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Galénique, tout est question de formes
Vous êtes nombreux à nous demander la différence entre comprimé enrobé et classique, ou quel est l’intérêt d’une forme liposomale, d’un comprimé à libération prolongée ou même d’un suppositoire ? Tout est question de galénique, autant pour un médicament que pour un remède à base de plantes.
Galénique ? Quel est ce mot qui revient souvent dans la bouche des pharmaciens et des préparateurs en pharmacie ? Que veut-il bien dire ? Il vient du nom de l’illustre médecin et pharmacien de l’empereur romain Marc Aurèle : Claudius Galenus. Galien, comme on l’appelle aussi, publia, il y a plus de mille huit cents ans, près de 400 ouvrages sur la médecine et la formulation de remèdes.
La galénique, à proprement parler, est la science et l’art de préparer, conserver et présenter les médicaments. Par extension, on parle de forme galénique pour tous les composants d’une préparation : le ou les principes actifs pour les médicaments, des extraits de plantes pour des mélanges en phytothérapie, mais aussi les substances inertes ou excipients, ainsi que la forme sous laquelle la formulation est présentée (gélule, lotion, crème, suppositoires, etc.).
Ainsi, l’une des responsabilités du galéniste est le contrôle des matières premières, des articles de conditionnement (flacons, emballages) ainsi que du matériel et de l’environnement lors de la préparation ou de la production à l’échelle industrielle. La moindre erreur peut être dramatique ! Ces derniers mois, en Indonésie, le composé d’un sirop utilisé comme solvant (le glycol) s’est retrouvé en excès dans de nombreux lots, provoquant le décès de plus d’une centaine d’enfants.
Des formes galéniques pour atteindre la source du mal
Mais cette discipline est bien plus qu’un simple mode opératoire de fabrication et de contrôle : elle va devoir trouver toutes les astuces pour que les substances actives atteignent l’origine de la pathologie. Ce qui fait de la galénique un véritable savoir-faire, qui se transmet depuis notre cher Galien, et même bien avant.
La référence qui fait aujourd’hui autorité en France est la Pharmacopée européenne (du grec farmakopoiía : " l’art de préparer les médicaments "), qui classe les différentes formes galéniques en fonction de leur mode d’administration. On peut distinguer celles qui vont traiter localement et d’autres qui vont avoir un champ d’action plus global (comme la voie orale).
Pour traiter localement, les portes d’entrées sont variées : il y a d’abord la voie cutanée, une porte très bien gardée, car c’est celle qui nous protège de l’extérieur. Elle peut toutefois être traversée par des substances lipophiles (qui se mélangent aux corps gras), comme c’est le cas des huiles essentielles. Leur pénétration cutanée se fait en quelques minutes. De plus, si on les mélange avec une huile végétale, en fonction de leur capacité de pénétration, les huiles peuvent être amenées très en profondeur dans notre organisme, jusqu’à rejoindre la microcirculation sanguine périphérique, et même certains organes. Par exemple, si on veut traiter une infection qui a lieu en surface, on peut utiliser de l’huile végétale de jojoba ou de neem (qui reste en surface). Si on veut aller plus en profondeur, on peut utiliser des huiles végétales de noisette ou de noyau d’abricot, qui diffusent jusqu’à la musculature et les articulations, pour soulager les tendinites ou même l’arthrose.
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Une autre porte d’entrée, moins courante, mais très ancienne (déjà utilisée par les médecins grecs et hébreux) est la voie rectale, principalement sous la forme de suppositoires. Là, on peut atteindre des troubles locaux (crises hémorroïdaires, parasites intestinaux) mais aussi les troubles ORL ou respiratoires. Tout l’objectif ici est d’éviter le foie, qui, par son action de détoxication, dégrade de nombreuses molécules qui peuvent nous être administrées. La muqueuse rectale présente une grande perméabilité, amenant les substances actives, par les veines hémorroïdaires, dans la circulation générale, en évitant le passage hépatique. Toute la prouesse galénique va consister à trouver des excipients qui se dissolvent à la température de notre rectum (aux alentours de 36 °C) et libèrent rapidement les substances. Il en existe de nombreux : les glycérides, des mélanges à base de beurre de karité, etc. C’est pour cela que vous trouverez encore en pharmacie des suppositoires pour les maux de gorge ou pour les infections bronchiques à base d’huiles essentielles. Lorsqu’elles se retrouvent dans la circulation sanguine, elles sont éliminées par la voie bronchique, et voilà que le remède se retrouve là où est l’infection.
Il est aussi possible de passer par les voies respiratoires pour atteindre par exemple les fosses nasales. Ici, le galéniste va plutôt jouer sur le conditionnement, mettant le produit à inhaler dans un spray nasal qui le pulvérise en profondeur dans les cavités. Les hydrolats sont d’excellents candidats pour cette utilisation, parfaitement tolérés sur les muqueuses des voies respiratoires hautes, pour calmer les irritations ou même décongestionner.
