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Somatic Experiencing : libérez vos traumatismes

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Article paru dans le journal nº 133

La thérapie somatique (Somatic Experiencing, ou SE) combine thérapie traditionnelle par la parole et exercices corps-esprit. Elle fait partie de la grande famille des thérapies reconnues pour son efficacité dans la résolution de l’état de stress post-traumatique. Très présente en Europe, aux États-Unis ou encore au Brésil, elle se développe en France depuis une dizaine d’années.

On doit la thérapie somatique – dont le nom anglo-saxon est Somatic Experiencing (SE) – au docteur en biophysique médicale et psychologie Peter Levine. Son expertise sur le stress lui ouvre les portes de la Nasa, où il travaille en tant que consultant dans le cadre du développement du programme de la navette spatiale.

Il se passionne dans les années 1970 pour la façon dont les animaux gèrent les états traumatiques, et élabore une thérapie. Les résultats durables obtenus avec les vétérans de l’armée américaine le confortent dans le bien-fondé de celle-ci.

Il crée en 1997 la Fondation pour l’enrichissement humain, organisation dédiée à la recherche et à l’enseignement de la SE dans le monde. Peter Levine est l’auteur de plusieurs livres sur le thème du traumatisme (lire encadré p. suivante), et sa contribution dans le domaine de la psychothérapie corporelle a été honorée en 2010 avec le prix Lifetime Achievement (littéralement : récompense pour l’accomplissement d’une vie) de l’Association américaine pour la psychothérapie corporelle (USABP).

Les fondements de la Somatic Experiencing

Peter Levine observe la capacité que possèdent les animaux à faire face aux menaces quotidiennes de leur environnement sans en retirer de séquelles notables. Il remarque a contrario que l’être humain est submergé et souvent victime de symptômes tels que l’hyper-activation du système nerveux, le figement et la dérégulation de toute sa physiologie. Observés dans leur milieu naturel, certains animaux développent, en situation de danger, une réponse de figement transitoire ; ils ne savent ni fuir ni attaquer.

Que fait la souris juste avant de se trouver coincée dans les pattes du chat ? Elle fait la morte, et si par chance le chat n’en fait pas son repas, elle sort de son figement, court dans tous les sens pour se décharger des tensions et reprend le cours de sa vie. Les animaux sortent de manière instinctive de cet état de figement qui leur permet d’éviter toute séquelle traumatique.

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Etre "bloqué" dans le figement : la base du trauma ?

Nous les humains, lorsque nous sommes confrontés à un danger qui surpasse nos capacités à y faire face, nous nous figeons également, une réponse instinctuelle similaire à celle des reptiles et des mammifères. Mais il y a un hic ! Peter Levine observe que l’être humain a, dans de nombreuses situations (en fonction de son histoire, du contexte et de ses compétences), perdu cette capacité naturelle à sortir de ce figement.

Il peut rester figé des années, voire des décennies après que la menace a disparu. L’humain a la fâcheuse tendance à se triturer le cerveau, cherche des explications, veut montrer qu’il s’en relève et que tout va bien, laissant ainsi le figement se prolonger encore et encore.

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Ce figement chronique entretenu par la peur est, selon la SE, à l’origine des séquelles traumatiques. Cette anesthésie physique et psychologique désignée par le terme de " mécanisme de dissociation " est, de manière simplifiée, ce qui nous permet de supporter l’insupportable. Si ce mécanisme peut sembler nous protéger sur l’instant, dans le temps, l’énergie qui aurait pu être libérée juste après l’évènement reste piégée, enfermée dans l’organisme, et peut engendrer des symptômes somatiques, comportementaux et relationnels classiquement décrits dans le " trouble anxieux post-traumatique ". Face à un évènement traumatisant, le système nerveux (SN) s’emballe, bouffées de chaleur, cœur qui bat la chamade, jambes qui flageolent… Pour étouffer ces débordements du SN, le corps se coupe de ses émotions et se dérègle. Le SN se désorganise et ne parvient plus à s’autoréguler, avec une impossibilité à retrouver un état d’équilibre. C’est la porte ouverte au cycle pathologique.

Les évènements traumatisants laissent des traces très profondes. Sentiment d’impuissance, insécurité, peur, douleur, anxiété, perte de contrôle, confusion, panique, états dépressifs, phobies, pensées récurrentes, insomnies, migraines, gastrites, maux de dos, douleurs inexpliquées, irritabilité, agressivité, difficultés relationnelles, dysfonctions sexuelles, problèmes de concentration, isolement… ne sont que quelques exemples de symptômes qui sont l’expression de réactions accumulées et non résolues.

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Tension, instabilité ou absence : les signes d’alerte

Avec l’expérience, le thérapeute perçoit les signes de perturbations du système nerveux. En voici quelques-uns, exposés par Peter Levine :

  • Une personne tendue, mal à l’aise, dont le corps et les sens sont en tension et indisponibles
  • Une personne désincarnée, absente au niveau physique, émotionnel, psychologique et spirituel, qui ne parvient plus à répondre correctement à une diversité de situations
  • Une personne dont les réponses sont embrouillées, désorganisées, qui se sent coincée et sans choix dans sa vie.
  • La personne est émotionnellement instable, perdue dans ses interactions avec autrui, avec parfois des relations malsaines.

