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Alimentation instinctive : enfin une première preuve scientifique
Envie de viande rouge pendant les règles, ou pris d’une passion dévorante pour les fruits de mer alors que vous êtes un hypothyroïdien qui s’ignore ? Nous avons tous connu ces moments où notre corps semble savoir, d’instinct, ce dont il a besoin. Une nouvelle étude, pionnière sur le sujet, apporte un nouvel éclairage sur le sujet et conclut que, tous comme les animaux, nous aurions ce pouvoir.
Nous savons que les moutons ou les rongeurs ont la capacité de choisir leurs aliments en fonction de ce qu’ils contiennent, donc de leurs besoins en micronutriments. Mais les études menées sur l’être humain peinent à prouver formellement que nous aurions également cette aptitude. Menée par des chercheurs de haut vol, elle indique que notre corps, loin de réclamer uniquement les calories dont il a besoin, saurait également nous donner envie des aliments et compositions d'aliments optimales en termes d'apports de vitamines et minéraux. Cette première preuve, très attendue par les spécialistes et les tenants de l’instinctothérapie, devrait apporter de nouveaux éléments concernant cette question qui déchire souvent les spécialistes.
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Un sujet en friche depuis près d’un siècle
Dès les années 1930, la pédiatre américaine Clara Davis avait cherché à étudier ce phénomène chez les nourrissons mais de telles expérimentations seraient aujourd’hui contraires à l’éthique. Depuis, plus personne ne s’est vraiment intéressé au sujet (principalement en raison de difficultés méthodologiques), cela fait donc près d’un siècle qu’aucun scientifique ne s’était penché sur la question.
Entre temps, certains praticiens convaincus n’ont pas hésité à développer des théories autour de cette idée qu’on appelle l’instinctothérapie. Mais cette discipline, faute d’études scientifiques ayant prouvé sa validité, restait sujette à caution.
Une étude née des polémiques qui entourent l’alimentation instinctive
C’est précisément une querelle à ce propos qui a mené à la naissance de l’étude publiée récemment. Jeffrey Brunstrom (professeur de psychologie expérimentale en nutrition au sein de l’université de Bristol) et Mark Schatzker (chercheur affilié à l’école américaine de médecine de Yale, spécialiste de l’alimentation moderne) se sont montrés en désaccord durant un colloque scientifique qui a eu lieu en 2018.
Schatzker donnait une conférence autour de son livre « The Dorito Effect ». Il postule que le changement de saveur des aliments complets et des aliments transformés aurait des implications pour la santé et le bien-être. Le chercheur expliquait que cette évolution pouvait, en quelque sorte, brouiller notre radar instinctif qui nous entraîne à aller vers les aliments dont notre corps a besoin. En désaccord avec cette idée, qui validait de fait la théorie de l’alimentation instinctive, le professeur Brunstrom aurait alors interpellé l’auteur pour le mettre au défi de prouver son idée. Il raconte : « J'ai regardé Mark Schatzker faire un exposé fascinant ; il remettait en question l'opinion de certains scientifiques spécialistes de la nutrition comportementale selon laquelle les humains ne recherchent réellement que les calories dans la nourriture. Il a fait remarquer, par exemple, que le vin fin, les épices rares et les champignons sauvages sont très recherchés, mais qu'ils constituent une piètre source de calories. Tout cela m'intriguait beaucoup, alors je suis allé le voir à la fin de la conférence et je lui ai dit : « Superbe conférence, mais je pense que vous avez probablement tort. Voulez-vous que nous testions cela via une étude ? » C'est ainsi qu'a commencé ce merveilleux voyage qui, en fin de compte, montre que j'avais tort. Loin d'être un omnivore un peu ignorant, comme on le croyait auparavant, l'être humain semble posséder une intelligence perspicace lorsqu'il s'agit de choisir un régime alimentaire nutritif. »
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Une « sagesse nutritionnelle » innée
Dirigée par l'université de Bristol, cette étude internationale a été menée en deux phases. La première expérience, enrôlant 128 participants adultes, a consisté à leur faire visionner les images de différentes combinaisons de fruits et légumes. Elle a montré que la plupart d’entre nous préfèrons certaines combinaisons alimentaires à d'autres. Par exemple, la pomme et la banane seront plus souvent associées que la pomme et les mûres. Or, fait remarquable, les associations les plus courantes sont celles qui apportent le plus de micronutriments et qui sont les plus équilibrées ; c’est-à-dire que telle vitamine va être associée à tel minéral dont elle facilite l’absorption.
Durant la deuxième expérience, ils ont analysé les combinaisons d’aliments réellement choisies grâce une enquête nationale sur l'alimentation, menée au Royaume-Uni. À nouveau, il s’est avéré que les combinaisons d’aliments les plus populaires comme le célèbre « fish and chips » (du poisson frit et des frites) ou le riz au curry, sont celles qui offrent un plus large éventail de micronutriments en comparaison à d’autres combinaisons de plats qui seraient générées au hasard, comme « frites et curry ».
Selon les auteurs, ces résultats « extrêmement significatifs et plutôt surprenants » valident l’hypothèse selon laquelle les êtres humains semblent avoir une « sagesse nutritionnelle ». Ils se dirigent naturellement vers les aliments qui répondent à leurs besoins en vitamines et minéraux, et permettent donc d’éviter les carences. Une découverte qui tend à remettre en question l’hypothèse, dominante jusqu’alors, selon laquelle les êtres humains ont évolué pour privilégier les aliments à forte densité énergétique (donc à raisonner et privilégier les « calories ») et qu’il nous suffit de manger une variété d’aliments différents pour que notre régime alimentaire soit équilibré.
Des arômes artificiels qui perturbent nos instincts et favorisent l’obésité ?
Cette publication soulève également des questions importantes concernant notre alimentation moderne. Comme le relève Mark Schatzker : « Notre fixation culturelle sur les régimes à la mode, qui limitent ou interdisent la consommation de certains types d'aliments, perturbe-t-elle cette « intelligence » alimentaire d'une manière que nous ne comprenons pas ? » En effet, si l’arôme des aliments nous sert de guide instinctif pour savoir où trouver les vitamines et minéraux dont nous avons besoin, nous pourrions alors donner à des aliments vides de nutriments, mais bourrés d’arômes artificiels et d’exhausteurs de goût (comme les chips ou les sodas), une valeur qu’ils n’ont pas et contribuer ainsi à l’épidémie d’obésité. Pour ces chercheurs, l’industrie alimentaire pourrait donc actuellement être en train de « retourner » notre « sagesse nutritionnelle » instinctive contre nous, en nous donnant envie de consommer des aliments que nous aurions évités en temps normal.
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Source :
« Micronutrients and food choice: A case of ‘nutritional wisdom’ in humans ? », Appetite, 2022.
« New research shows humans possess surprising nutritional intelligence », communiqué de l’université de Bristol, 25 avril 2022,
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