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Guérisseur : comment ça fonctionne ?
Les guérisseurs, auréolés d’aptitudes mystérieuses, prétendent soigner quantité de maux, mais restent marginalisés par la médecine académique. Pourtant, deux tiers des Français en ont déjà consulté un, et certains interviennent au sein d’hôpitaux. Au-delà des préjugés, guérisseurs et science s’excluent-ils aussi irrémédiablement qu’il n'y paraît ? - Partie 3
C’est bien la grande question ! Que sont d’ailleurs plus enclins à se poser les sceptiques ou les personnes n’ayant jamais eu recours à un guérisseur que celles qui l’ont déjà fait et ont dépassé cette interrogation. Évidemment, vous ne trouverez pas d’explication scientifique. L’art du guérisseur s’exerce sur un plan subtil, qui échappe encore aux mesures et aux déterminismes rationnels. Quoi que…
Les mains, outil primordial
Une majorité de guérisseurs exercent principalement à l’aide de leurs mains. Elles leur servent de moyen de détection ou de « lecture » des endroits douloureux du corps. Les uns établissent un contact, en posant leurs mains sur le malade, les autres pratiquent l’imposition sans toucher. Les mains traduiraient, selon les praticiens, une chaleur ou une densité, quelquefois une couleur ou encore un fourmillement.
La « somesthésie » ou la sensibilité du corps
Nous disposons de plus de trois millions de neurones et récepteurs sensibles à la pression, à l’étirement, aux variations de température ou de vitesse de mouvement. Distribués dans tout le corps, dont les mains et la plante des pieds (corpuscules de Pacini), ils pourraient expliquer, au moins partiellement, tant la sensibilité du thérapeute à « capter » les maux de son patient que les réactions de rééquilibrage et d’autoguérison de ce dernier.
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De la magnétite au bout des doigts
On doit à deux Américains, le géophysicien Joseph L. Kirschvink et l’éthologue et biologiste James L. Gould, et à un biologiste anglais, Robin Baker, la mise en évidence de cristaux de magnétite au sein de tissus de nombreux êtres vivants ; insectes, oiseaux, poissons, mammifères, ainsi que chez l’homme. Ils en ont trouvé dans le cou et le cerveau des pigeons, sur le ventre des abeilles comme chez la plupart des insectes, dans la tête des baleines, des orques et des dauphins. Ces cristaux interviendraient dans le sens de l’orientation chez les espèces migratrices. Chez les humains, il s’en trouve dans les arcades sourcilières, la nuque, les genoux et… les mains, en particulier le bout des doigts.
Ces cristaux de magnétite fonctionneraient comme des micro-aimants, réagissant à des champs magnétiques ou des différences de potentiels très faibles, et pouvant éventuellement en induire. L’un des plus fameux scientifiques français, le physicien et mathématicien Yves Rocard (1903-1992), le père de Michel Rocard, s’y est intéressé de très près – après qu’il a pris sa retraite officielle. Passionné par la radiesthésie1, il voyait dans ces cristaux de magnétite l’explication à la sensibilité des sourciers et aux compétences des magnétiseurs. Un intérêt qui, en dépit de son immense carrière, lui valut les quolibets de ses anciens collègues scientifiques, pour qui tout cela ne pouvait relever que d’élucubrations.
L’homme électromagnétique
Les différences de potentiel électrique sont l’un des principaux moyens, avec la biochimie, qu’utilise le vivant dans ses innombrables processus biologiques. D’ailleurs, le corps humain émet un champ « énergétique » de nature électromagnétique, certes très faible, mais mesurable et s’établissant à environ 10-6 Gauss. Une intensité variable selon les individus : des études2,3 ont constaté chez certaines personnes des niveaux plus de mille fois supérieurs à la moyenne. Les cristaux de magnétite n’étant pas uniformément distribués chez les individus, ce sont vraisemblablement les individus qui en possèdent une quantité supérieure à la moyenne qui seraient les mieux disposés à l’art de la radiesthésie et du magnétisme guérisseur.
Le cryptochrome entre dans l’équation
Vingt ans après la disparition du physicien Yves Rocard, un nouvel élément s’est immiscé4 dans la question du magnétisme : le cryptochrome. Ce photorécepteur, localisé dans les yeux et participant au rythme circadien, semble intervenir dans la réceptivité au magnétisme. Selon une étude française5, ce phénomène représenterait une réponse générale à la sensibilité aux champs électromagnétiques, expliquant que ces derniers soient pathologiques quand ils sont de forte puissance (comme sous une ligne à très haute tension), ou thérapeutiques lorsque faibles (tels les champs magnétiques pulsés utilisés pour soulager l’arthrose).
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Tout ça pour quel champ d’application ?
