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Douleurs chroniques, un programme pour s’en libérer

  • L’anxiété, la peur, le stress renforcent le sentiment d’avoir mal.L’anxiété, la peur, le stress renforcent le sentiment d’avoir mal.
Article paru dans le journal nº 96

Victime de douleurs lombaires invalidantes durant des années, avant d'en guérir, Alan Gordon, psychothérapeute et directeur du Centre de psychologie de la douleur de Los Angeles, a développé la thérapie de reconditionnement de la douleur (Pain Reprocessing Therapy) validée par une récente étude scientifique. Dans son livre The Way Out traduit en français en 2024, il propose vingt-et-une étapes pour vaincre les douleurs chroniques.

Douze millions de Français souffrent de douleurs chroniques. D’après le Livre blanc de la douleur, 70 % d’entre eux ne reçoivent pas de solution appropriée. Outre des effets secondaires parfois difficiles à supporter, un traitement mal adapté peut installer la douleur dans la durée. Plus l’origine d’une douleur tarde à être correctement identifiée et soignée, plus le système nerveux s’en trouve perturbé. Il continue à envoyer au cerveau des signaux de douleur alors même que sa cause a disparu. La douleur chronique se ferait ainsi l’écho de la douleur originelle dans le cerveau. Un phénomène que les prises répétées de médicaments ­antalgiques ont tendance à entretenir.

Dans son dernier livre, The Way Out (traduit en français en 2024) le psychothérapeute américain, Alan Gordon, va plus loin. Il dit que non seulement une douleur chronique s’enracine souvent dans ce mécanisme de rémanence cérébrale, qui semble tourner en boucle, mais aussi qu'une personne peut souffrir de douleurs chroniques en l’absence de dommages structurels initiaux. Alan Gordon montre comment certains maux chroniques s’expliquent par des processus psycho-physiologiques qui peuvent être désappris.

La douleur neuroplastique

De la même manière que le cerveau apprend et mémorise certaines activités (la marche chez le bébé, faire du vélo, …), le cerveau apprend et mémorise la douleur. En cas de blessure, les récepteurs corporels envoient un signal d’alarme au cerveau qui active des circuits neuronaux pour gérer l’expérience : coup, chute, brûlure, faux-mouvement… Mais il arrive que le cerveau continue de percevoir des messages de danger en provenance du corps, même après guérison.

Alan Gordon nomme cette information erronée " douleur neuroplastique ", une fausse alerte générée comme un réflexe de défense. Un groupe de chercheurs allemands a d’ailleurs mené une étude placebo qui illustre bien l’hypersensibilité cérébrale de certains individus aux stimuli de danger. Tour à tour, des personnes ont été placées au volant d’un véhicule et soumises à des perceptions sensorielles similaires à celles d’une collision par l’arrière. Bien entendu, aucun impact physique réel n’est survenu. Pourtant, un mois après le test, 10 % des patients avaient développé des douleurs à la nuque, typiques du coup du lapin, alors qu’ils n’ont pas été blessés. Selon Alan Gordon, l’explication est d’abord émotionnelle.

Comment savoir si la douleur est structurelle ou neuronale ?

Pour identifier et mieux cerner ses douleurs chroniques, voici quelques questions nécessaires à se poser.

  • Y a-t-il eu une blessure initiale, ou la douleur est-elle apparue  spontanément ?
  • Souffrez-vous d’anxiété ?
  • La douleur est-elle apparue durant une période stressante de votre vie ?
  • Les symptômes sont-ils multiples ? Les symptômes sont-ils irréguliers ?
  • Différents diagnostics médicaux ont-ils été donnés ?

La peur est l’énergie de la douleur

L’imagerie cérébrale montre déjà très bien comment une douleur aiguë active certaines zones du cerveau, notamment le cortex somato-sensoriel et l’hypothalamus. Une étude scientifique, relayée par Alan Gordon dans son livre, a permis de visualiser également les aires associées aux douleurs chroniques. En scannant le cerveau de personnes souffrant du dos au moment de leur blessure, puis un an après, l’équipe scientifique a observé que la douleur s’était déplacée vers les régions cérébrales en charge de la mémoire, des apprentissages et des émotions. Le corps avait récupéré mais la douleur avait persisté de manière visible.