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La voie orale et la magie de l’excipient
Les formes galéniques par voie orale sont les plus nombreuses : cela paraît logique, notre système digestif est capable d’ingérer des aliments autant solides que liquides sous de nombreuses formes et de différentes natures. Cela va permettre au galéniste de se concentrer plutôt sur l’extraction des substances actives et leur conservation. En phytothérapie, les plantes sont par moments réticentes à nous donner leurs principes actifs : simple infusion, macération, décoction pour les parties les plus difficiles à extraire (racines, écorces). Et ne parlons pas de l’extraction des huiles essentielles des plantes aromatiques, qui se fera lors de la distillation par entraînement à la vapeur d’eau ! Ceux qui ont essayé savent bien que ce n’est pas aisé.
Parmi les formes liquides, certaines se conservent très bien : le résultat de l’action dissolvante de l’alcool sur la plante va nous donner les teintures, et celui du mélange de glycérine végétale et d’alcool, les macérats glycérinés. Ces derniers, très utilisés en gemmothérapie, protègent les extraits de bourgeons frais des plantes des risques d’oxydation et de dégradation enzymatique.
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Les formes solides (comprimé, gélule, pâte officinale, etc.) quant à elles, vont non seulement mieux supporter une longue conservation du fait de l’absence d’eau, mais vont faciliter la prise du traitement. D’autant plus si le goût est désagréable, un enrobage de ce comprimé permet de plus facilement faire avaler la pilule (il n’est pas forcément aisé de finir sa journée en avalant une tisane de feuilles d’artichaut, malgré toutes ses vertus hépatiques).
Tout se joue dans l’excipient, qui n’a pas qu’un rôle de remplissage. Résines, gommes, cires ou autres substances synthétiques peuvent être utilisées pour recouvrir la surface d’une forme solide. Cet enrobage peut modifier le lieu de la libération du principe actif, par exemple pour résister à l’acidité du passage gastrique, et se diffuser dans l’intestin où aura lieu son absorption : on dit dans ce cas que le comprimé ou la gélule est à libération retardée.
La forme galénique peut aussi jouer sur la vitesse de libération du principe actif. Elle peut être accélérée, c’est le cas des comprimés effervescents ou les lyophilisats oraux qui passent plus facilement lorsque l’on a des maux de gorge. La vitesse peut être réduite, avec les comprimés ou les gélules à libération prolongée, en jouant sur sa biodisponibilité : dans ce cas, avec une seule prise, la forme solide diffuse peu à peu le principe actif, comme cela se fait avec la mélatonine (l’hormone du sommeil). Très intéressante sous cette forme, elle reproduit la sécrétion physiologique idéale de notre corps, qui se fait tout au long de la nuit (il ne serait pas pratique de prendre de la mélatonine plusieurs fois dans la nuit, surtout lorsqu’on a du mal à s’endormir…).
Biodisponibilité et l’affaire Levothyrox
Le changement de formule du Levothyrox (lévothyroxine, prescrite pour les troubles de la thyroïde) du laboratoire Merck, en 2017, s’est accompagné de nombreux signalements d’effets indésirables. Deux excipients, inertes en apparence, ont été changés : la bioéquivalence a été démontrée avec l’ancienne formule, selon l’ANSM, même si elle concède que la lévothyroxine est à marge thérapeutique étroite (sensible à de très faibles variations de dose).
En 2021, des experts, commis par la justice, mettent en évidence des différences entre les deux formules sur la biodisponibilité, c’est-à-dire la vitesse de libération du principe actif dans la circulation sanguine. En octobre 2022, Merck a été mis en examen pour « tromperie aggravée » dans cette affaire.
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Dernière nouveauté galénique : vous verrez de plus en plus de formes liposomales apparaître en micronutrition (vitamines, fer, zinc, etc.) comme en phytothérapie (avec la curcumine du curcuma, par exemple). Nous sommes ici carrément dans la nanotechnologie galénique, où les principes actifs sont enfermés dans des capsules graisseuses, améliorant l’absorption de composés difficilement assimilables : comme pour la peau, les substances lipophiles traversent plus aisément la membrane intestinale, pour circuler ensuite dans le sang.
Les formes liposomales ne font pas (encore) mieux que Dame Nature
Les formes liposomales ont plusieurs fois démontré être plus efficaces que les formes galéniques classiques pour améliorer l’absorption des micronutriments. Mais cela ne se reflète pas forcément sur les bénéfices recherchés, comme c’est le cas de la vitamine C dans de nombreuses études. Le micronutriment dans sa matrice naturelle reste la meilleure option en termes d’absorption (comme cela a été démontré pour le lycopène, bien mieux absorbé quand on le mange dans les tomates rouges que sous forme de complément), mais aussi en termes de budget… Depuis septembre 2020, les autorités françaises considèrent les formes liposomales (hormis la vitamine C et le glutathion) comme des Novel Foods (nouveaux aliments), demandant aux laboratoires plus d’études cliniques pour permettre leur commercialisation. Attendons les conclusions nutriment par nutriment…
La galénique devient ainsi de la " pharmacotechnie " de pointe et amène les chercheurs à continuer à la faire évoluer. À la question " Qu’est-ce qu’un remède ? " Paracelse répondit justement : " C’est ce que la nature propose et que l’homme, par intelligence, amène à son terme. "
Références bibliographiques
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