Un guérisseur ou un magnétiseur ne peut pas tout, comme c’est le cas pour le médecin, d’ailleurs. Ce n’est pas un faiseur de miracles, même si quelquefois ça y ressemble un peu. Le magnétisme traite avec des taux de réussite relativement élevés (de l’ordre de 70 à 80 %) les problèmes de peau, tels l’eczéma, les verrues, le zona, les brûlures et même les angiomes, ainsi que les douleurs ostéoarticulaires, dont le lumbago, la sciatique, les entorses ou encore les torticolis. Il fonctionne aussi sur les maux à connotation nerveuse, parmi lesquels les migraines, les insomnies, l’anxiété, la difficulté à avoir un enfant, l’hypertension ou les névralgies. Les cystites, troubles menstruels, troubles fonctionnels digestifs et ulcères entrent aussi dans le champ thérapeutique du magnétisme. Pour le Pr Rocard, ce n’est pas le cas des fractures, des maladies infectieuses ou encore des cancers, bien qu’un guérisseur puisse aider à en soulager la douleur ou renforcer la vitalité du malade. Les guérisseurs eux-mêmes, d’ailleurs, ne s’aventurent généralement pas sur ce terrain, sans doute conscients de leurs limites, mais aussi des problèmes qu’un tel débordement pourrait leur attirer.
Des effets mis en perspective
Différentes enquêtes relatent le ressenti des soignés quant aux effets induits par le guérisseur ; sensation de détente, regain d’énergie ou grosse fatigue, impression qu’on retire un poids, crise de pleurs ou de rire… et quelquefois rien, aucun effet. Il paraît difficile de fixer l’origine de ces effets, ou de leur absence, car, comme en médecine conventionnelle, la croyance du patient, sa psychologie et son conditionnement préalable au soin sont déterminants dans l’issue de la démarche thérapeutique. Les résultats devraient aussi être analysés à partir du discours du guérisseur, d’après Déborah Kessler-Bilthauer, socio-anthropologue de la santé à l’université de Lorraine. Car en cas d’insuccès, celui-ci peut l’imputer au patient, sous prétexte qu’il n’aurait pas suivi ses directives ou pas été dans de bonnes dispositions.
Aussi des soignants de l’esprit
Les soins du guérisseur ne s’arrêtent pas toujours à la frontière du seul corps physique. Le corps et l’esprit étant étroitement imbriqués, intervenir sur l’un entraîne généralement des répercussions sur l’autre – notamment par le puissant vecteur des émotions. Il n’est pas inenvisageable non plus que la nature même du soin prodigué, qui intègre généralement une dimension « spirituelle » (une prière) ou mentale (une intention), puisse d’emblée trouver un écho sur ce registre chez le soigné, selon le principe de synchronicité (vibration à l’unisson), par exemple. On pourrait aussi convoquer la physique quantique, qui suggère que des particules sont capables de communiquer entre elles en s’affranchissant de la distance et de l’espace. Lorsqu’un guérisseur traite une zone en souffrance, des émotions peuvent remonter à la surface, entraînant un déblocage ou une libération par rapport à un « traumatisme » passé. Des phénomènes susceptibles de se manifester aussi bien pendant une séance que dans les heures ou les jours qui suivent.
La science réfute, mais…
Le guérisseur reste perçu, par la plupart des médecins et des institutions, au mieux comme un (gentil) mystificateur ; il apporte du réconfort et rassure le malade, lequel vient à lui avec un espoir ou une foi susceptibles, de toute façon, d’avoir déjà fait la moitié du travail. Des circonstances tout indiquées pour favoriser la suggestion et l’effet placebo, et qui, aux yeux des rationalistes et sceptiques de tout poil, suffisent à expliquer les effets positifs sans qu’il soit nécessaire d’aller chercher plus loin.
Les autorités taxeraient volontiers les guérisseurs (au sens large) d’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, un délit par rapport auquel la prise de risque est quasi permanente. Néanmoins, le corps médical semble s’être ouvert, notamment grâce à l’engouement pour les médecines douces, si bien que les guérisseurs sont globalement mieux tolérés, quelquefois même sollicités, ici par un médecin de famille, là par un hôpital. À l’image de l’hypnose, longtemps considérée comme de l’esbroufe avant que l’imagerie du cerveau n’éclaire son fonctionnement, le magnétisme et l’art de guérir autrement sera-t-il peut-être, un jour, mieux compris et accepté.
Il n’en reste pas moins qu’en tant que client potentiel, il faut être attentif au choix du praticien, car la profession n’étant pas réglementée, elle ne peut manquer de compter quelques moutons noirs dans ses rangs.
Le divin supplanté par le magico-thérapeutique
Avec le recul de la foi chrétienne, les dernières générations (les praticiens comme les patients) semblent s’être détachées de la dimension « divine » associée traditionnellement au travail du guérisseur. Même lorsque la prière est encore présente dans le rituel, le public reçoit moins le soin sous l’angle du don divin que sous celui de l’ésotérisme, ou à la rigueur de la psychosomatique. Mais tant que ça fonctionne…
Références bibliographiques
- Y. Rocard, Le signal du sourcier, Dunod, 1964.
- International journal of environmental research and public health, juin 2021.
- A. Seto, C. Kasuka, S. Nakazato et al., dans Acupuncture & electro-therapeutics research, 1992.
- L. E. Foley, R. J. Gegear et S. M. Reppert, dans Nature Communications, 2011.
- R. M. Sherrard, N. Morellini, N. Jourdan et al., dans Plos Biology, 2018.
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