés
Contrairement à ce qu’on a longtemps enseigné, les acides gras saturés (que l’on trouve essentiellement dans les produits animaux comme le beurre, la viande, le lard, la graisse de canard…) consommés avec modération, sont essentiels pour le bien-être ! Grâce à leur structure biochimique, les acides gras saturés sont stables à température ambiante et ne peuvent pas s’oxyder ou produire des radicaux libres au contact de la lumière, de la chaleur ou de l’air contrairement aux acides gras polyinsaturés (AGPI). De ce fait, ce sont les meilleures graisses à utiliser pour faire chauffer fortement vos aliments. Deuxièmement, le cholestérol, un des acides gras saturés, est un des constituants de base pour produire les hormones stéroïdiennes (la testostérone, l’œstrogène, la progestérone et le cortisol). Le régime strict végétalien peut ainsi donner des troubles du cycle féminin comme une aménorrhée. Les graisses animales sont, de plus, très riches en vitamines lipo solubles A, D, E et K.
Un ratio Oméga-3 / Oméga- 6 déséquilibré
Avoir l’équilibre entre les acides gras essentiels (Oméga-3 et Oméga-6) est un des principes de base d’une alimentation dite anti-inflammatoire. Les végétariens risquent de voir ce ratio déséquilibré à cause d’apports excessifs en Oméga-6 que l’on trouve notamment dans les oléagineux, les lentilles, le soja et certaines graines, tous très présents dans leur alimentation.
Il existe aussi des Oméga-3 d’origine végétale (de type ALA) mais ils sont peu absorbés. En effet, chez une personne en bonne santé, seulement 5 % environ des ALA sont conjugués, c’est-à-dire transformés dans des formes plus biodisponibles : EPA et DHA. De plus, cette conjugaison nécessite certains co-facteurs comme le zinc, le fer (voir ci-dessous) et le sélénium qui risquent eux-mêmes d’être carencés chez les végétariens. Les EPA et DHA se trouvent principalement dans les poissons gras et l’huile de foie de morue, même s’il est vrai que certaines algues marines peuvent aussi en contenir. En conséquence, par rapport aux omnnivores, les végétariens ont des niveaux d’EPA et de DHA qui sont, en moyenne, 30 % plus bas, et les végétaliens 50 % plus bas.
Le ratio Oméga-3/Oméga-6 est très important et il ne faut pas simplifier cette notion car il existe deux nuances importantes :
-La biodisponibilité des acides gras essentiels est capitale (lire ci-dessus)
- Les Oméga-6 sont également essentiels pour la santé. L’important est leur qualité et leur diversité ; on distingue deux acides gras essentiels d’Oméga-6 :
- Les acides linoléiques conjugués (ALC) : un acide gras essentiel d’Oméga-6 et un acide gras trans d’origine naturelle provenant de ruminants (viande et produits laitiers). Les ALC ont des propriétés anti-oxydantes et protègent contre les maladies cardiaques et le cancer.
-
L’acide arachidonique : un autre acide gras essentiel d’Oméga-6, facteur clé dans la réponse inflammatoire qui se trouve uniquement dans les graisses animales et les abats. Longtemps mal compris, cet acide gras est de plus en plus considéré comme jouant un rôle essentiel dans la fonction cérébrale, la santé de la peau et l’intégrité intestinale (pour n’en nommer que quelques-uns).
Les carences possibles en vitamines et minéraux
La carence en fer a été reconnue par l’OMS comme l’un des problèmes de santé mondiaux les plus importants car pouvant conduire à de l’anémie. On estime qu’environ 24,8 % de la population mondiale est anémique et notamment les femmes en âge de procréer, et les jeunes. Le fer non héminique, celui qui vient des végétaux, est moins bien assimilé que le fer héminique, présent dans les produits animaux tels que la viande rouge et les abats. Des études démontrent qu’un apport adéquat journalier (AJR) en fer sous forme non héminique peut donner une carence. Par ailleurs, les légumineuses riches en fer contiennent de l’acide phytique qui a un effet chélateur (c’est-à-dire qu’il capte le fer et le calcium) dans le tractus digestif. De plus, l’absorption du fer non héminique est inhibée par la consommation fréquente de café, de thé et des produits laitiers.
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- La carence en zinc : ce minéral est essentiel pour presque toutes les fonctions cellulaires de notre corps. Il joue notamment un rôle primordial dans la santé de notre peau, la cicatrisation, notre système immunitaire et la maintenance des organes sensoriels. Le zinc se trouve dans les huîtres, la viande rouge, la volaille, les noix et les graines ainsi que dans certaines légumineuses. Le problème reste encore la biodisponibilité car les sources végétales de zinc contiennent des phytates de zinc (du zinc lié à de l’acide phytique), ce qui rend l’absorption plus difficile. Les régimes végétariens réduisent ainsi l’absorption de zinc d’environ 35 % comparé à un régime d’omnivore.
- La vitamine B12 (cobalamine) : cette vitamine rouge est la plus complexe des vitamines hydro-solubles et peut même être stockée par le foie (raison pour laquelle la carence n’intervient qu’après un certain temps chez les végétariens). Cette vitamine se trouve uniquement dans les produits animaux, même si une certaine quantité négligeable est produite par notre flore intestinale. Cette vitamine est essentielle pour la réplication de l’ADN, la myéline et le métabolisme des acides gras. La vitamine B12 est également indispensable pour le bon fonctionnement du système immunitaire. Des études récentes démontrent que jusqu’à 77 % de végétariens et 92 % des végétaliens ont une carence de cette vitamine essentielle. L’absorption de cette vitamine nécessite la production du facteur intrinsèque, une glycoprotéine, produite par les cellules pariétales de l’estomac. Une bonne digestion est ainsi essentielle afin de bien absorber cette vitamine. De plus, d’autres études démontrent que même une alimentation contenant des œufs et des produits laitiers peut donner à terme une carence en vitamine B12. Les symptômes d’une carence en B12 sont très variés, de l’anémie pernicieuse (ou maladie de Biermer) jusqu’aux symptômes neurologies et psychologiques.
- La vitamine A (rétinol) : cette vitamine liposoluble se trouve uniquement dans les produits animaux tels que les abats, les œufs et les produits laitiers de qualité. La provitamine A ou le carotène, précurseur de la vitamine A, se trouve en revanche dans les légumes tels que la patate douce, les carottes et les tomates. Ce précurseur nécessite l’enzyme carotène afin de le transformer sous sa forme active, rétinol, dont le corps a besoin pour bien fonctionner. La digestion est ainsi encore une fois la clé pour bien absorber cette vitamine.
- La vitamine D est également une vitamine liposoluble et se trouve notamment dans les produits animaux tels que le saumon, le thon, le maquereau, les abats, les œufs et certains champignons. Cette vitamine, qui est en réalité une hormone stéroïdienne, favorise l’absorption du calcium dans l’intestin et maintient les niveaux de calcium et de phosphate dans le sang, protégeant contre l’ostéoporose, le rachitisme et les fractures osseuses. Elle régule également la fonction immunitaire, la croissance cellulaire et la fonction neuromusculaire.
En conclusion, il faut bien se renseigner avant de se lancer dans un régime végétalien afin d’éviter des carences éventuelles, notamment pour les plus fragiles : les enfants, les adolescents, les femmes enceintes, les malades et les personnes âgées.
En ce qui concerne les produits animaux, c’est la qualité et non la quantité qui compte. En choisissant des produits locaux, venant d’animaux élevés en plein air et nourris d’herbe, on fait une action à la fois pour sa santé – car ces animaux ont un profil nutritionnel plus intéressant – et pour la planète. Enfin, pour répondre à ceux qui décident d’être végétariens pour des raisons écologiques, selon une étude récente, les trois meilleures façons de réduire son empreinte carbone seraient d’avoir moins d’enfants, de vivre sans voiture et d’éviter les vols en avion long-courriers. À méditer !
Références :
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- "Dietary iron intake and iron status of German female vegans: results of the German vegan study". Ann Nutr Metab. 2004, doi:10.1159/000077045
- "Physiological and Dietary Determinants of Iron Status in Spanish Vegetarians". Nutrients, 11(8), https://doi.org/10.3390/nu11081734
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- “The Climate mitigation gap: education and government recommendations miss the most effective individual actions”, 2017, Environmental Research Letters
- "Nutrition and Health – The Association between EatingBehavior and Various Health Parameters: A MatchedSample Study", Plos One, 2014.
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