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À chacun son traumatisme

Un évènement choquant quel qu’il soit peut provoquer un traumatisme. Chacun vit différemment un évènement, et ce qui peut paraître acceptable à une personne peut être très mal vécu par une autre.

Accident, divorce, agression, perte d’un être cher, violence, catastrophe naturelle, opération chirurgicale, chute, attentat, terrorisme… sont autant de situations brutales et imprévues qui peuvent être sources de stress, voire de pertes de capacité et responsables de sensations insupportables et ingérables.

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Apaiser le traumatisme, dans le cerveau, là où il s'est créé

D’après Peter Levine, la guérison du traumatisme ne peut se produire qu’au niveau du système nerveux en lien avec le cerveau car c’est à cet endroit précis que se situe la désorganisation traumatique. Il soutient l’idée que le traumatisme n’étant pas lié à l’évènement mais à la trace qu’il a laissée, il est possible de transformer cette trace, d’accompagner la personne pour qu’elle retrouve sa capacité instinctuelle à sortir du figement et son potentiel à redevenir actrice de sa guérison. La combinaison de la thérapie traditionnelle par la parole avec les exercices corps-esprit permettrait donc de traiter un large éventail de troubles de santé mentale, de symptômes de traumatisme mais également d’autres symptômes physiques (par exemple, douleur chronique, anxiété, dépendance, stress, dépression, troubles digestifs…).

Exercices corps-esprit et mémoire du corps

La SE se concentre sur les sensations et les mémoires du corps, sur les ressources qui apparaissent dans l’ici et maintenant. Elle aide le patient à reconnaître et à étendre ses ressources internes, externes et manquantes, et le guide pour retrouver sa capacité d’action. Les exercices corps-esprit suscitent la régulation du système nerveux autonome qui s’était déséquilibré, la personne se réapproprie peu à peu ses sensations physiques, sans peur ni appréhensions. La SE propose des exercices de conscience corporelle afin de trouver les zones du corps qui sont tendues, bloquées, figées mais aussi de conscientiser les zones du corps actives qui sont ressourçantes. Le thérapeute aide le patient à se reconnecter à ses sensations sans qu’il soit submergé par celles-ci et que n’interfèrent la peur et la terreur.

Les exercices proposés visent à ramener le corps à une sensation de calme, à lever les barrières, à libérer les tensions et les sentiments négatifs. L’idée est de permettre au corps de réaliser la réponse qu’il aurait aimé donner face à la situation traumatisante pour affronter le danger. Laisser venir les postures et les gestes de manière instinctive sans intellectualiser la situation permet au corps de se décharger et de faire peu à peu disparaître l’anxiété. Le patient ne revit pas à proprement parler le traumatisme mais il le renégocie en transformant les sensations physiques. Le thérapeute reste à ses côtés pour apaiser le sentiment de détresse qui est associé à l’évènement.

Une attention particulière est portée aux ressources internes ou externes (personne, animal, objet, lieu, activité, etc.) sur lesquelles la personne peut se reposer pour se sentir plus en sécurité. Exercices de méditation de pleine conscience, respiration, visualisation et gestes apaisants complètent les outils de la SE. Une fois sortie du figement, la personne est à même de retrouver ses capacités de réponses face aux dangers potentiels (fuite, combat, négociation, recours à autrui…) et aux situations de la vie quotidienne.

Un certain nombre d’études se sont penchées sur la thérapie SE avec des résultats très positifs sur la diminution des symptômes et l’augmentation du bien-être1,2,3.

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Conseils du psychiatre Michel Schittecatte

Michel Schittecatte est fondateur du Centre d’études et de formation à la résolution du trauma (Cefort)* et formateur. Il conseille** pour limiter le traumatisme après une chute, de laisser faire le corps, de ne pas se relever immédiatement en essayant de faire comme si rien ne s’était passé. Il s’agit d’être à l’écoute, d’observer les réactions du corps, les ressentis, les sensations, sans jugement, et de rester sur le sol en attendant que le système nerveux décharge la forte activation qu’il contient. Le soutien bienveillant d’une tierce personne qui assure sécurité physique et émotionnelle est un plus important.

* www.cefort.fr/somatic-experience-se/le-trauma

** Dans Psychologies Magazine, décembre 2014.

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Idées lecture

De Peter Levine :

Réveiller le tigre, Guérir le traumatisme, éd. Interéditions, 2013 ;

Guérir par-delà les mots, éd. Interéditions, 2014 ;

Trauma et Mémoire, éd. Interéditions 2025 de P. Levine, M. Kline et collectif :

• Comment aider son enfant à faire face aux épreuves de la vie, éd. De Boeck Supérieur, 2015.

 

Trouver un praticien en Somatic Experiencing :

www.apf-somatic-experiencing.com/trouver-un-therapeute

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Références bibliographiques

1. D. Brom, Y. Stokar, C. Lawi et al., dans Journal of Traumatic Stress, juin 2017.

2. D. Vagnini, M. M. Grassi et E. Saita, dans Int. journal of Environmental research and Public Health, juillet 2023.

3. M. Kuhfuß, T. Maldei, A. Hetmanek et al., dans European journal of psychotraumatology, juillet 2021.

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé