Accueil Traitement Les psychédéliques pourront-ils un jour remplacer les anxiolytiques ?
Les psychédéliques pourront-ils un jour remplacer les anxiolytiques ?
Ayant fait scandale dans les années 1970 après avoir été adoptées par la génération du Flower Power, les substances psychédéliques longtemps connues principalement en tant que « drogues » récréatives sont de plus en plus reconnues comme de potentiels médicaments utilisables pour traiter les troubles psychiques.
Après des années d’omerta, tout de même émaillées de recherches restées discrètes faute de financement, de nouvelles études à haut niveau de preuve viennent désormais asseoir les propriétés thérapeutiques de certains psychédéliques ; avec le secret espoir qu'ils pourraient, dans les années à venir, devenir des médicaments accessibles légalement. Ce regain d’intérêt dans le champ de la psychiatrie concerne aussi bien des substances naturelles dites « enthéogènes », c’est-à-dire utilisées traditionnellement à des fins spirituelles, religieuses ou chamaniques (psilocybine, mescaline, iboga, ayahuasca...), que des molécules de synthèse isolées ultérieurement à des fins médicales (LSD, kétamine, MDMA) avant d'être détournées de leur usage à des fins récréatives.
À la suite de leur interdiction en pleine période hippie, la persévérance d’une poignée de spécialistes américains ‒ neurologues, psychologues, psychiatres ‒, puis le ralliement de quelques mécènes peu avares de millions ‒ des baby-boomers nouveaux magnats de la Silicon Valley ‒ ont permis de relancer l’intérêt à la fois des chercheurs (toujours plus nombreux à travailler sur le sujet) et du public , notamment grâce aux efforts déployés par l’association MAPS (Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies) créée en 1986. Sur le continent européen, quelques rares et sporadiques essais cliniques ont été autorisés, en Grande-Bretagne et en Suisse notamment, et, comme de l’autre côté de l’Atlantique, les résultats sont pour le moins encourageants.
Ce retour en grâce progressif aboutit en 2021 à la publication de deux nouvelles études, l’une dans JAMA Psychiatry, l’autre dans Nature. La première rend compte de l’efficacité de la psilocybine (extraite de champignons hallucinogènes), associée à une psychothérapie brève (à peine plus d’une dizaine d’heures), dans le traitement, de manière accompagnée, de la dépression . Cette association montre des résultats remarquables par leur rapidité et leur durabilité, comparativement à des traitements classiques, avec un minimum d’effets secondaires et addictifs. La seconde, une étude de phase III, relate l’efficacité de la MDMA (une amphétamine illicite, molécule principale de l’ecstasy), également associée à une psychothérapie courte, dans le traitement du syndrome sévère de stress post-traumatique, caractéristique des soldats confrontés aux horreurs de la guerre. Là aussi, les symptômes sont significativement atténués en un temps record par rapport aux thérapies habituelles, avec une tolérance remarquable même chez les sujets présentant des comorbidités.
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Ces résultats enrichissent un faisceau de preuves déjà bien fourni : des études passées ont montré l’intérêt de certains psychédéliques dans le traitement de la dépression, de l’anxiété (y compris de personnes au seuil de la mort comme des cancéreux), de l’alcoolisme, du tabagisme ou encore des troubles du spectre autistique. La particularité des psychédéliques par rapport aux traitements de référence actuels résiderait dans leur capacité à induire des améliorations significatives en un nombre de prises limité (quelques fois unique), et à la durabilité de ces améliorations, bien que cette persistance reste pour l’instant inexpliquée. Certains des chercheurs les plus à la pointe sur la question, comme le Dr Stephen Ross de la Grossman School of Medicine de l’université de New York (NYU) ou la Dr Julie Holland, psychiatre et chercheuse, pensent que les effets des psychédéliques seraient indissociables de l’expérience spirituelle généralement intense qu’ils procurent, laquelle aurait le pouvoir, mais dans le sens opposé des expériences négatives, de modifier durablement l’humeur, les représentations mentales et l’état de conscience. Il s’agirait de l’exact opposé du traumatisme, de son antidote en quelque sorte.
La majorité des sujets ayant participé aux études témoignent d’ailleurs, selon le Dr Roland Griffiths, professeur au département de psychiatrie et neurosciences de la Johns Hopkins University School of Medicine et spécialiste historique de la psilocybine, que l’expérience spirituelle associée à la prise du psychédélique reste pour eux l’une des cinq expériences de vie les plus marquantes, et pour la moitié d’entre eux, c’est même la plus marquante. Au-delà de l’expérience elle-même, près de 90 % des sujets rapportent ressentir depuis une meilleure satisfaction dans leur vie, un changement de comportement et d’humeur dans un sens positif, ainsi que de meilleures relations sociales. Avec de tels avantages, en comparaison des inconvénients des antidépresseurs et des anxiolytiques classiques, peut-on raisonnablement espérer que les autorités valident, à moyen terme, le recours encadré à ces substances dans le traitement accompagné des troubles psychiques ? À fortiori devant la déferlante consécutive à la crise du Covid...
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Sources :
« Effects of psilocybin-assisted therapy on major depressive disorder », JAMA Psychatry, mai 2021.
« MDMA-assisted therapy for severe PTSD: a randomized, double-blind, placebo-controlled phase 3 study », Nature Medicine, mai 2021.
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