Dans son programme de reconditionnement de la douleur, le psychothérapeute insiste sur le rôle de la peur dans ce processus : " Quelque part dans votre parcours, votre cerveau a enregistré le message “Je ne suis pas en sécurité”. Éducation, environnement, difficulté à exprimer ses émotions… Pour l’auteur, le conditionnement psycho-affectif d’un individu configure sa tendance à traiter la douleur ou à la subir. Les personnes touchées par des douleurs chroniques n’ont pas toutes souffert d’une enfance stressante, mais il est intéressant de comprendre que l’interprétation émotionnelle d’un danger par le cerveau peut ­chroniciser la douleur. Cette dernière n’est alors pas (ou plus) structurelle mais neuronale.

Pourquoi y a-t-il souvent rechute ?

Il est courant d’observer une recrudescence de douleurs fortes au moment où les symptômes commençaient à disparaître. Ce phénomène s’appelle « le bouquet d’extinction ».

Pour le décrire, Alan Gordon donne l’exemple du petit enfant qui fait des colères : si à chaque crise, vous lui donnez un bonbon pour qu’il se calme, que se passera-t-il si vous arrêtez ? Les colères vont devenir encore pires ! Si vous cédez, vous renforcez le cercle vicieux ; si vous restez ferme, l’enfant finira par s’apaiser.

L’anxiété, la peur, le stress renforcent le sentiment d’avoir mal. Développer un rapport authentique avec ses besoins permet de briser cette dépendance et de s’affranchir des douleurs répétitives.

Relâcher la pression pour rééduquer son cerveau

S’appuyant sur une étude de neuro-­imagerie qu’il a menée récemment avec l’université de Boulder (Colorado) auprès de personnes souffrant de maux de dos chroniques, Alan Gordon l’affirme : exercer le patient à modifier ses croyances autour des causes de sa douleur apporte un soulagement durable.

Une approche de reconditionnement de la douleur inspirée de la Méditation de pleine conscience (MBSR), développée au sein des hôpitaux américains dans les années 1980 par le médecin Jon Kabat-Zinn. Si les bienfaits de la méditation, de l’hypnose ou de l’autohypnose sont désormais connus – et utilisés dans certains hôpitaux français – pour aider le système nerveux central à modifier le ressenti de la douleur, notamment grâce à la respiration, Gordon intègre une dimension psychologique qui fait de sa méthode un protocole global, entre relaxation et transformation profonde des schémas de pensée.

Dans sa boîte à outils – des propositions qui peuvent être utilisées dans n’importe quel ordre – on trouve le Somatic Tracking qui invite à prêter attention aux sensations corporelles tout au long de la journée (pas seulement pendant une séance de méditation) afin d’installer un sentiment de sécurité et de contrôle sur ses sensations et ses émotions. " Voir la douleur comme un message plutôt que comme quelque chose qui cherche à blesser ", souligne le créateur de cette technique psychocorporelle. La douleur n’est ni forte ni faible ; c’est une douleur. L’apaisement cognitif est un exercice complémentaire pour repérer les rigidités et les sources de critique qui peuvent s’exprimer à travers l’anxiété et le perfectionnisme.

" Embrasser la joie " et " Tracer son chemin " constituent les deux dernières étapes. Elles consistent à réconforter son enfant intérieur à l’aide de visualisations positives afin d’accéder à une nouvelle puissance, une force de vie naturellement antidouleur sur de nombreux troubles chroniques : douleurs du dos, douleurs articulaires, migraines, symptômes de la fibromyalgie… Prendre de la distance avec les projections négatives sur soi… Et si c’était la clé ?

Aller plus loin :

Alain Gordon, Alon Ziv - Déjouer la douleur chronique - Une approche scientifique révolutionnaire pour reconditionner son cerveau et retrouver le bien-être - Les éditions de l'Homme, 2024, 22,90 €.

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé